ENJEUX ET OBJECTIFS
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Évaluation globale de l’état de la biodiversité
Sur l’ensemble de la biodiversité wallonne[2], un petit nombre d’espèces et d’habitats sont reconnus comme d’intérêt pour la Communauté européenne au sens des directives "Oiseaux" et "Habitats-Faune-Flore", soit parce qu’ils sont vulnérables ou en danger de disparition, soit parce qu’ils sont rares, endémiques (leur répartition géographique étant limitée à un territoire particulier) ou emblématiques. Sont ainsi concernés toutes les espèces d’oiseaux sauvages présentes naturellement en Wallonie (165 espèces), ainsi que 75 espèces de la flore et de la faune (autres que oiseaux) et 41 types d’habitats[3]. Ces espèces et types d'habitats doivent faire l’objet d’un suivi régulier. Afin de dresser une évaluation globale de l’état de la biodiversité wallonne et de son évolution, cette section s’intéresse d’une part aux indicateurs portant sur ces espèces et habitats d’intérêt communautaire, et d’autre part aux indicateurs globaux que sont les listes rouges, lesquelles permettent d’appréhender le degré de menace pesant sur les espèces des différents groupes évalués.
Oiseaux indigènes : plus de 40 % des espèces en état défavorable
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Les oiseaux, comme d'autres groupes d'espèces (les papillons notamment) constituent de très bons indicateurs de l'état de la biodiversité en raison de leur sensibilité et de leur temps de réaction rapide face aux changements environnementaux.
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Sur la période 2013 - 2018, sur les 161 espèces d’oiseaux indigènes[4] nicheuses en Wallonie, 43 % (70 espèces) étaient dans un état de conservation défavorable (état inadéquat : 22 espèces ; mauvais état : 48 espèces), et 50 % (80 espèces) dans un état de conservation favorable. L'état de conservation était inconnu pour 11 espèces (7 %).
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Entre les périodes 2007 - 2012 et 2013 - 2018, il y avait presque autant d'espèces d'oiseaux en augmentation d’effectifs (35 %, soit 57 sur 161) qu'en diminution (36 %, soit 58 sur 161) ; 23 % (37 sur 161) montraient une tendance stable.
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Les espèces d'oiseaux dites communes[5] présentent les tendances les plus préoccupantes. Leurs populations sont en déclin continu depuis 1990. Entre 1990 et 2022, elles ont perdu en moyenne 40 % de leurs effectifs, soit une érosion de 1,6 % par an (c'est dans les milieux agricoles que l'avifaune présente la diminution la plus flagrante : - 60 %).
Autres espèces d'intérêt communautaire : près des ¾ en état défavorable
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Sur la période 2013 - 2018, l’état de conservation était défavorable pour près de ¾ des espèces d’intérêt communautaire dans chacune des deux régions biogéographiques qui couvrent la Wallonie. En région atlantique (nord du sillon Sambre-et-Meuse), 71 % des espèces (40 espèces sur 56) étaient en état défavorable ; en région continentale (sud du sillon Sambre-et-Meuse), 72 % des espèces (52 espèces sur 72) étaient en état défavorable.
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Entre les périodes 2007 - 2012 et 2013 - 2018, les tendances étaient contrastées : en région atlantique, seules 9 espèces sur 56 montraient une tendance à l’amélioration ; en région continentale, les résultats étaient plus encourageants dans la mesure où 21 espèces sur 72 étaient en amélioration. Pour les deux régions, la tendance n’a pu être déterminée pour un nombre important d’espèces.
Habitats d'intérêt communautaire : 95 % au moins en état défavorable
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Sur la période 2013 - 2018, les habitats d’intérêt communautaire étaient en état défavorable pour la toute grande majorité d’entre eux : 96 % des types d'habitats (27 types d’habitats sur 28) en région atlantique et 95 % des types d’habitats (39 types d’habitats sur 41) en région continentale. Seules les grottes et cavités souterraines faisaient exception.
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Entre les périodes 2007 - 2012 et 2013 - 2018, les tendances étaient contrastées : en région atlantique, seuls 3 types d’habitats sur 28 montraient une tendance à l’amélioration ; en région continentale, les résultats étaient plus encourageants dans la mesure où 16 types d’habitats sur 41 étaient en amélioration. Pour les deux régions, la tendance n’a pu être déterminée pour un nombre important de types d’habitats.
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Les types d'habitats dont la tendance est à l’amélioration (p. ex. habitats tourbeux, nardaies ou pelouses calcaires qui ont bénéficié de travaux de restauration) restent tout de même pénalisés par des surfaces trop petites et trop peu connectées entre elles.
Listes rouges : 17 à 43 % d'espèces menacées selon les groupes étudiés
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Le concept de liste rouge des espèces est un système de classification des espèces en fonction de leur risque d'extinction. Des listes rouges ont été dressées de 2005 à 2022 pour 9 groupes d’espèces étudiés, totalisant 2 208 espèces indigènes évaluées. Tous groupes confondus, 676 espèces étaient considérées comme menacées en Wallonie (espèces jugées vulnérables, en danger ou en danger critique), soit 34 % des espèces évaluées en excluant les 200 espèces considérées comme disparues au niveau régional. Selon le groupe d’espèces, la part d'espèces menacées en Wallonie varie de 17 % à 43 %.
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Pour les 5 groupes qui ont fait l’objet d’une récente actualisation de la liste rouge (2021 ou 2022), les résultats témoignent de certaines améliorations liées notamment aux mesures mises en œuvre en Wallonie (mise sous statut et gestion de sites naturels protégés, travaux de restauration dans le cadre de projets LIFE ou dans le cadre des actions du Programme wallon de développement rural -PwDR-...), mais suscitent également de nombreuses préoccupations et confirment que les principaux facteurs de risque restent d’actualité.
Analyse par type de milieux, pressions associées et mesures prises
La plupart des indicateurs repris plus haut sont des indicateurs généraux reconnus internationalement et facilement comparables entre les pays, mais ils présentent des limites. Les indicateurs composites que sont les listes rouges p. ex. ne permettent pas toujours la compréhension des phénomènes qui sont en jeu. Les indicateurs relatifs aux espèces et habitats d’intérêt communautaire quant à eux ne se rapportent qu’à une partie seulement de la biodiversité : ils ont trait majoritairement à ce qu’on appelle la biodiversité extraordinaire. Il s’agit d’espèces et d’habitats menacés, vulnérables, rares ou ayant un intérêt scientifique ou symbolique. Or la plus grande part de la biodiversité est constituée d’espèces et habitats plus communs : il s’agit de la biodiversité dite ordinaire. Bien qu'a priori plus abondants et répandus, ces espèces communes et habitats familiers montrent également des signes de dégradation. Une série d'informations complémentaires sont présentées ci-dessous par type de milieux (milieux forestiers, milieux agricoles, milieux ouverts, milieux aquatiques) et tous milieux confondus afin de dresser un diagnostic le plus exhaustif possible de l'état de la biodiversité, des pressions qu'elle subit et des réponses apportées.
— MILIEUX FORESTIERS —
Biodiversité et santé des peuplements préoccupantes
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Selon les groupes d’espèces, on estime qu’entre 20 et 75 % des espèces forestières (animaux, végétaux, champignons…) ont connu une importante contraction de leurs aires de distribution au cours du dernier siècle.
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Les effectifs des populations d'oiseaux communs strictement associés aux milieux forestiers ont montré une diminution globale de 32 % entre 1990 et 2022.
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L'ensemble des 10 types d'habitats forestiers d'intérêt communautaire présents en Wallonie sont dans un état de conservation défavorable ; ils couvrent une superficie équivalant à 27 % de la forêt wallonne (2019). Les facteurs déclassants sont principalement le manque de bois morts et de gros bois, la faible diversité structurelle (proportions relatives d'arbres de tailles et d'âges différents) ou spécifique (diversité des essences) des forêts, la compaction des sols ou encore la présence d’espèces exotiques envahissantes.
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En 2023, une défoliation anormale, soit une perte de plus de 40 % du feuillage de l’arbre, a été observée pour 46 % des feuillus et 42 % des résineux.
Sylviculture : les pratiques intensives restent importantes mais la situation évolue
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Les essences résineuses constituent 42 % de la forêt productive[6] wallonne.
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En 2018, 57 % des peuplements forestiers n’étaient composés que d’une ou deux essences différentes. Mais la situation s'améliore étant donné que cette proportion était de 70 % en 2008. Parallèlement, les peuplements à 3 essences ou plus sont passés de 30 % à 43 % entre 2008 et 2018.
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Après avoir longtemps perdu du terrain en raison de leur conversion en futaies régulières, les peuplements à structure irrégulière ou à plusieurs étages semblent réaugmenter : leur proportion est passée de 33 % à 45 % entre 2008 et 2018.
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En 2018, près de 78 % des forêts feuillues inventoriées ne contenaient aucun arbre vivant de diamètre important (plus de 240 cm de circonférence pour le chêne ou plus de 220 cm pour le hêtre p. ex.) alors qu’il est recommandé d’en avoir au moins 1 tous les 2 ha ; le volume de bois mort en forêt s’élevait en moyenne à 10 m³/ha (30 m³/ha serait le volume minimal idéal du point de vue de la conservation de la nature et indépendamment des autres fonctions dévolues à la forêt) et on dénombrait 0,65 arbre mort/ha en forêt publique (il est recommandé d’en avoir 2/ha).
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Depuis la fin du 18e siècle, 30 % des massifs forestiers feuillus wallons ont été déboisés pour l’agriculture et 26 % ont été transformés en plantations de résineux. Seuls 44 % des massifs ont été relativement épargnés par les transformations anthropiques et sont restés continuellement boisés, quel que soit le mode de sylviculture pratiqué.
Pressions locales (ongulés sauvages, tourisme…) et globales (pollution, agents pathogènes…)
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Entre 2011 et 2018, 23 % des peuplements ont subi des dégâts occasionnés par les ongulés sauvages (cerfs, chevreuils, sangliers) dont les populations ont fortement augmenté ces dernières décennies.
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Certains comportements du public en forêt sont source de nuisances (piétinement, dégradation de chemins par chevaux, motos ou quads…). Ces nuisances sont toutefois difficiles à évaluer. Selon des données anciennes (2009)(a), la fréquentation en forêts wallonnes représenterait environ 113 millions de visites par an. Dans une étude plus récente (2021)(b) et centrée sur la forêt ardennaise, la fréquentation a été estimée à 12 millions de visiteurs par an.
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Les sols forestiers gardent la trace des retombées de polluants acidifiants (SOx, NOx, NH3) : sur la période 1994 - 2012, 75 % des sols sous forêt présentaient un sol acide dont le pHeau était inférieur à 4,5, seuil de contrainte pour la grande majorité des essences, et 10 % un pHeau inférieur à 4,0, seuil sous lequel des phénomènes de toxicité peuvent apparaître. Toutefois, la forte baisse des émissions atmosphériques de polluants acidifiants depuis les années '90 a permis une diminution considérable des superficies forestières affectées par un dépassement de charge critique[7] en ces polluants. En effet, en 2015, moins de 0,5 % des surfaces forestières wallonnes étaient encore affectées par des dépôts atmosphériques dépassant la charge critique en composés acidifiants, contre 81,3 % en 1990.
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Les superficies forestières affectées par un dépassement de charge critique en azote eutrophisant (NOx, NH3) ont également baissé : en 2015, 6 % des surfaces forestières wallonnes étaient affectées par des dépassements de charge critique en azote eutrophisant, contre 67 % en 1990.
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Le développement d’insectes ravageurs (scolytes et chenilles défoliatrices p. ex.) ou d’organismes pathogènes (champignons à l’origine de l’oïdium p. ex.) peut fragiliser l’état de santé des forêts. Ces dernières années, plusieurs épisodes de développement ont eu lieu (p. ex. chenilles défoliatrices et oïdium sur les chênes en 2012 et 2021, scolytes sur l'épicéa de 2018 à 2020). Le développement de ces ravageurs et pathogènes est favorisé par le contexte actuel des changements climatiques qui entraine un affaiblissement des arbres et de leur résistance.
Une gestion plus encadrée en forêt publique qu'en forêt privée
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La certification forestière au moyen d'un label constitue un outil volontaire d'amélioration continue. En 2023, la certification PEFC concernait 95 % de la forêt publique et 12 % de la forêt privée[8].
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Les Plans d'aménagement forestier, qui fixent les grandes orientations pour une gestion durable des forêts publiques, sont requis par le Code forestier pour toute forêt publique dont la superficie dépasse 20 ha d'un seul tenant. En 2023, sur l'ensemble des superficies de forêt publique qui devaient disposer d'un tel plan, 60 % avaient un plan d'aménagement approuvé. Un grand nombre de plans d’aménagement supplémentaires sont en cours d’adoption.
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La loi sur la conservation de la nature octroie à certains sites naturels un statut de protection. Fin 2023, 10 106 ha de forêts, soit 1,8 % de la forêt wallonne, étaient inscrits en zone de réserve (réserves forestières ou réserves intégrales en forêt). Par ailleurs, 150 586 ha de forêts, soit 27 % de la forêt wallonne, étaient inscrits dans le réseau Natura 2000.
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La forêt wallonne fait l'objet d'un suivi à travers divers réseaux de mesures (Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie, Observatoire wallon de la santé des forêts…) et est au cœur d'une politique de recherche visant à soutenir sa durabilité et sa résilience.
— MILIEUX AGRICOLES —
La biodiversité des milieux agricoles est fortement impactée
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Les espèces d'oiseaux communs associées aux milieux agricoles ont perdu en moyenne plus de la moitié de leurs effectifs (- 60 %) entre 1990 et 2022, au rythme moyen de 2,9 % par an.
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Sur les 119 espèces de fleurs messicoles connues en Wallonie, 75 (soit environ 60 %) sont à présent menacées ou ont disparu alors qu’il s’agissait d’espèces répandues et abondantes au début du 20e siècle.
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30 % des espèces d'abeilles sauvages sont considérées comme menacées en Belgique.
Intensification des pratiques et simplification des paysages
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Le passage d’une agriculture extensive à une agriculture intensive à partir des années '60 a entrainé la simplification des paysages (augmentation de la taille des parcelles, disparition de mares, arbres, haies, bosquets…) et l’utilisation d’engrais et de pesticides aux effets néfastes sur les milieux naturels et les chaines alimentaires.
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La superficie des prairies permanentes (affectation agricole à faibles impacts environnementaux) a régressé de 22 % entre 1980 et 2022.
Des mesures favorables à l'environnement à généraliser
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Sous ses formes moins impactantes pour l'environnement, l'agriculture joue un rôle dans la conservation de milieux ouverts et d'habitats nécessaires à la survie de nombreuses espèces végétales et animales. C'est l'une de ses fonctions non-productives essentielles.
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Divers outils mis en place peuvent avoir des effets bénéfiques sur la biodiversité des milieux agricoles : méthodes agroenvironnementales et climatiques (MAEC), mesures de gestion favorables au maintien d'habitats et d'espèces ciblées pour les terres agricoles situées dans le réseau Natura 2000, soutien à l'agriculture bio…
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Une étude(c) précise que la superficie soutenant la biodiversité (SSB), à laquelle contribue une part des superficies sous MAEC et Natura 2000, devrait atteindre minimum 10 % des superficies sous cultures et 15 % des superficies sous prairies permanentes pour assurer la conservation des espèces et habitats naturels et fournir un soutien aux équilibres agrobiologiques favorisant la production agricole. En 2020, ces besoins n'étaient pas rencontrés puisque la SSB estimée atteignait 1,5 % à 2 % des superficies sous cultures et près de 11 % des superficies sous prairies permanentes.
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La programmation 2023 - 2027 de la Politique agricole commune (PAC) a donné lieu à un renforcement des normes de la conditionnalité, qui sont des obligations (notamment favorables à la biodiversité) devant être respectées par tout agriculteur sollicitant une aide de la PAC. En plus de la conditionnalité renforcée, des mesures visant la biodiversité font l'objet de certains éco-régimes (engagements volontaires pour 1 an allant au-delà de la conditionnalité), et de certaines MAEC (engagements volontaires pour 5 ans allant au-delà de la conditionnalité et des éco-régimes). Ces trois leviers forment, avec le soutien à l’agriculture bio, l’essentiel de "l’architecture verte" de la nouvelle PAC.
— MILIEUX OUVERTS —
Un patrimoine naturel rare et menacé
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Les milieux ouverts semi-naturels (landes, fourrés, pelouses calcaires, nardaies, milieux tourbeux…) ont subi une forte contraction de leurs surfaces en lien avec le développement de l'agriculture, de la sylviculture et de l'artificialisation du territoire. Ceci a provoqué l'isolement de ces milieux ainsi que la régression des espèces qui leur sont typiques. À titre d'exemple, il persiste actuellement sur les plateaux des Hautes Fagnes et des Tailles 120 ha de tourbières hautes intactes, contre 2 000 ha il y a mille ans.
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Les milieux ouverts, en particulier les milieux oligotrophes, restent fortement impactés par des dépassements de charge critique en azote eutrophisant (NOx, NH3) : en 2015, 95 % des milieux ouverts étaient encore impactés par un excès de retombées azotées (issues principalement de l'activité agricole), contre 100 % en 1990.
— MILIEUX AQUATIQUES —
Raréfaction des milieux humides, transformation des cours d'eau et pollutions
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Les zones humides et plans d’eau se sont raréfiés au cours du 20e siècle (assèchement, drainage, exploitation des fonds de vallée, comblement ou envahissement progressif par la végétation).
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Une partie des cours d’eau wallons ont subi des transformations qui ont modifié leur morphologie et les ont fragmentés et artificialisés, avec des conséquences directes sur la distribution des communautés animales et végétales. Selon l'état connu en 2020, 40 % des masses d’eau de surface présentaient une morphologie de qualité moyenne à mauvaise.
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Les cours d’eau wallons sont affectés par des pollutions diverses : matières organiques, azote ou phosphore en excès, micropolluants tels que les éléments traces métalliques ou les pesticides. Ces pollutions sont issues de l’agriculture, de l’industrie ou des ménages. À titre d’exemple, on constatait en 2018 sur 39 % des sites de contrôle une eutrophisation des eaux, c’est-à-dire un apport excessif d’éléments nutritifs (terres arables entrainées par érosion vers les cours d'eau, accès du bétail aux berges p. ex.) entrainant une prolifération végétale qui induit un appauvrissement de l’eau en oxygène, nocif pour les organismes aquatiques.
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Selon l'état connu en 2020, l’état biologique des masses d'eau de surface (état de la flore et de la faune aquatiques : microalgues, plantes aquatiques, invertébrés, poissons) était moyen à mauvais pour 51 % d'entre elles, ce qui signifie que les perturbations de ces masses d’eau empêchent le milieu aquatique de répondre aux exigences de toutes les espèces qui sont censées y évoluer naturellement.
— TOUS MILIEUX CONFONDUS —
Pressions de l'artificialisation
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En 2023, les terrains artificialisés couvraient entre 11 % et 16 % du territoire (+ 46,7 % entre 1985 et 2023).
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Avec un peu plus de 4 800 km de routes et autoroutes pour 1 000 km², la Wallonie présente une densité du réseau routier 4 fois supérieure à celle du réseau européen.
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Cette artificialisation provoque la disparition de milieux propices à la faune et la flore ou leur fragmentation, entrainant la rupture des continuités écologiques, l'isolement des populations animales et végétales et leur appauvrissement génétique.
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Dans sa Déclaration de politique régionale 2019 - 2024, le Gouvernement wallon s'est engagé à plafonner la consommation des terres non artificialisées d'ici 2025.
Pressions des espèces exotiques envahissantes
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Plus de 1 800 espèces exotiques sont connues à ce jour sur le territoire wallon (1 600 espèces végétales et 220 espèces animales) ; 1/3 des espèces végétales et 2/3 des espèces animales sont considérées comme établies, c’est-à-dire capables de maintenir des populations durables. Une partie de ces espèces se révèlent envahissantes.
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Le degré d’invasion est globalement plus important au nord du sillon Sambre-et-Meuse, plus artificialisé que le sud. Toutefois, les habitats naturels ne sont pas épargnés et les espèces exotiques envahissantes exercent une pression sur de nombreux habitats semi-naturels, en particulier les milieux aquatiques et rivulaires. Les espèces exotiques envahissantes constituent une menace modérée à élevée pour 45 % des habitats d’intérêt communautaire en Wallonie. Le niveau de menace sur les espèces d’intérêt communautaire n’a pas encore été estimé mais il est supposé conséquent également ; le raton laveur p. ex. a un impact considérable sur les populations de nombreuses espèces (oiseaux, moules, écrevisses, amphibiens, reptiles…).
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La Commission européenne a établi une liste des espèces exotiques envahissantes jugées préoccupantes pour l’Union européenne. Sur ces 88 espèces, 29 sont établies en Wallonie parmi lesquelles 15 sont déjà largement répandues (ouette d’Égypte, balsamine de l’Himalaya, raton laveur, berce du Caucase, rat musqué, frelon asiatique et écrevisse signal p. ex.).
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La Wallonie a assigné un objectif de gestion (éradication précoce ou confinement et atténuation des populations) spécifique à chacune des espèces exotiques envahissantes considérées comme préoccupantes pour l'Union européenne. Des mesures de destruction ont été mises en place avec de bons résultats enregistrés localement et des plans de lutte coordonnée sont en préparation.
Pressions liées aux changements climatiques et aux évènements climatiques extrêmes
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Les changements climatiques entrainent des modifications des aires de distribution des espèces (y compris invasives), qui ont tendance à se déplacer vers le nord, ainsi que des changements dans les comportements migratoires ; ils entrainent aussi des changements phénologiques (éclosion des bourgeons plus précoce au printemps, allongement de la saison des pollens…) pouvant amener une désynchronisation des cycles de développement des espèces en interaction.
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Les sécheresses saisonnières exercent une pression directe sur de nombreux habitats (assèchement de milieux humides, fragmentation de cours d'eau, stress hydrique sur les forêts…) et de nombreuses espèces (manque d'accès à une ressource en eau). En 2022, les amphibiens p. ex. ont particulièrement souffert (détection extrêmement faible de quasiment toutes les espèces d'amphibiens et succès reproducteur quasiment nul localement pour certaines d'entre elles). Les sécheresses ont également des effets indirects : raréfaction des ressources alimentaires (végétation, microfaune des sols…), augmentation de la pression de prédation sur certaines espèces protégées (vulnérabilité des écrevisses indigènes p. ex., plus accessibles à leurs prédateurs), altération de la qualité des eaux de surface. Une perte moyenne de 2 points sur 20 de la qualité biologique a été observée en 5 ans (2015 - 2020) sur les grandes rivières ardennaises et résulte très majoritairement du réchauffement climatique.
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Les inondations facilitent la progression d'espèces exotiques envahissantes (rhizomes de plantes aquatiques exotiques déplacées sur de longues distances), font disparaitre des micro-habitats (substrats de fond de cours d'eau p. ex.) avec autant d'impacts sur les espèces liées (mulette épaisse p. ex.). Elles ont également des conséquences sur la qualité des eaux de surface, directes par la dispersion de déchets, de sédiments et de polluants, mais aussi indirectes par les dégâts qu'elles peuvent causer aux infrastructures de collecte et d'assainissement des eaux usées. Cela a été le cas lors des inondations de 2021 qui ont entrainé la mise à l’arrêt totale ou partielle de plus de 170 ouvrages (stations d’épuration et stations de pompage) avec comme conséquence une pollution organique (d'où un déficit en oxygène) et une altération des conditions de vie de la faune et de la flore. À noter que fin 2023, 2 stations d’épuration étaient toujours à l’arrêt suite à ces inondations.
[1] Il est à noter que, pour assurer un bon état de conservation des espèces et habitats d’intérêt communautaire dans les sites Natura 2000, il est indispensable d’en assurer le bon état en dehors également. L’état de conservation des espèces et habitats d’intérêt communautaire est par ailleurs évalué sur tout le territoire, c’est-à-dire au sein des sites Natura 2000 mais aussi en dehors.
[2] La Wallonie abrite entre 30 000 et 35 000 espèces de microorganismes, de champignons, de plantes et d’animaux. En ce qui concerne les habitats naturels dans lesquels ces espèces évoluent, ils se répartissent en 474 biotopes différents.
[3] Chaque type d'habitats est caractérisé par des conditions climatiques et physico-chimiques particulières et uniformes, et héberge une flore et une faune spécifiques (ex. de types d'habitats : hêtraie à luzule, pelouse calcaire ou tourbière haute).
[4] Les espèces indigènes d'un territoire sont l’ensemble des espèces qui y sont présentes naturellement. Les espèces d’oiseaux indigènes en Wallonie peuvent être nicheuses (quand elles se reproduisent en Wallonie), hivernantes (quand elles ne font qu’y passer l’hiver) ou être simplement de passage en migration.
[5] Les espèces d’oiseaux dites communes sont les espèces nicheuses les plus répandues (81 espèces). Ces espèces font l’objet d’un suivi annuel.
[6] Forêt dont la vocation principale est la production de bois. En 2017, elle représentait 85 % de la superficie forestière wallonne qui était de 560 600 ha.
[7] La charge critique est la quantité maximale de dépôts de polluants qu’un écosystème peut assimiler sans effets indésirables à long terme.
[8] En 2022, 49 % de la superficie forestière totale wallonne était détenue par les pouvoirs publics et 51 % par des propriétaires privés.
Références
(a) Colson et al., 2009. La fonction récréative de la forêt wallonne : évaluation et pistes de réflexion pour son intégration optimale dans l’aménagement intégré des massifs. Forêt wallonne, 101, 3-17.
(b) ULiège Gembloux Agro-Bio Tech, INRA et RND, 2021. Diagnostic et évaluation de l’attractivité de l’Ardenne transfrontalière liée au "éco-tourisme". Projet Interreg AGRETA 2017 - 2021. Communication présentée au CESE Wallonie, Liège, Belgique.
(c) Walot T, 2020. Quelles superficies pour soutenir la biodiversité dans la surface agricole ? Note de travail dans le cadre du projet de Plan Stratégique Post 2020. UCL - ELIA - EVAGRI.
Sources
Aves-Natagora ; ISSeP ; IWEPS ; Natagora ; SITEREM ; SPF Finances - AGDP (base de données Bodem-Sol) ; SPW - AwAC ; SPW ARNE - DDRCB ; SPW ARNE - DEE ; SPW ARNE - DEMNA ; SPW ARNE - DNF ; Statbel (SPF Économie - DG Statistique) ; UCLouvain - ELI - ELIB ; UCLouvain - ELI - ELIE.
Remerciements
Michel BAILLIJ (SPW ARNE - DNF) ; Yvan BARBIER (SPW ARNE - DEMNA) ; Élodie BAY (SPW ARNE - DEMNA) ; Etienne BRANQUART (SPW ARNE - DEMNA) ; Frédéric CHEROT (SPW ARNE - DEMNA) ; François DARCHAMBEAU (SPW ARNE - DEMNA) ; Luc DEROCHETTE (SPW ARNE - DEMNA) ; Antoine DEROUAUX (Natagora) ; Philippe FRANKARD (SPW ARNE - DEMNA) ; Jean-Louis GATHOYE (SPW ARNE - DEMNA) ; Philippe GOFFART (SPW ARNE - DEMNA) ; Aurélie JEUNIEAUX (SPW ARNE - DNF) ; Thierry KERVYN (SPW ARNE - DEMNA) ; Alain LICOPPE (SPW ARNE - DEMNA) ; Grégory MOTTE (SPW ARNE - DEMNA) ; Christian MULDERS (SPW ARNE - DEE) ; Jean-Yves PAQUET (Natagora) ; Jérémy SIMAR (SPW ARNE - DEMNA) ; Sonia VANDERHOEVEN (Plateforme belge pour la biodiversité et SPW ARNE - DEMNA) ; Thierri WALOT (UCLouvain - ELIB).