Développé par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le concept de listes rouges des espèces est un système d’évaluation et de classification des espèces en fonction de leur risque de disparition. À l’échelle de la Wallonie, des listes rouges ont été dressées pour neuf groupes d’espèces. Pour certains groupes, les priorités de conservation ont été définies ; celles-ci doivent permettre d'orienter les politiques de restauration et de conservation de la nature.

Une méthodologie globale bien cadrée, adaptée à l'échelle régionale

Dès 2001, l'UICN a mis au point une méthodologie standardisée pour l'évaluation du risque d'extinction des espèces au niveau mondial(a). Moyennant certaines adaptations, la démarche peut être appliquée à un niveau régional, selon des lignes directrices définies par l'UICN(b). Pour un territoire donné, une espèce est prise en compte dans la liste rouge dès lors qu'elle y est indigène[1] et s'y reproduit ou s'y est reproduite de façon régulière pendant au moins 10 ans. Les espèces non indigènes (introduites), même si elles se reproduisent sur le territoire, ne sont pas évaluées ; il en va de même pour les espèces indigènes qui ne se reproduisent qu'occasionnellement sur le territoire. Les espèces indigènes ayant disparu du territoire sont par contre prises en compte. Le classement d'une espèce dans l'une ou l'autre catégorie de la liste rouge dépend de différents critères : la taille et les tendances de ses populations, le degré d'isolement de celles-ci, sa répartition géographique (étendue de la zone d'occurrence[2] et de la zone d'occupation[3])…

Sur les 2 208 espèces évaluées en Wallonie, 676 sont menacées de disparition

En Wallonie, des listes rouges ont été établies de 2005 à 2022 pour neuf groupes d'espèces étudiés, pour un total de 2 208 espèces indigènes évaluées : plantes vasculaires (1 437 espèces), carabidés (365), papillons de jour (103), libellules (60), poissons (39), amphibiens (14), reptiles (7), oiseaux (163) et chauves-souris (20). Tous groupes confondus, 1 205 espèces étaient considérées comme non menacées de disparition en Wallonie (catégories "préoccupation mineure" ou "quasi menacée"), soit 60 % des espèces évaluées en excluant les 200 espèces disparues au niveau régional. Les espèces considérées comme menacées (catégories "vulnérable", "en danger" ou "en danger critique") étaient au nombre de 676, soit 34 % des espèces évaluées hors espèces disparues. Pour 127 espèces (6 %), la catégorie de menace n'a pas pu être déterminée en raison d'un manque de données. Un total de 200 espèces étaient considérées comme disparues au niveau régional (la période de référence étant variable en fonction des groupes d’espèces).

Statut UICN* de conservation des espèces en Wallonie, tous groupes d'espèces étudiés** confondus (2005 - 2022***)

* UICN : Union internationale pour la conservation de la nature 
** Les groupes d'espèces étudiés sont les plantes vasculaires, les carabidés, les papillons de jour, les libellules, les poissons, les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et les chauves-souris.
*** L'année de référence varie selon le groupe d'espèces.
**** n = nombre d'espèces évaluées
***** LC : least concern, NT : near-threatened, VU : vulnerable, EN : endangered, CR : critically endangered, RE : regionally extinct, DD : data deficient. À noter que les catégories LC et NT sont considérées ensemble, la dinstinction n'étant pas connue pour tous les groupes


Certaines améliorations mais de nombreuses inquiétudes

Les listes rouges des libellules(c), poissons, amphibiens(d), reptiles(d), oiseaux(d) et chauves-souris(d) ont fait l'objet d'une récente actualisation (2021 ou 2022). Les résultats témoignent de certaines améliorations liées notamment aux mesures mises en œuvre en Wallonie[4], mais suscitent également de nombreuses préoccupations et confirment que les principaux facteurs de risque restent d'actualité.

Concernant les libellules, 15 espèces étaient considérées comme menacées de disparition régionale[5] et 43 étaient considérées comme non menacées[6]. Globalement, les libellules se portent mieux que par le passé, en réponse à différents efforts de restauration des habitats ou aux effets du réchauffement climatique, lesquels ont probablement bénéficié aux espèces dites thermophiles. À terme toutefois, ces effets pourraient impacter négativement les espèces, en particulier celles adaptées à des températures plus froides.

En ce qui concerne les poissons, 8 espèces étaient considérées comme menacées[7], en raison notamment de la fragmentation des cours d'eau q, de l'augmentation des températures, de la récurrence des sécheresses ou de la présence d'espèces exotiques envahissantes q, et 17 espèces étaient considérées comme non menacées[8].

Pour les amphibiens et les reptiles, respectivement 2 et 3 espèces étaient considérées comme menacées[9] et respectivement 7 et 4 espèces étaient considérées comme non menacées. Les principaux facteurs de risque sont la perte d'habitats particuliers, l'intensification des pratiques agricoles q et sylvicoles[10] ou la surabondance des populations de sangliers[11].

Concernant les oiseaux, 49 espèces étaient considérées comme menacées[12] et 102 étaient considérées comme non menacées. De façon globale, les oiseaux des milieux agricoles sont les plus affectés[13]. En cause, la transformation progressive de ces milieux en lien avec l'intensification des pratiques agricoles q.

Pour le groupe des chauves-souris, 8 espèces étaient considérées comme menacées[14], certaines montrant toutefois un accroissement des populations q. Dix espèces étaient considérées comme non menacées.

Statut UICN* de conservation des espèces en Wallonie, par groupes d'espèces étudiés (2005 - 2022**)

* UICN : Union internationale pour la conservation de la nature
** L'année de référence varie selon le groupe d'espèces ; elle est reprise entre parenthèses pour chaque groupe. Les données ont été récoltées durant plusieurs années précédant l’année de référence.
*** n = nombre d'espèces évaluées
**** LC : least concern, NT : near-threatened, VU : vulnerable, EN : endangered, CR : critically endangered, RE : regionally extinct, DD : data deficient. À noter que la distinction entre les catégories LC et NT n'est pas connue pour tous les groupes


Cibler les espèces à priorité de conservation

Afin d'orienter les stratégies de conservation, le statut de menace des espèces selon les listes rouges n'est pas le seul indicateur à prendre en compte. En effet, une espèce peut être non menacée en Wallonie mais relever malgré tout d'une priorité en raison de l'importance des populations wallonnes pour la conservation de l'espèce au niveau européen ; inversement, une espèce menacée en Wallonie peut ne pas relever d'une priorité si les populations wallonnes sont en bordure d'aire de reproduction et si les mesures éventuelles n'amèneraient aucun effet significatif sur la conservation de l'espèce au niveau européen. En Wallonie, une analyse des priorités de conservation a été réalisée pour les groupes d'espèces amphibiens, reptiles, oiseaux et chauves-souris(d) et a permis notamment de définir les espèces qui nécessitent le développement d'un plan d'action spécifique[15] ou multispécifique[16].

Les enjeux nécessitent une stratégie ambitieuse

Avec les résultats des évaluations de l'état des habitats et espèces d'intérêt communautaire[17], les listes rouges témoignent de la nécessité d'amplifier les efforts en matière de conservation et de restauration pour tenter de répondre aux objectifs fixés dans la Stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 q. Dans ce cadre, des engagements ciblant des espèces d'intérêt communautaire sont en cours de définition en Wallonie. En outre, une Stratégie "Biodiversité 360°", prévue dans la Déclaration de politique régionale 2019 - 2024 q, est en cours d'élaboration ; elle prévoit d'enrayer le déclin de la biodiversité régionale dès 2030 via la définition d'objectifs à l'horizon 2050 q.

 


[1] Une espèce est indigène à un territoire si elle y est présente/s'y est développée de manière naturelle, sans intervention humaine (en d'autres termes, si ce territoire fait partie de son aire de répartition naturelle ou de dispersion potentielle).

[2] La zone d'occurrence correspond à l'aire de répartition de l'espèce, c'est-à-dire l'enveloppe géographique globale dans laquelle se retrouvent les surfaces occupées par les populations de l'espèce.

[3] La zone d'occupation correspond à l'ensemble des surfaces occupées par les populations de l'espèce au sein de son aire de répartition.

[4] Désignation du réseau Natura 2000 q, mise sous statut et gestion de sites naturels protégés q, travaux de restauration d'habitats dans le cadre de projets LIFE q ou dans le cadre des actions du Programme wallon de développement rural 2014 - 2020 q, mise en œuvre des Plans de gestion des districts hydrographiques q ou des actions dans le cadre des Contrats de rivières q

[5] P. ex. leucorrhine à gros thorax, cordulie à corps fin, cordulie arctique ou agrion hasté

[6] P. ex. agrion mignon ou libellule écarlate

[7] P. ex. anguille européenne (dont les effectifs ont drastiquement chuté en 20 ans dans la Meuse) ou saumon atlantique (pour lequel un programme de réintroduction assure la persistance des populations)

[8] P. ex. truite fario, barbeau fluviatile ou chabot 

[9] P. ex. sonneur à ventre jaune (dont le nombre d'individus adultes en Wallonie reste très faible malgré les actions de réintroduction), vipère péliade (dont le déclin s'est nettement accentué ces dernières années), coronelle lisse (dont l'aire de répartition ne cesse de se réduire) ou lézard des souches (dont les populations sont toujours en déclin)

[10] Voir la fiche d'indicateurs "Indicateurs de biodiversité en forêt" q et l'infographie "Forêts" q

[11] Voir les fiches d'indicateurs "Évolution des populations d'ongulés sauvages" q et "Dégâts occasionnés par les ongulés sauvages" q

[12] P. ex. engoulevent d'Europe, gélinotte des bois, râle des genêts, bruant proyer, serin cini, tarier des prés ou pie-grièche grise

[13] Voir les fiches d'indicateurs "État de conservation des espèces d'oiseaux" q et "Évolution des populations d'oiseaux communs" q

[14] P. ex. petit rhinolophe (menacé par l'isolement des populations et la perte de lisières ou de haies) ou barbastelle d'Europe (espèce forestière devenue rarissime)

[15] Constitué de mesures ciblant une espèce en particulier : crapaud calamite, coronelle lisse, chouette chevêche ou petit rhinolophe p. ex.

[16] Constitué de mesures ciblant la protection d'un habitat particulier bénéficiant à plusieurs espèces : oiseaux des milieux agricoles (comme la perdrix grise) ou chauves-souris forestières (comme la barbastelle d'Europe) p. ex.

[17] Voir les fiches d'indicateurs "État de conservation des habitats d’intérêt communautaire" q, "État de conservation des espèces d’intérêt communautaire" q et "État de conservation des espèces d’oiseaux" q

Évaluation

5a4da134-a57d-4077-a363-753afb428664 Etat défavorable et évaluation de la tendance non réalisable

Défavorable
  • Référentiel : (i) Stratégie de la biodiversité pour 2020 q - objectif d’enrayer la détérioration de l’état de l’ensemble des espèces et habitats couverts par la législation de l’UE relative à la nature et améliorer leur état de manière significative et mesurable d’ici 2020
  • Selon les évaluations réalisées entre 2005 et 2022, tous groupes étudiés confondus, 676 espèces sont considérées comme menacées de disparition en Wallonie, soit 34 % des espèces évaluées hors espèces déjà disparues (200).
Évaluation non réalisable

La comparaison d'une liste rouge actualisée avec sa version précédente est le plus souvent assez délicate, les données disponibles augmentant avec le temps et les méthodologies suivies n'étant pas strictement identiques.