Eau

 

ENJEUX ET OBJECTIFS

  • L'eau est une ressource renouvelable grâce au cycle de l’eau mais sa disponibilité reste limitée, et sa qualité et celle des écosystèmes aquatiques sont altérées par les activités humaines.

  • Depuis 2000, la directive-cadre sur l’eau (DCE) établit des règles et fixe des objectifs pour mettre fin à la détérioration de l’état des masses d’eau et parvenir au "bon état" des rivières, lacs et eaux souterraines. Des améliorations sont observées mais restent lentes. Cela peut s’expliquer notamment par de longs temps de transfert de polluants à certains stades du cycle de l’eau, par la lenteur des écosystèmes aquatiques à se restaurer mais aussi par le fait que l’eau est fortement touchée par toutes les formes de pollution diffuse.

  • Les défis en vue d’atteindre l’objectif de la DCE de bon état des masses d’eau en 2027 sont nombreux. De manière très générale, ils ont trait à la lutte contre toutes les formes de pollution diffuse et ponctuelle, à l’atteinte de meilleures performances dans l’assainissement des rejets d’eaux usées, à l’amélioration des conditions qui permettent le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques et à une bonne gestion quantitative de la ressource tenant compte du risque de sécheresse saisonnière.


Prélèvements en eau et ressources disponibles

Concernant les pressions sur les ressources en eau du point de vue quantitatif, les prélèvements ne dépassent pas les ressources disponibles. Sur la période 2000 - 2020, le taux d’exploitation en eau (Water exploitation index WEI+)[1] de la Wallonie était de l’ordre de 5 %, une valeur inférieure au seuil européen de stress hydrique fixé à 20 %. Par ailleurs, les prélèvements d’eau souterraine représentaient en moyenne 22 % des volumes renouvelés annuellement par la recharge pluviométrique.

Prendre en compte le risque de pénuries saisonnières

Toutefois, les sécheresses saisonnières plus fréquentes produisent des effets et laissent entrevoir notamment des enjeux de priorisation des usages si elles devaient s'accentuer sans recharge suffisante des nappes en hiver. Les secteurs les plus consommateurs sont le secteur de l'énergie pour le refroidissement des centrales électriques thermiques (67 % des prélèvements en moyenne sur la période 2016 - 2020), le secteur de la production d'eau potable (22 %) et le secteur industriel (10 %). Les prélèvements d’eau pour l’agriculture sont marginaux (0,2 %), bien que sous-estimés. Les besoins pourraient augmenter sous l'effet d’une augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, en particulier pour les secteurs de l'énergie et de l'industrie (refroidissement des installations) et pour les ménages. Pour l'agriculture, l'irrigation en tant que solution d'adaptation à l'évolution du climat ne devrait a priori concerner que les productions à haute valeur ajoutée vu son coût élevé. Ces productions ne sont pas nécessairement marginales, la pomme de terre p.  ex. (40 896 ha en 2022) représente une forte valeur ajoutée pour certains producteurs et industriels.

Usages de l'eau en Wallonie (moyenne 2016 - 2020)


Pressions sur la qualité de l'eau et des milieux aquatiques

Artificialisation et pollution des cours d'eau 

  • Depuis des décennies, les cours d’eau ont été modifiés (linéarisation du tracé, remblayage, élargissement, bétonnage des berges, barrages, régulation des débits…) et déconnectés de leurs plaines d’inondation pour permettre la navigation, se protéger des crues, développer l’agriculture, les activités industrielles et l’urbanisation ou encore produire de l’énergie. Cette détérioration de la morphologie des cours d'eau a des répercussions importantes sur le fonctionnement des milieux aquatiques.

  • La pollution de l'eau par des nutriments (azote et phosphore), des substances chimiques (éléments traces métalliques, hydrocarbures aromatiques polycycliques, huiles minérales, pesticides, biocides…) et des matières organiques (déjections domestiques et agricoles, eaux usées d'abattoirs, de laiteries, de papeteries…) impacte la qualité des eaux. Les pollutions sont soit ponctuelles, c’est-à-dire localisées (fuites de réservoirs, rejets de stations d'épuration, rejets industriels…), soit diffuses (issues des activités agricoles, des retombées atmosphériques…).

Les changements climatiques accentuent ces pressions

  • Les sécheresses saisonnières entrainent i) sur les plans hydromorphologique et biologique une fragmentation des milieux aquatiques et des modifications d'habitats avec autant de conséquences sur les communautés animales et végétales, ii) sur le plan physico-chimique une moindre dilution des polluants, une hausse de la température et une plus faible oxygénation de l'eau. Par ailleurs, les sécheresses ont comme conséquence une augmentation des stocks d'azote potentiellement lessivable dans les sols agricoles, ce qui accroit le risque de pollution des eaux souterraines par le nitrate au retour des pluies.

  • Les épisodes pluvieux de forte intensité provoquent des courants violents au sein des cours d’eau, causant la perte d'espèces animales et végétales, la dispersion d’espèces invasives et de nombreux déchets, ainsi qu'une forte érosion (coulées boueuses, effondrement de berges…) menant elle-même à l'apport massif de matières en suspension dans l'eau et à la destruction d'habitats (recouvrement par dépôts de sédiments). De plus, ces épisodes génèrent une pollution par toute substance indésirable rencontrée par l'eau lors d'inondations de zones résidentielles, agricoles ou industrielles (hydrocarbures p. ex.), ainsi que par les eaux usées urbaines en cas de dommages causés aux infrastructures de collecte et d'assainissement (stations d'épuration collectives ou STEP), et ce, jusqu'à leur réparation (cas p. ex. de la Vesdre et de la Hoëgne après les inondations de 2021).


État des eaux de surface

En application de la DCE, l'état des 352 masses d'eau de surface (MESU) wallonnes est évalué sur base de leur état écologique et de leur état chimique.

État des masses d’eau de surface (MESU) en Wallonie (état connu en 2020)


Lente amélioration de l'état écologique

  • L’état écologique des MESU s’améliore lentement puisque 43 % des MESU étaient en bon ou très bon état écologique selon l’état connu en 2020 contre 41 % selon l’état connu en 2013 et 36 % selon l’état connu en 2008. Conformément aux Plans de gestion des districts hydrographiques (PGDH) 2022 - 2027, 57 % à 68 % des MESU doivent atteindre le bon ou très bon état écologique en 2027.

  • Selon l’état connu en 2020, les résultats obtenus séparément pour les trois critères déterminant l'état écologique étaient les suivants :

    • 48 % des MESU étaient en bon ou très bon état biologique (selon la composition en espèces et l'abondance des populations de différents groupes indicateurs). La faune et la flore sont impactées principalement par les apports de fertilisants azotés et de pesticides, les rejets d’eaux usées, la canalisation et la fragmentation des cours d'eau (présence d'obstacles) ainsi que par la présence d’espèces exotiques envahissantes ;

    • 57 % des MESU étaient en bon ou très bon état du point de vue de la qualité physico-chimique (oxygène, température, pH, matières phosphorées, matières azotées, matières organiques, polluants spécifiques…) ;

    • 55 % des MESU étaient en bon ou très bon état du point de vue de la qualité  hydromorphologique (continuité du cours d'eau, structure du lit et des berges…).

État/potentiel* écologique des 352 masses d’eau de surface en Wallonie (état connu en 2020)

 

État/potentiel écologique des 352 masses d’eau de surface (MESU) en Wallonie (état connu en 2020)


Des polluants persistants dégradent partout l'état chimique

  • Selon l’état connu en 2020, aucune MESU n'était en bon état chimique (selon les concentrations en 53 polluants), à cause des substances persistantes, bioaccumulables et toxiques ou PBT ubiquistes (mercure, polybromodiphényléthers, hydrocarbures aromatiques polycycliques…) qui déclassent toutes les masses d'eau. Sans tenir compte de ces substances, 73 % des MESU seraient en bon état chimique. L’objectif 2027 des PGDH 2022 - 2027 est que 72 % des MESU atteignent le bon état chimique (hors PBT ubiquistes).

  • Les MESU en moins bon état se situent principalement dans le bassin hydrographique de l’Escaut et dans quelques sous-bassins de la Meuse (Sambre, Meuse amont et Meuse aval) où les pressions anthropiques sont plus fortes.

  • Les facteurs qui expliquent le mauvais état des MESU sont essentiellement liés aux activités domestiques et de services (assainissement insuffisant des eaux), aux activités agricoles (nitrate, pesticides) et aux activités industrielles. En ce qui concerne l'assainissement, 38 % des MESU étaient impactées en 2015 par un manque d’équipements relatifs à l’assainissement collectif et 9 % par un manque d’équipements relatifs à l’assainissement autonome.

État chimique des 352 masses d’eau de surface (hors PBT ubiquistes*) en Wallonie (état connu en 2020)


État des eaux souterraines

En application de la DCE, l'état des 34 masses d'eau souterraines (MESO) wallonnes est évalué sur base de leur état quantitatif et de leur état chimique.

Bon état quantitatif pour la majorité des masses d'eau 

  • Selon l’état connu en 2019, 97 % des 34 MESO étaient en bon état quantitatif, l'objectif pour 2027 étant de 100 %.

État des masses d’eau souterraine (MESO) en Wallonie (état connu en 2019)

 

État quantitatif des 34 masses d’eau souterraine en Wallonie (état connu en 2019)


État chimique : le nitrate et les pesticides comme principales menaces

  • Selon l’état connu en 2019, 59 % des MESO étaient en bon état chimique. L’objectif pour 2027 est de 62 % (21/34 MESO).

  • L’agriculture constitue la principale source de pressions sur les MESO en Wallonie. Douze MESO (35 %) ont été déclassées en raison de concentrations trop élevées en nitrate et/ou en pesticides d’origine agricole (principalement des herbicides et leurs produits de dégradation) ; 2 MESO (6 %) ont été déclassées en raison de concentrations trop élevées en macropolluants (ammonium et/ou phosphore) d’origines industrielle, historique et collective (ménages et services liés à la population au sens large).

  • Les MESO déclassées sont toutes situées dans le nord de la Wallonie où les pressions agricoles sont plus marquées (régions de grandes cultures).

  • En raison des longs temps de transfert des substances entre le sol et la nappe d'eau souterraine (quelques mois à plusieurs années), l'efficacité et les effets bénéfiques des mesures prises pour préserver la qualité des eaux souterraines ne s'observent généralement que de nombreuses années après leur mise en place.

État chimique des 34 masses d’eau souterraine en Wallonie (état connu en 2019)

 

Mesures en vue d'atteindre les objectifs de la DCE

  • Les mesures prévues en application de la DCE dans les PGDH 2022 - 2027 visent à répondre aux multiples défis en vue d’atteindre l’objectif de bon état des masses d'eau en 2027.

  • En matière de gestion des sécheresses saisonnières, la Stratégie intégrale sécheresse (SIS) comprend 76 mesures parmi lesquelles l’élaboration d’un cadre légal pour appliquer une hiérarchisation des différents usages de l’eau en période de sécheresse (avec définition de zones d’alerte, de seuils d’alerte et de listes de mesures de restriction), la limitation des prélèvements, la régulation du nombre de prises d’eau, le renforcement du recensement des prises d’eau souterraine, le contrôle des volumes prélevés en eaux de surface et souterraines… Elle inclut notamment le Schéma régional des ressources en eau (SRRE) visant la mise en connexion des grands ouvrages de production d'eau afin de répondre aux difficultés locales d'approvisionnement en eau de distribution.

  • En matière de gestion des épisodes pluvieux de forte intensité, les Plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) comprennent des mesures de prévention (informations sur les risques ou adaptation du bâti p.  ex.), de protection (travaux d’infrastructures ou conservation de zones naturelles d’expansion de crues…), de préparation (dispositifs d’alerte, plans d’urgence…), de réparation et d’analyse post-crise à portée régionale, subrégionale ou locale.

  • Le Plan de relance de la Wallonie comprend diverses mesures pour prévenir les inondations et les risques de pénurie d’eau telles que la reméandration des cours d’eau et la création de zones d’immersion temporaire, la rénovation et l’amélioration des bassins d’orage du réseau routier, la création de structures de stockage d’eau et d’irrigation via l’aménagement foncier ou la réutilisation de l’eau.

  • En matière d'hydromorphologie, des travaux de restauration hydromorphologique (reconnexion des annexes hydrauliques, création de lieux de frai, restauration de zones humides…) sont réalisés sur un ensemble de masses d’eau désignées comme prioritaires. Environ 4 800 obstacles à la libre circulation des espèces aquatiques animales et végétales avaient été inventoriés fin 2020 sur les cours d’eau wallons, dont près de 2 700 obstacles infranchissables, majeurs ou importants.

  • En matière d'assainissement, les enjeux prioritaires sont l'équipement en stations d'épuration des petites agglomérations (< 2 000 équivalents-habitants ou EH) dans les zones d'assainissement collectif (eaux usées de 13 % de la population en 2020) ainsi que l’installation, le recensement et le contrôle du bon fonctionnement des systèmes d'épuration individuelle dans les zones d'assainissement autonome (eaux usées de 13 % de la population). L'absence, en certains endroits, d’égouts, de collecteurs, de stations d'épuration collective ou de systèmes d'épuration individuelle, ou encore leur mauvais fonctionnement, entrainent des rejets, soit directement dans des cours d’eau, soit indirectement par infiltration dans le sol. En ce qui concerne les eaux usées industrielles, maximum 30 % des rejets rejoignent le réseau d’égouts et sont traités par les stations d’épuration collective. Le reste des eaux usées industrielles est rejeté dans le milieu naturel sous certaines conditions, soit directement, soit après épuration par la station d'épuration de l'industrie.

  • En matière de lutte contre la pollution diffuse d'origine agricole, diverses mesures sont prises (Programme de gestion durable de l’azote en agriculture, Programme wallon de réduction des pesticides, zones de prévention et de surveillance autour des captages d’eau, contrats de captages et contrats de nappe, mesures de lutte contre l'érosion dans le cadre de divers plans et législations…). Malgré les actions en cours, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour faire face aux pressions importantes et atteindre le bon état écologique. Au niveau européen, l'intention est, d'ici 2030 de diminuer d’au moins 20 % le recours aux engrais et d'encourager le développement de l’agriculture bio dans l’Union européenne afin de porter sa part à 25 % de la superficie agricole utilisée (12,7 % en 2022) (Stratégie "De la ferme à la table", Stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 et Stratégie de l'Union européenne pour la protection des sols dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe). Concernant les pesticides, l’objectif envisagé dans le cadre du Pacte vert était de réduire de 50 % l’utilisation et les risques des pesticides chimiques ainsi que l’utilisation des pesticides les plus dangereux. Un projet de règlement dans ce sens a cependant été rejeté par le Parlement européen fin 2023. Son retrait a ensuite été annoncé début 2024 en réponse aux manifestations des agriculteurs.

 


[1] Le WEI+ mesure le niveau de pénurie d’eau en comparant la quantité d’eau de surface et souterraine utilisée par l’ensemble des secteurs avec les ressources en eaux douces renouvelables disponibles.

 

Sources

SPW ARNE - DEE ; SPW ARNE - DEMNA ; ULiège-GxABT - Unité BIOSE (modèle EPICgrid).


Remerciements

Emmanuel COMBE (SPW ARNE - DEE) ; Nicolas FERMIN (SPW ARNE - DEE) ; Patrick HENNEBERT (SPW ARNE - DSD) ; Pierre-Nicolas LIBERT (SPW ARNE - DEE) ; Céline RENTIER (SPW ARNE - DEE) ; Catherine SOHIER (SPW ARNE - DEE) ; Véronique WILLAME (SPW ARNE - DEE).