Sols

 

ENJEUX ET OBJECTIFS

  • Les sols sont indispensables au bon fonctionnement des écosystèmes (cycle de l’eau, cycles biogéochimiques des éléments, régulation du climat, biodégradation de certains polluants, filtration de l'eau…) et à toute activité anthropique (production agricole et sylvicole, support physique pour toute infrastructure…).

  • Les sols sont des formations complexes et diversifiées, sièges de réactions physicochimiques multiples et d'activité biologique impliquant des centaines de milliers d’espèces qui leur permettent d'assurer leurs fonctions essentielles.

  • Les sols sont non renouvelables à l'échelle de la vie humaine. Leur dégradation peut être très rapide (fuite d'hydrocarbures p. ex.) en comparaison de leur temps de formation ou de régénération (siècles, millénaires). La mise en place de politiques de protection des sols, de prévention des dégradations et de réparation des dommages est donc essentielle.

  • Après l'air, l'eau ainsi que la faune, la flore et les habitats, les sols devraient bientôt faire l'objet d'une législation européenne sur le suivi et la résilience des sols, définissant la notion de "santé des sols", imposant le suivi de divers indicateurs et posant les principes d'une gestion durable des sols. Ce projet de législation s’inscrit dans le cadre de la Stratégie de l’Union européenne pour la protection des sols à l’horizon 2030, qui ambitionne que tous les sols européens soient en bonne santé d’ici 2050.

  • Le Plan de relance de la Wallonie comprend 12 mesures visant spécifiquement les sols, ce qui témoigne d'un intérêt particulier pour cette composante de l'environnement par comparaison aux investissements passés, essentiellement tournés vers la réhabilitation de friches industrielles.


Pressions sur les sols

Les dégradations des sols sont la conséquence de diverses pressions ou altérations entrainant une baisse de disponibilité des sols et/ou de leur capacité à assurer leurs fonctions.

Un capital soumis à diverses pressions

Les changements climatiques sont susceptibles de renforcer certaines de ces pressions ou altérations. Ils peuvent aussi affecter certaines fonctions que remplissent les sols :

  • Les sécheresses saisonnières réduisent temporairement la perméabilité des sols et augmentent leur sensibilité à l'érosion au retour des pluies. Elles affectent plusieurs de leurs fonctions comme p. ex. la production végétale (agriculture, sylviculture), le cycle des nutriments (azote, phosphore…), la biodégradation de certains polluants ou la régulation du climat local (températures plus élevées sur sols secs).

  • Les épisodes pluvieux de forte intensité accentuent les phénomènes d'érosion (jusqu'aux formes extrêmes de coulées boueuses ou de glissements de terrain) et peuvent être à l'origine de pollutions locales (fuites de citernes p. ex.) et diffuses (apports de polluants par dépôts de boues ou de sédiments pollués p. ex.). Ils ont également des conséquences sur des fonctions telles que la production végétale, la filtration et l'épuration de l'eau.


Plusieurs secteurs contribuent aux pressions

Toutes les activités humaines exercent des pressions sur les sols. La nature et l'importance de ces pressions varient d'un secteur à l'autre, comme l'illustrent les données qui suivent.

Le résidentiel : une cause majeure d'artificialisation

  • Les ménages sont fortement consommateurs de sol pour leur logement : en 2023, la part du territoire wallon dédiée aux terrains résidentiels s'élevait à 6,6 % contre 1 % pour les sites industriels. L'expansion des terrains résidentiels est la première cause de l'artificialisation des sols[1] en Wallonie puisqu'elle comptait pour 71,2 % des superficies artificialisées entre 2000 et 2023. L'artificialisation des sols entraine leur imperméabilisation partielle, qui a des conséquences multiples et souvent irréversibles : blocage de l'infiltration des eaux pluviales avec augmentation du risque d'inondation et baisse de la recharge hivernale des masses d'eau souterraines, arrêt de l'activité biologique des sols et des fonctions liées comme le stockage de carbone ou le cycle des éléments, fragmentation du territoire, formation d'îlots de chaleur…

  • L'expansion des terrains résidentiels a toutefois été moins élevée ces dernières années qu’au début des années 2000 : 11,9 km²/an entre 2000 et 2005 contre 8,1 km²/an entre 2018 et 2023. Comme la demande en logements continuera à croître à moyen et long termes, les politiques d'aménagement du territoire et de logement seront déterminantes pour atténuer les impacts. Dans sa Déclaration de politique régionale 2019 - 2024, le Gouvernement wallon s'est engagé à plafonner la consommation des terres non artificialisées d'ici 2025. L'objectif européen est d’atteindre d’ici 2050 le no net land take, c’est-à-dire de supprimer toute augmentation nette de la surface des terres artificialisées.

Croissance annuelle de la superficie des terrains artificialisés en Wallonie


Des pressions agricoles plus fortes en régions de grandes cultures

  • L'agriculture est génératrice de plusieurs pressions ou altérations touchant les sols, à des degrés divers en fonction des pratiques : manque de matière organique, érosion, compaction, perte de biodiversité et pollutions diffuses. Occupant 44 % du territoire wallon[2], l'agriculture peut jouer un rôle important dans l'amélioration et la préservation de la santé des sols à l'échelle régionale.

  • Près de 90 % de la superficie wallonne sous cultures présentait des teneurs insuffisantes en matière organique (carbone organique total < 20 gC/kg) sur la période 2015 - 2019, avec des conséquences potentielles en termes de fertilité (nutriments), de biodiversité (habitats, source d’énergie), de structure des sols (aération, résistance à l’érosion, à la compaction…), de circulation de l’eau (infiltration, rétention), de stockage de carbone (lutte contre les changements climatiques) et d’immobilisation/dégradation de certains polluants (effet filtre).

Teneurs en carbone organique total (COT) des sols agricoles en Wallonie (2015- 2019)

  • En matière d'érosion, les pertes en sol moyennes sur la période 2017 - 2021 dépassaient le seuil d'érosion non soutenable (5 t/(ha.an)) sur 57 % de la superficie des sols sous cultures, plus sensibles à cette problématique que les sols sous couvert permanent. En plus d'une perte de ressources, l'érosion a des conséquences multiples : dégâts aux cultures, risque de coulée boueuse et d’inondation, altération de la qualité des eaux de surface et sédimentation dans les cours d’eau.

  • En matière de pollution diffuse d'origine agricole, le risque est essentiellement la pollution des eaux par le nitrate et les pesticides à partir des sols cultivés. Les concentrations en nitrate dans les eaux qui percolent sous la zone racinaire dépassaient le critère de pollution des eaux (50 mg NO3-/l) sur 11 % du territoire wallon au cours de la période 2017 - 2021. Elles étaient élevées là où les sols sont principalement occupés par des cultures arables, dans des zones plus ou moins étendues de la Région limoneuse, de la Région sablo-limoneuse, de la Région herbagère et de la Région jurassique. Ces zones, désignées comme "zones vulnérables", couvrent 60 % du territoire wallon. Au cours de la période 2017 - 2021, le critère de pollution des eaux par le nitrate était dépassé sur 19 % de la superficie de ces zones.

Concentration en nitrate (NO3 -) dans les eaux de percolation en Wallonie (2017- 2021)

  • En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, la part de superficie agricole contribuant aux dépassements de normes observés pour 35 % des masses d'eau souterraines n'est pas déterminée. La Région limoneuse, la Région sablo-limoneuse et le Condroz présentaient en 2020 les doses moyennes d’utilisation les plus élevées, tandis que la Haute Ardenne, l’Ardenne, la Région herbagère et la Région jurassique affichaient les doses moyennes d’utilisation les plus faibles. Ces différences s’expliquent par le type de productions végétales présentes dans chaque région agricole : le nord de la Wallonie est dominé par des grandes cultures (céréales, betteraves, pommes de terre, maïs…), alors que le sud et l’est sont principalement occupés par des prairies permanentes.

Quantités moyennes de substances actives de produits phytopharmaceutiques appliquées par hectare sur les terrains agricoles en Wallonie*, par régions agricoles (2020)

  • Les impacts de l'agriculture sur les sols dépendent du caractère plus ou moins intensif de la production. La situation s'est améliorée progressivement du point de vue environnemental, notamment grâce à divers outils législatifs développés à partir des années '90 (conditionnalité des aides et outils du 2e pilier de la Politique agricole commune ou PAC, développement de la législation européenne en matière d'environnement) et au succès croissant de formes d'agriculture moins impactantes pour l'environnement (bio, agroécologie). Toutefois, l'agriculture wallonne reste aujourd'hui largement conventionnelle et intensive comme dans tous les pays industrialisés. En 2022, l'agriculture bio concernait 15,9 % des exploitations wallonnes et couvrait 12,7 % de la superficie agricole utilisée (SAU) dont 72,9 % de prairies permanentes et temporaires et 22,0 % de grandes cultures. Le Plan de développement de la production biologique en Wallonie à l'horizon 2030 vise notamment une production bio sur 30 % de la SAU wallonne. Au vu de l'évolution des SAU certifiées bio ces dernières années, cet objectif semble difficile à atteindre à politique inchangée.

Évolution de la part de superficie agricole utilisée (SAU) certifiée bio en Wallonie


De nombreux sols marqués par des activités industrielles passées

  • Le secteur industriel, principalement, est à l'origine de pollutions locales des sols, pour la plupart historiques et gérées sur base des risques selon les dispositions du décret "Sols", et de pollutions diffuses via des retombées de proximité essentiellement (poussières sédimentables).

  • En ce qui concerne les pollutions locales, la Banque de données de l'état des sols (BDES, consultable en ligne) fait la distinction entre les parcelles dites de couleur "pêche", qui ont déjà fait ou doivent encore faire l'objet de démarches de gestion du sol, et les parcelles dites de couleur "bleu lavande", qui ne font l'objet d'aucune obligation. Cette banque de données est alimentée en continu. Une attention particulière doit être portée aux 42 300 parcelles reprises en couleur "pêche" couvrant une superficie de 41 559 ha (2,6 % du territoire, 15 % de la superficie artificialisée) (état connu en octobre 2023). Une fois assainies, c'est-à-dire rendues compatibles avec un certain usage du sol, ces parcelles continuent à faire l'objet d'une attention en raison de l'évolution possible des normes de qualité des sols ou en prévision d'éventuels travaux impliquant un remaniement de terre ou d'éventuels changements d'usage qui remettraient en question leur compatibilité.

Superficie cumulée des parcelles cadastrales enregistrées dans la Banque de données de l’état des sols (BDES) en Wallonie (situation au 15/10/2023)

  • En ce qui concerne les pollutions diffuses d'origine industrielle, bien que des retombées en éléments traces métalliques (ETM) soient encore observées localement à des niveaux élevés certaines années, les retombées à proximité de sites émetteurs (cimenteries, carrières, incinérateurs…) sont en diminution globale depuis les années 2000, notamment grâce aux mesures prises dans le cadre des permis d'environnement et à la fermeture de certaines entreprises (sidérurgie).

Les transports et leurs infrastructures impactent les sols

Les transports sont d'autres sources de pollution diffuse de proximité. Les polluants peuvent provenir des constituants des infrastructures (présence de remblais pollués dans les aménagements routiers ou ferroviaires p. ex.), être entrainés par les eaux de ruissellement (fuites d'hydrocarbures, polluants particulaires issus de l'usure des freins, des pneus, de la chaussée/voie ferrée et de ses équipements…) ou se déposer par retombées atmosphériques (gaz d'échappement). Les infrastructures de transport contribuent par ailleurs à l'imperméabilisation des sols : elles couvraient 51,8 km2 en 1985 et 69,3 km2 en 2021.


Quelques défis prioritaires

  • Parmi les multiples défis actuels pour améliorer l'état des sols, on peut citer prioritairement :

    • La maitrise de la consommation en sol, y compris en poursuivant la gestion des sols pollués, dans un contexte de demande toujours croissante ; ce point est crucial en raison du caractère non renouvelable des sols et des conséquences irréversibles de l'imperméabilisation ;

    • L'augmentation des teneurs en matière organique dans les sols agricoles, en maitrisant les effets secondaires éventuels de certains apports (émissions de gaz à effet de serre, flux de nitrate vers les eaux, pollution diffuse des sols par épandage de matière organique inadaptée…) ; ce point est particulièrement important en raison du rôle central de la matière organique dans les sols en termes de fertilité, biodiversité, structure des sols, réserve en eau, stockage de carbone et filtration/épuration ;

    • La lutte contre les phénomènes d'érosion des sols agricoles, qui passe essentiellement par une meilleure infiltration des eaux pluviales et une limitation du ruissellement ; ce point a toute son importance vu l'évolution du climat vers une fréquence accrue des sécheresses saisonnières et des épisodes pluvieux de forte intensité, puisqu'une meilleure infiltration permet à la fois une meilleure recharge des nappes d'eau souterraine et une baisse du risque d'inondation ;

    • La lutte contre les phénomènes de pollution diffuse qui, dans certains sols et pour certains polluants, peuvent entrainer des phénomènes d'accumulation à long terme, avec des pertes de qualité (et donc d'aptitude à certains usages) ; ce point mérite une attention particulière dans le contexte du développement de l'économie circulaire : la valorisation de certaines matières sur les sols agricoles présente un intérêt agronomique pour autant que la qualité de ces matières et la capacité des sols récepteurs soient bien vérifiées.

Mesures actuelles et à venir

  • En Wallonie, les efforts se sont concentrés ces deux dernières décennies sur le développement des outils nécessaires à la mise en œuvre du décret "Sols" visant essentiellement la gestion des sols pollués et potentiellement pollués. Des financements supplémentaires (Plans Marshall) ont également été alloués à la réhabilitation de friches industrielles. Dans d'autres domaines, divers projets ont permis d'améliorer la connaissance de l'état des sols (indicateurs de qualité biologique des sols, carte des teneurs en matière organique, carte des concentrations de fond en ETM, carte de sensibilité à la compaction, état des sols urbains…) ou de développer de nouveaux outils (gestion des risques liés à l'usage de jardins potagers pollués, sélection des meilleures techniques d'assainissement…).

  • Dans le cadre du Plan de relance de la Wallonie, des projets sont actuellement mis en place pour un meilleur suivi des stocks de carbone et de la qualité (en particulier biologique) des sols, pour renforcer la filière de conseil relative à la qualité de sols (laboratoires d’analyse, conseillers…), pour cartographier l'imperméabilisation et assurer son suivi, pour tester et évaluer la faisabilité de techniques de limitation de l'imperméabilisation ainsi que pour accélérer la réhabilitation des décharges les plus problématiques. La maitrise de la consommation en sol (lutte contre l'étalement urbain) est également inscrite dans le projet de Schéma de développement territorial en cours d'adaptation.

  • Au niveau européen, la prochaine législation européenne sur le suivi et la résilience des sols nécessite des travaux de développement et/ou d'ajustement de divers indicateurs relatifs à la santé des sols de Wallonie. L'objectif, formulé dans la Stratégie de l’Union européenne pour la protection des sols à l’horizon 2030, est une bonne santé de tous les sols européens d’ici 2050.

 


[1] Les sols artificialisés correspondent aux surfaces retirées de leur état naturel (prairie naturelle, zone humide...), forestier ou agricole, qu’elles soient bâties ou non et qu’elles soient revêtues (p. ex. parking) ou non (p. ex. jardin de maison pavillonnaire). Les surfaces artificialisées incluent donc également les espaces artificialisés non bâtis (espaces verts urbains, équipements sportifs et de loisirs...).

[2] Sur base des déclarations de superficies faites par les agriculteurs pour obtenir des aides dans le cadre de la Politique agricole commune. Sur base des données cadastrales, les terrains agricoles couvrent 51 % du territoire.

 

Sources

Biowallonie ; CORDER ASBL ; Infrabel ; IWEPS ; SPF Finances - AGDP (base de données Bodem/Sol) ; SPW Digital ; SPW ARNE - DEE (dont modèle EPICgrid) ; SPW ARNE - DEMNA ; SPW ARNE - DNF ; SPW ARNE - DRCE ; SPW ARNE - DSD ; SPW MI ; SPW - OPW (SIGeC) ; Statbel (Office belge de statistique) ; UCLouvain - ELI - TECLIM & REQUASUD (licence A09/2016).


Remerciements

Gilles BERTRAND (SPW ARNE - DDRCE) ; Julien CHARLIER (IWEPS) ; Caroline CHARTIN (CRA-W) ; Patrick ENGELS (SPW ARNE - DEMNA) ; Esther GOIDTS (SPW ARNE - DSD) ; Laurence JANSSENS (CORDER ASBL) ; Christian MULDERS (SPW ARNE - DEE) ; Catherine SOHIER (SPW ARNE - DEE) ; Philippe STOFFEL (SPW ARNE - DSD).