Forêts

 

Recouvrant près d’un tiers du territoire, les forêts sont une composante majeure des paysages de la Wallonie. Elles remplissent de nombreuses fonctions, tant sur les plans économique (production de bois) et environnemental (contribution au cycle du carbone, protection des sols, purification de l’eau, régulation du climat, conservation de la biodiversité…) que social ou culturel (activités récréatives…). Les forêts se caractérisent aussi par la lenteur de leurs processus évolutifs qui implique le développement d’une vision à long terme. En raison de la pluralité des fonctions de la forêt, sa gestion concerne des acteurs très diversifiés (propriétaires, gestionnaires, exploitants, chasseurs, naturalistes, promeneurs…), aux attentes et responsabilités spécifiques, privilégiant souvent l’une ou l’autre fonction de la forêt. Le rôle des pouvoirs publics consiste précisément à rechercher un équilibre optimal entre ces fonctions. Bien que la priorité historique accordée à la fonction économique se ressente encore aujourd’hui, la Wallonie a inscrit la multifonctionnalité de la forêt et son développement durable au cœur de sa politique de gestion forestière.
 

La forêt wallonne : coup d'œil historique et repères chiffrés

La forêt wallonne est issue de feuillus qui se sont implantés progressivement après la dernière glaciation (vers - 15 000) : chênes mêlés de hêtres, frênes, érables, bouleaux… Le contrôle de cette ressource a commencé dès la sédentarisation de l’homme sur le territoire wallon (vers - 5 500) et son exploitation s’est développée au cours des âges, accompagnant le déploiement des voies de communication, l’essor des villes et les poussées démographiques. L’ère des défrichements intenses s’est clôturée à la fin du Moyen-Âge, période qui a vu les premiers développements de l’industrie métallurgique. À cette époque, la propriété des espaces forestiers a acquis sa structure moderne. On distinguait ainsi 4 grands types de propriétaires : le souverain (forêts domaniales), les "communes" (à l’origine des forêts communales), les privés laïques (grandes propriétés aristocratiques dans un premier temps, auxquelles se sont ajoutées progressivement de petites et moyennes propriétés bourgeoises et villageoises) et les privés ecclésiastiques (grandes abbayes). Par la suite, la superficie forestière a continué lentement à régresser pour atteindre un minimum entre 1840 et 1860. À partir de cette période, la tendance s’est inversée, les reboisements prenant le pas sur les déboisements. La promulgation du Code forestier (1854) et la mise en place d’une véritable politique forestière ont incité en effet au reboisement des terres agricoles les moins productives, de terres incultes et d’espaces utilisés par l’agriculture extensives (landes…) (plus de 100 000 ha en moins d’un siècle et demi). Ce reboisement s’est opéré surtout à base d’essences résineuses importées (pins, sapins et mélèzes, puis épicéas et douglas) et était destiné à satisfaire la demande en bois grandissante due au développement de l’activité industrielle(a).

Deux grands types de propriétaires

À l’heure actuelle, la forêt wallonne s’étend sur un peu plus de 563 000 ha (33 % du territoire). Elle est détenue par deux grands types de propriétaires : les pouvoirs publics (49 % de la superficie forestière totale) et les propriétaires privés (51 %). La forêt publique appartient aux communes (35 % de la superficie forestière totale), à la Région wallonne (12 %) et à d’autres organismes publics comme les CPAS, les Provinces ou les fabriques d’église (2 %). Elle est principalement gérée par le Département de la nature et des forêts (DNF) du Service public de Wallonie (SPW). La forêt privée est quant à elle détenue par près de 84 000 propriétaires. La grande majorité de ceux-ci (76 302 propriétaires en 2018, soit un peu plus de 9 propriétaires sur 10) possèdent des petites propriétés de moins de 5 ha. La gestion de la forêt privée est assurée par chaque propriétaire, dans le respect de la législation en vigueur.

La durée du cycle de production d’un arbre, un facteur explicatif important

Pour bien comprendre les enjeux liés à la gestion de la forêt, il faut être conscient de la durée du cycle de production d’un arbre : 100 à 150 ans pour un chêne, 60 à 80 ans pour un épicéa. Contrairement à l’agriculture, où les rotations culturales sont courtes, les choix du sylviculteur engagent celui-ci sur la durée, et les résultats seront recueillis par les générations suivantes. Cette durée du cycle de production explique en grande partie la physionomie de la forêt privée, qui se caractérise par un haut degré de morcellement et par une couverture en résineux plus importante qu’en forêt publique. D’une part, les héritages successifs morcellent les parcelles et, d’autre part, de nombreux propriétaires privés ont tendance à privilégier les essences à croissance plus rapide comme les épicéas pour maximiser la rentabilité. Pour la forêt publique, la pérennité des institutions et la gestion sous l’autorité du SPW permettent une vision à long terme qui intègre davantage les préoccupations de conservation de la nature à côté de la fonction de production.

Une forêt productive dominée par l’épicéa

En 2017, 85 % de la superficie forestière wallonne (480 300 ha) était réellement boisée et correspondait à une forêt dite "productive", c’est-à-dire une forêt dont la vocation principale est la production de bois. Le solde était constitué par des surfaces "non productives", qui correspondent à des chemins, coupe-feux, landes, milieux ouverts intraforestiers… En termes de types de peuplements, la forêt productive se composait de 56 % de peuplements feuillus et de 42 % de peuplements résineux, le solde étant constitué par les mises à blanc (2 %). Cette répartition n’était toutefois pas uniforme selon le type de propriétaires, les peuplements feuillus se rencontrant davantage en forêt publique (61 % de feuillus et 38 % de résineux) qu’en forêt privée (52 % de feuillus et 45 % de résineux). Si l’on s’intéresse aux essences présentes dans la forêt wallonne, au niveau des feuillus, les peuplements de chênes dominaient (17 % de la superficie productive totale), suivis par les peuplements de hêtres (9 %), et de hêtres et chênes en mélanges (6 %). Divers autres peuplements feuillus souvent en mélanges (frênes, érables, charmes, bouleaux, aulnes, peupliers…) étaient également présents (25 %). Au niveau des résineux, les pessières, c’est-à-dire les peuplements d’épicéas, dominaient et représentaient 26 % de la superficie productive wallonne. Des peuplements à base d’autres essences résineuses (douglas, pins, mélèzes…), en mélanges ou non, étaient également présents (16 %).

La Wallonie est un importateur net de bois

Bien que les forêts occupent une part importante du territoire wallon, le produit intérieur brut (PIB) du secteur de la sylviculture ne représentait que 0,1 % du PIB wallon en 2018. Les forêts sont cependant à l’origine de toute une filière (sylviculture et exploitation forestière, travail du bois, production de pâte à papier, de papier et carton, de meubles, menuiserie, commerce de gros et de détail…) qui, en 2020, comptait 8 171 entreprises et générait 18 431 emplois.

Sur la période 2017 - 2021, la récolte de bois en Wallonie représentait un volume d’environ 4,0 millions de m³ par an. Ce bois est utilisé soit comme bois "d’œuvre" (bois de construction, meubles…), soit comme bois "d’industrie" (panneaux, pâte à papier…), soit comme bois "énergie" (bois de chauffage, granulés de bois, copeaux de bois…), une partie de la production wallonne étant exportée (principalement en Allemagne jusqu’en 2018, ensuite en Chine depuis 2019). La consommation de bois s’élevait quant à elle pour cette même période à environ 5,8 millions de m³ par an, auxquels s’ajoute la quantité de bois valorisée énergétiquement. Celle-ci était estimée en 2019 à 2,7 millions de tonnes par an dont 1,8 million de tonnes ont été produites localement. La Wallonie est donc un importateur net de bois, la plus grande part du bois importé provenant d’Allemagne, de France et des Pays-Bas.


La forêt pourvoyeuse de nombreux services écosystémiques

Bien qu'on puisse lui reprocher son anthropocentrisme, une manière de rendre compte du rôle essentiel et multifonctionnel que joue la forêt est d'établir la liste des services écosystémiques qu'elle rend, c'est-à-dire des bénéfices que les humains en tirent. Selon les catégories considérées par le Millenium Ecosystem Assessment, ces services sont :

  • services de support : production primaire (ensemble de la biomasse produite par les écosystèmes), cycle de l’eau, cycle des nutriments, formation des sols, conservation de la biodiversité ;
  • services d’approvisionnement : production de bois, de champignons, de fruits des bois, de plantes médicinales, de ressources cynégétiques, de ressources génétiques (utilisées pour la sélection animale et végétale et la biotechnologie p. ex.) ;
  • services de régulation : régulation du climat d’un point de vue global (stockage du carbone dans le bois et dans le sol) et d’un point de vue local (effet rafraichissant), régulation de la qualité de l’air (filtration, captation des poussières), régulation du cycle de l’eau et de la qualité de l’eau (filtration, épuration), régulation biologique (habitat pour les espèces pollinisatrices ou participant au contrôle biologique d’espèces problématiques) ;
  • services culturels : valeurs esthétique, patrimoniale et symbolique, activités récréatives, pédagogiques et scientifiques...


Des pressions plus ou moins importantes selon le mode de sylviculture

Les pratiques intensives restent importantes mais la situation évolue

Le mode de sylviculture influence la durabilité et la résilience de la forêt[1], ainsi que la façon dont la biodiversité peut s’y développer. Les choix posés par le sylviculteur sont donc déterminants en termes d’impacts environnementaux. Jusqu’à la fin du 20ème siècle, l’augmentation de la demande en bois (exploitation du bois pour l’énergie, construction de maisons en bois, de meubles, de panneaux, industries du papier…) conjuguée à une volonté de maximiser la rentabilité de la forêt pour certains propriétaires, a conduit à une intensification des pratiques forestières permettant une production relativement plus rapide et à des prix compétitifs de bois qui répondent aux normes de l’industrie. Cette sylviculture intensive a privilégié les résineux au détriment des feuillus, étant donné leur croissance plus rapide, et les futaies régulières monospécifiques, c’est-à-dire des forêts composées de grands arbres adultes issus de semis, ayant tous le même âge et appartenant à la même essence, en raison de leur plus grande facilité de gestion. La diversité structurelle (nombre d’étages de cimes, âge et circonférence des arbres) et la diversité spécifique (nombre d’essences présentes) des peuplements se sont donc appauvries. La volonté de maximiser la rentabilité de la forêt a également entraîné la suppression des éléments non productifs et/ou jugés inintéressants comme les lisières étagées, les arbres morts ou les gros bois.

La diversité structurelle et la diversité spécifique des peuplements sont des facteurs qui influencent la capacité d’accueil de la forêt vis-à-vis de la faune et de la flore. Une forêt diversifiée, par la variété de niches écologiques qu’elle offre, rencontre en effet les besoins d’un plus grand nombre d’espèces. Par ailleurs, certaines espèces ont besoin de différents types de faciès (p. ex. un ongulé qui broutera en zones plus ouvertes et trouvera refuge dans des peuplements plus fermés). Une forêt diversifiée présente également une résistance accrue aux stress climatiques et aux ravageurs et agents pathogènes, et protège plus efficacement les sols, en particulier sur les terrains en pente. La présence d’arbres de tailles différentes permet en effet davantage le passage de la lumière et le développement d’une strate arbustive et herbacée qui limite l’érosion. La forêt wallonne est actuellement dominée par les peuplements de type futaie régulière mono- ou bispécifique. Une certaine diversification, tant sur le plan de la structure que des essences, est cependant constatée depuis quelques années. Ainsi, entre 2008 et 2018, les peuplements à structure irrégulière (futaie à deux étages, futaie irrégulière, peuplements contenant à la fois de la futaie et du taillis[2] et surfaces en régénération naturelle) sont passés de 33 % à 45 % tandis que les peuplements à structure régulière (plantation, jeune futaie, futaie à un étage et taillis) sont passés de 67 % à 55 %. Concernant la diversité des essences, les peuplements à 3 essences ou plus sont passés de 30 % à 43 % tandis que les peuplements moins diversifiés à 1 ou 2 essences sont passés de 70 % à 57 % (feuillus et résineux confondus).
 

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La présence ou l’absence de lisière étagée, c’est-à-dire de lisières constituées de plusieurs ceintures végétales (manteau forestier, cordon de buissons et ourlet herbeux) est également un élément important pour le milieu forestier. Les lisières étagées jouent en effet un rôle de protection des peuplements contre vents et maladies, offrent des habitats favorables et des couloirs de dispersion pour de nombreuses espèces et constituent des aires de nourriture pour les ongulés sauvages, ce qui permet de réduire la pression exercée par ces herbivores sur la forêt et les cultures. En 2018, des lisières étagées étaient observées dans 41 % des points inventoriés. Un peu plus de la moitié d'entre elles (54 %) avaient une capacité d'accueil pour la biodiversité élevée (plus de 3 éléments de diversification de type zones humides, plantes grimpantes, bois morts ou tas de pierres p. ex).

Enfin, la présence ou l’absence d’arbres dépérissants, de bois mort (sur pied ou au sol) et de gros bois (c’est à-dire d’arbres vivants de dimensions exceptionnelles) constituent également des facteurs qui influencent la durabilité et la résilience de la forêt. Ces éléments permettent en effet le stockage temporaire du carbone. Le bois mort constitue par ailleurs un habitat et une source de nourriture pour de nombreuses espèces (insectes, champignons…) qui, via leur action de décomposition et de recyclage de la matière organique, contribuent au maintien de la fertilité et de la capacité de production des sols forestiers. En 2018, le volume de bois mort s’élevait en moyenne à 10 m³/ha (contre 8 m³/ha en 2008). Du point de vue de la conservation de la nature et indépendamment des autres fonctions dévolues à la forêt, le volume minimal idéal de bois mort(b) permettant de préserver la majorité des espèces saproxyliques (espèces dépendantes du bois mort ou en décomposition) serait de 30 m³/ha pour les forêts européennes de basse altitude correspondant à l’Ardenne. Le nombre d’arbres morts était quant à lui estimé à 0,65/ha en forêt publique en 2018, alors que la norme définie par le Code forestier est de 2 arbres morts/ha. Les arbres vivant de dimensions exceptionnelles (plus de 240 cm de circonférence pour le chêne ou plus de 220 cm pour le hêtre p. ex.) offrent les conditions nécessaires au développement d’un grand nombre d’espèces. Les cavités creusées en leur sein par les pics, de même que celles formées sous l’effet des champignons lignivores ou suite à la chute de branches, sont ensuite utilisées par de nombreuses espèces (oiseaux, chauve-souris, mustélidés…). En 2018, près de 78 % des forêts feuillues inventoriées ne contenaient aucun gros bois vivant, une situation relativement stable depuis 2008 (82 %).

En complément des différents facteurs évoqués dans les paragraphes précédents, il faut noter que la sylviculture intensive se caractérise par un mode d’exploitation relativement impactant pour l’écosystème forestier. L’exploitation est en effet réalisée le plus souvent par coupes rases (ou coupes à blanc) en fin de cycle de production via le recours à une mécanisation importante. Cette technique permet une extraction facile et un haut rendement mais elle impacte fortement le milieu : modification brutale de l’écosystème, perturbation de la faune et de la flore, compaction et dégradation des sols suite au passage des engins, érosion suite à la mise à nu prolongée des sols…

À côté de cette sylviculture intensive, il existe toutefois d’autres modes de gestion forestière, qui permettent davantage d’approcher l’objectif d’une forêt durable, résiliente et riche en biodiversité. Ces modes de gestion, qui se caractérisent par une sylviculture mélangée, se développent de plus en plus en Wallonie. Les peuplements y sont plus diversifiés, tant du point de vue de la structure et du nombre d’essences que du point de vue des éléments annexes telles que lisières, arbres morts… Le mode d’exploitation qui y est pratiqué le plus souvent est une exploitation "par arbre" ou par ilots, moins dommageable pour l’écosystème : les arbres qui ont atteint leur optimum en termes de valorisation sont prélevés.

Une forte exploitation des épicéas liée à leur maturité

Dans une forêt gérée durablement, l’équilibre entre les prélèvements et l’accroissement de bois vivant produit par la photosynthèse doit être respecté, de manière à préserver la ressource. Cet équilibre se mesure par le taux d’exploitation. Ce taux doit être établi sur une période suffisamment longue pour tenir compte d’effets conjoncturels provoqués par des évènements imprévus (tempêtes provoquant des déracinements d’arbres, attaques de ravageurs nécessitant la coupe des arbres malades…). Sur la période 2004 - 2017, toutes essences confondues, les prélèvements représentaient 102 % de l’accroissement, ce qui indique une légère surexploitation. Les prélèvements n’étaient toutefois pas uniformément répartis : pour les essences feuillues, seulement 65 % des volumes produits ont été prélevés, alors que pour les essences résineuses, l’exploitation a largement dépassé la production (122 %), en raison des récoltes accrues d’épicéas pour lesquels le taux de prélèvement a atteint 138 %. Ceci s’explique par l’arrivée à maturité de nombreuses plantations réalisées dans les années ’50 - ’60. Dans les années à venir, cette situation entrainera vraisemblablement des problèmes d’approvisionnement pour la filière bois. Il faut noter que ce taux d’exploitation ne tient pas compte des volumes prélevés suite aux attaques du scolyte sur la période 2018 - 2020.


Des pressions externes au sylviculteur

À côté des pressions propres à la sylviculture, d’autres pressions sont générées par des facteurs externes au sylviculteur : des facteurs locaux liés aux usages de la forêt tels que la surpopulation d’ongulés sauvages et le tourisme, et des facteurs plus globaux tels que les changements climatiques, la pollution atmosphérique et le développement de ravageurs et agents pathogènes.

Des surpopulations d’ongulés sauvages à l’origine de nombreux dégâts

Les ongulés sauvages (cerfs, chevreuils, sangliers) sont une composante typique et fondamentale de la faune de nos milieux forestiers. Ils participent à la bonne santé de l’écosystème forestier en influençant la dynamique de la végétation forestière (propagation des graines, entretien des milieux ouverts…) et contribuent aux services économiques et sociaux liés à la chasse et au tourisme. Des surpopulations d’ongulés sauvages ont toutefois des répercussions importantes : impacts sur la biodiversité via la surconsommation de certains végétaux ou, pour les sangliers, de certains petits animaux tels qu’insectes, amphibiens, reptiles et oiseaux, et via l’altération et la destruction de certains habitats ; impacts sur la régénération de la forêt via la consommation des semis naturels et des plantations ; dégâts aux peuplements par écorcement... Entre 2008 et 2015, des dégâts ont été occasionnés sur 21 % des peuplements forestiers (97 100 ha), principalement dans les plantations d’épicéa (50 900 ha). En ce qui concerne les surfaces en régénération naturelle, 41 % présentaient des dégâts, tandis que pour les plantations, 53 % étaient impactées.

En Wallonie, l’équilibre forêt-ongulés sauvages est majoritairement dépendant de la gestion de la chasse, étant donné l’absence de prédateurs naturels[3]. Si la tendance à l’augmentation des populations d’ongulés sauvages est pour partie imputable à des facteurs naturels (hivers cléments, disponibilité en ressources alimentaires naturelles), elle est surtout due à des pratiques de chasse qui tendent à maintenir des densités élevées de gibier pour la satisfaction des chasseurs : nourrissage, tir sélectif épargnant les reproductrices…
 

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Le tourisme, une autre forme de pression

Divers facteurs tels que l’augmentation de la part des revenus disponibles consacrée aux loisirs ou le besoin de contact avec la nature ont conduit à une fréquentation accrue de l’espace forestier. Les forêts sont le lieu d’activités variées : randonnée, VTT, sports de neige, observation de la faune et de la flore, mouvements de jeunesse… La présence en forêt de nombreux chemins ouverts au public (environ 9 000 km de sentiers et voiries vicinales) encourage ces activités. Selon une enquête menée en 2006(c), la fréquentation en forêt représenterait environ 113 millions de visites par an. Bien qu’elles constituent un élément essentiel des services culturels rendus par la forêt, ces activités sont susceptibles de porter atteinte à la quiétude forestière et d’entrainer des altérations du milieu (piétinement de biotopes sensibles, cueillette sauvage, dégradation de chemins par des chevaux, VTT, motos ou quads, abandons de déchets...). Ces nuisances sont cependant difficiles à évaluer.

Les changements climatiques bouleversent les écosystèmes forestiers

Conséquence du développement de nos sociétés industrielles basées sur le carbone, les changements climatiques sont associés à des modifications de la température et de la pluviométrie qui sont susceptibles d’influencer radicalement le développement et la survie des espèces indigènes (le hêtre p. ex.), et donc la composition de la forêt actuelle et le fonctionnement de l’écosystème. Les déficits hydriques et les canicules de ces dernières années ont affecté la croissance et la vitalité des arbres, les rendant plus sensibles aux ravageurs et agents pathogènes, dont le développement peut lui-même être favorisé par ces changements climatiques. Le hêtre et l’épicéa, deux essences très présentes dans les forêts wallonnes actuelles, y sont particulièrement sensibles. Les pratiques sylvicoles intensives ont par ailleurs accentué l’impact des changements climatiques : les peuplements réguliers monospécifiques, qui ont souvent été plantés sans tenir compte des conditions locales (sol, relief, climat), sont plus vulnérables aux stress climatiques. En plus de ces modifications de température et de pluviométrie, on peut craindre également des épisodes plus fréquents de tempêtes, susceptibles de déraciner et de fragiliser les arbres, les rendant ainsi plus vulnérables aux attaques de ravageurs et d’agents pathogènes.

L’impact de la pollution atmosphérique sur la forêt est de moins en moins problématique

Lorsqu’ils sont en excès, les dépôts atmosphériques de polluants soufrés et azotés issus des activités anthropiques constituent une cause de dégradation des écosystèmes forestiers par acidification et eutrophisation des sols. Ils peuvent notamment induire des déséquilibres nutritionnels conduisant à la régression et à la disparition de certaines espèces végétales. L'acidification des sols forestiers est un phénomène naturel qui a été accentué par les retombées atmosphériques de substances acidifiantes (SOX, NOX, NH3). Ces retombées ont été problématiques jusque dans les années ’90 ("pluies acides") mais ne le sont plus aujourd'hui, en raison de la forte diminution des émissions de ces substances à l’échelle européenne. En 2015, moins de 0,5 % de la superficie forestière wallonne était affectée par des dépôts atmosphériques dépassant la charge critique[4] en substances acidifiantes. Les sols forestiers gardent toutefois la trace de ces retombées : pour la période 1994 - 2012, 75 % des sols sous forêt présentaient un sol acide dont le pHeau était inférieur à 4,5, seuil de contrainte pour la grande majorité des essences, et 10 % un pHeau inférieur à 4,0, seuil sous lequel des phénomènes de toxicité peuvent apparaître. L’eutrophisation correspond quant à elle à l’accumulation de nutriments dans un milieu, qu’il soit terrestre ou aquatique. La situation s’est fortement améliorée pour les écosystèmes forestiers : entre 1990 et 2015, la part de la superficie forestière affectée par des dépassements de charge critique en azote eutrophisant (NOX, NH3) est passée de 67 % à 6 %.

Ravageurs et agents pathogènes endommagent les forêts

Les ravageurs et agents pathogènes sont naturellement présents dans les milieux forestiers. Dans certaines circonstances, ils peuvent proliférer et affecter l’état sanitaire des forêts. Ces dernières années, des maladies causées par des agents pathogènes et des dégâts causés par des ravageurs ont affecté considérablement l’état des forêts wallonnes. On peut ainsi citer la chalarose du frêne apparue en 2015 et la crise du scolyte parasite de l’épicéa en 2018. La chalarose est une maladie due à un champignon microscopique qui provoque une perte des feuilles (défoliation) et, dans la plupart des cas, la mortalité de l’arbre. Dans le Condroz, territoire le plus apte à la sylviculture du frêne et qui a été spécialement suivi en 2018, seuls 4 % des frênes sont indemnes de la maladie. L’avenir du frêne en Wallonie dépendra des mesures de gestion mises en place, dont notamment la préservation des frênes les moins dépérissants, qui pourraient constituer un réservoir d’arbres moins sensibles à la maladie et assurer ainsi une nouvelle génération de frênes plus résistants. L’Ips typographe, ou scolyte, est un coléoptère parasite de l’épicéa qui pond ses œufs sous l’écorce des arbres récemment déracinés ou cassés et sur les arbres fraîchement abattus ou affaiblis. La crise du scolyte peut être attribuée, d’une part, aux stress climatiques récents (succession de 3 années particulièrement chaudes) qui ont affaibli les épicéas et, d’autre part, à l’inadéquation des zones de plantation de l’épicéa en Wallonie (altitude inadéquate à moins de 350 m, comme en Famenne p. ex.). L’exploitation des arbres malades a nécessité l’abattage de 807 000 m³ de bois en forêt publique sur la période 2018 - 2020, souvent dans des conditions financières défavorables. En forêt privée, les chiffres sont sans doute supérieurs.


État des forêts plutôt préoccupant

L’état de la biodiversité forestière et l’état sanitaire des forêts sont révélateurs de l’impact des pressions exercées sur l’écosystème forestier. Divers indicateurs permettent de mesurer cette biodiversité et d’évaluer l’état sanitaire des forêts.

Les habitats forestiers d’intérêt communautaire sont en mauvais état

Certains types d’habitats forestiers font l’objet d’un intérêt particulier, soit parce qu’ils sont vulnérables ou en danger de disparition, soit parce qu’ils sont rares, endémiques ou emblématiques. En application de la directive "Habitats-Faune-Flore", la Wallonie est tenue de protéger et conserver ces habitats dits "d’intérêt communautaire" et d’assurer leur maintien ou leur rétablissement dans un bon état de conservation. Dix types d’habitats forestiers d’intérêt communautaire se retrouvent en Wallonie (hêtraies à luzule, forêts alluviales ou tourbières boisées/chênaies-boulaies à molinie p. ex.), représentant une superficie de 151 608 ha (27 % de la forêt wallonne). En 2019, l’état de conservation de ces 10 types d’habitats forestiers était jugé défavorable. Les facteurs déclassants étaient principalement le manque de bois morts et de gros bois, la faible diversité structurelle ou spécifique des forêts ou encore la compaction des sols.

Une flore herbacée peu diversifiée

Au sein des peuplements, la végétation de la strate herbacée joue un rôle important dans la capacité d’accueil pour une grande diversité d’organismes et notamment pour les grands herbivores. En Wallonie, selon les inventaires réalisés, la diversité des espèces qui composent la strate herbacée est plutôt faible. En 2018, dans 58 % des points inventoriés, le nombre d’espèces herbacées différentes ne dépassait pas 9. On note toutefois une évolution positive, puisque cette proportion était de 69 % en 2008. Il n’y a cependant pas de norme en la matière, la richesse spécifique de la strate herbacée dépendant de nombreux paramètres (type d’habitat naturel, ancienneté de l’état boisé, éclairement au sol…).

Chute de 22 % des effectifs pour les oiseaux communs typiquement forestiers

Du fait de leur position élevée dans les chaines alimentaires, de leur grande variété d’exigences écologiques et d’un temps de réaction rapide face aux changements environnementaux, les oiseaux constituent un bon indicateur de l'état de la biodiversité et du fonctionnement des écosystèmes. Les espèces d’oiseaux communs[5] qui vivent en milieu forestier montrent une diminution globale de leurs effectifs. Pour les espèces strictement associées aux milieux forestier (sitelle torchepot ou mésange boréale p. ex.), cette diminution était de 22 % entre 1990 et 2020 ; pour les espèces qui évoluent en milieu forestier sans y être strictement inféodées (pic épeiche ou bergeronnette grise p. ex.), cette diminution était de 36 %.

L’état sanitaire des forêts est préoccupant

Différents facteurs influencent l’état sanitaire des arbres. Les principaux sont : (i) les épisodes climatiques extrêmes, (ii) le développement de ravageurs et d’agents pathogènes, (iii) le choix d’essences inadaptées aux conditions locales, (iv) la pauvreté naturelle en nutriments de nombreux sols et (v) l’intensité de fructification. La défoliation d’un arbre, c’est-à-dire la perte en feuilles ou en aiguilles, peut témoigner d’un mauvais état sanitaire. Une défoliation est jugée anormale et préoccupante à partir de 40 % de perte de feuillage car elle peut entrainer un risque de dépérissement de l’arbre pouvant aboutir à moyen terme à sa mort. Entre 2010 et 2020, le pourcentage de feuillus anormalement défoliés est passé de 34 % à 25 %. Cette relative amélioration est due essentiellement à la grande résilience du chêne, qui a su mieux récupérer que d’autres essences des sécheresses du début des années 2000. Sur la même période, le pourcentage de résineux anormalement défoliés est passé de 30 % à 60 %. Cette dégradation sanitaire des résineux est essentiellement due aux attaques du scolyte parasite des épicéas, évoquées plus haut, et dans une moindre mesure aux attaques de la cécidomyie des aiguilles du douglas.

Un tiers de nos forêts actuelles sont issues de forêts anciennes à haute valeur biologique

En Wallonie, sur les 431 000 ha qu’occupaient les massifs forestiers feuillus au 18ème siècle, 30 % ont été déboisés et 26 % ont été transformés en plantation de résineux. Les 44 % restants ont été continuellement boisés, ce qui représente une superficie équivalant au tiers de notre forêt actuelle(d). L’apparence de ces forêts a fortement varié au cours du temps, notamment en fonction des pratiques sylvicoles, mais elles ont conservé un sol préservé qui n’a généralement pas été perturbé ni par le travail du sol, ni par l’apport de fertilisants, ce qui a permis le maintien d’un riche patrimoine biologique. La valeur patrimoniale de ces forêts anciennes est aujourd’hui reconnue. Le Code forestier impose leur identification lors de la rédaction des plans d’aménagement forestier des forêts publiques. Leur préservation est en outre recommandée aux propriétaires souhaitant bénéficier du label PEFC (voir plus loin).
 

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Une gestion plus encadrée en forêt publique qu'en forêt privée

La gestion de la forêt est encadrée par trois textes législatifs principaux : le Code forestier, la Loi sur la conservation de la nature et la Loi sur la chasse. Ces législations imposent des normes, des mesures de gestion ou interdisent certaines pratiques. En forêt publique, le Code forestier précise en outre une série de modalités de gestion. La gestion de la forêt publique est effectuée par le Département de la nature et des forêts (DNF) du SPW, qui travaille en étroite collaboration avec les propriétaires publics. La marge de manœuvre dont disposent les propriétaires privés pour gérer leur bien est relativement importante, chaque propriétaire prenant les décisions pour ses parcelles de forêt (choix des essences p. ex.).

Différentes mesures de gestion s’adressent tant aux propriétaires publics que privés

Le contrôle du respect de la législation en forêt, qu’il s’agisse d’une forêt publique ou privée, est assuré par le DNF, dont les agents possèdent la qualité d’officier de police judiciaire. En 2019, 3 373 PV ont été dressés pour divers types d’infractions (chasse, braconnage, pêche, conservation de la nature…).
 

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À côté du contrôle, d’autres outils de gestion et mesures s’appliquent tant en forêt publique qu’en forêt privée. Certains outils relèvent davantage de la prévention (certification forestière, octroi d’aide à la régénération), d’autres de la protection du milieu forestier (sites protégés et réseau Natura 2000), de la gestion de la faune (chasse), et d’autres enfin du monitoring et de la recherche scientifique (réseaux de mesures et Accord-cadre de recherche et de vulgarisation forestières).

  • La certification forestière au moyen d’un label constitue un outil volontaire d’amélioration continue. Les propriétaires forestiers s’engagent, par la signature d’une charte, à progresser vers des standards internationaux de gestion durable des forêts (diversifier la forêt via un mélange d’essences, d’âges et de structures différentes, restaurer des zones d’intérêt biologique p. ex.). En 2020, la certification PEFC[6] concernait 91 % de la forêt publique et 11 % de la forêt privée. Les "aides à la régénération", c’est-à-dire des subsides octroyés aux propriétaires forestiers publics et privés pour diversifier leurs plantations, constituent un autre type de mesure permettant d’aller vers une forêt résiliente et durable.
  • À côté de ces démarches volontaires, la Loi sur la conservation de la nature octroie à certains sites naturels un statut de protection. Ainsi, fin 2020, 6 572 ha de forêts, soit un peu plus de 1 % de la forêt wallonne, étaient inscrits en zone de réserve (réserve forestière ou réserve intégrale en forêt). Ces zones protégées permettent de maintenir des noyaux d’habitats et de populations à partir desquels un redéploiement des espèces est possible. Au sein de celles-ci, certaines activités humaines sont interdites (enlèvement de la végétation herbacée, utilisation d’engrais et de pesticides) ou visent la gestion des milieux (gestion fondée sur une analyse scientifique dans le but de sauvegarder des faciès caractéristiques ou remarquables et d’y assurer l’intégrité du sol et du milieu). Par ailleurs, 150 586 ha de forêts, soit 27 % de la forêt wallonne, étaient inscrits dans le réseau Natura 2000. À noter qu’une part importante des réserves se retrouvent dans la matrice plus large du réseau Natura 2000. Les sites du réseau Natura 2000 ont été spécifiquement désignés pour protéger des zones essentielles pour des espèces ou des types d’habitats concernés par les directives "Habitats-Faune-Flore" et "Oiseaux". Dans un site Natura 2000, le propriétaire est tenu au respect de certaines obligations en matière de conservation de la nature, et s’engage, via un contrat de gestion, à adopter une gestion sylvicole lui permettant de remplir ces obligations (maintien d’ilots de vieillissement, désignation d’arbres morts, choix d’essences adaptées au territoire…).
  • En ce qui concerne la chasse, un plan de tir obligatoire déterminant le nombre et les caractéristiques des animaux à abattre est établi pour les cervidés. Son non-respect entraine des amendes. Sur la période 2011 - 2020, 17 % des quotas de tir n’ont pas été respectés. Ce chiffre peut s’expliquer par la faiblesse du montant des amendes qui n’incite pas à réaliser les plans de tir, et, dans une moindre mesure, par la baisse des populations de cervidés dans certains secteurs et l’inadéquation du plan de tir qui devra être revu à la baisse. Pour les sangliers, il n’existe actuellement pas de plan de tir obligatoire. Un plan est cependant en cours de préparation, vu les densités de population élevées.
  • Enfin, il faut noter que la forêt wallonne fait l’objet d’un suivi rigoureux à travers divers réseaux de mesures et est au cœur d’une politique de recherche visant à soutenir sa durabilité et sa résilience. La récolte des données concernant le milieu forestier et leur analyse constituent la base de la mise en place d’une gestion forestière raisonnée. Plusieurs réseaux de mesures contribuent à cet objectif : l’Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie, piloté par le DNF, fournit des données quantitatives et qualitatives sur l’état des forêts ; l’Observatoire wallon de la santé des forêts assure le suivi de l’état sanitaire des forêts ; l’Office économique Wallon du bois récolte les données techniques et financières de la filière bois ; et le Département de l’étude du milieu naturel et agricole (DEMNA) du SPW réalise le suivi de la biodiversité par des relevés de la faune et de la flore permettant le calcul d’indicateurs biologiques. L’Accord-cadre de recherche et de vulgarisation forestières concrétise quant à lui la politique de recherche de la Wallonie dédiée à la forêt. Il est mis en œuvre conjointement par les différents acteurs de la forêt et des universités wallonnes, et financé par les pouvoirs publics. Le fichier écologique des essences, outil qui permet de guider le forestier dans le choix des essences à planter, constitue une de ses réalisations récentes.

Les Plans d’aménagement forestier, outils spécifiques pour la gestion de la forêt publique

Les Plans d’aménagement forestier sont requis par le Code forestier pour toute forêt publique dont la superficie dépasse 20 ha d’un seul tenant. Sur base d’une analyse approfondie du milieu, ils fixent les grandes orientations (objectifs, contraintes) pour une gestion durable des forêts publiques et constituent un guide pour le travail du forestier. La multifonctionnalité des forêts est au cœur de ces Plans en assurant le respect d'un équilibre entre fonction économique, fonction sociale et fonction environnementale de la forêt. Pour chaque forêt concernée, un zonage est effectué : 5 % de la superficie doit être affecté en zones centrales de conservation (objectif prioritaire : conservation de la biodiversité), 30 % en zones de développement de la biodiversité (objectif prioritaire : production de bois et conservation de la biodiversité) et 65 % en "autres zones" (espaces forestiers multifonctionnels dans lesquels une gestion durable des ressources ligneuses est mise en œuvre sans que la biodiversité ne soit prioritaire par rapport aux autres fonctions de la forêt). En 2021, sur l’ensemble des superficies de forêt publique qui devaient disposer d’un plan d'aménagement forestier, 45 % avaient un plan d’aménagement approuvé. L’objectif de 100 % doit être atteint en 2023.

La gestion de la forêt publique est complexe. Étant par nature publique, elle est accessible au citoyen et doit théoriquement rencontrer les différents objectifs de multifonctionnalité énoncés dans le Code forestier. Cependant, étant donné que 71 % de la forêt publique appartient aux communes, et que l’exploitation de la forêt représente une source de revenus qui alimente le budget communal, certaines communes ont souvent tendance à privilégier la fonction productive de la forêt au détriment des autres fonctions.

Une gestion efficace difficile à mettre en œuvre en forêt privée

Le morcellement de la forêt privée, conséquence des héritages successifs, est un obstacle majeur à une gestion adéquate de la forêt, de même que le manque de connaissances de certains propriétaires en matière de sylviculture et de conservation de la nature. On considère généralement que recourir aux services de professionnels d’aide à la gestion forestière n’est rentable qu’à partir d’une surface forestière de 20 à 30 ha. Le secteur privé de la forêt s’est cependant organisé de manière à fournir aux propriétaires divers services d’aide à la gestion. Ainsi la Société royale forestière de Belgique organise un appui à la gestion pour les propriétaires privés (formations, revue, services...) et promeut la gestion forestière durable, notamment au travers du label PEFC. D’autres structures accompagnent les propriétaires dans leurs opérations de gestion sylvicole : l’association Nature, Terre et Forêts, la Cellule d’appui à la petite propriété forestière privée, la Fédération nationale des experts forestiers... Malgré cette structuration du secteur, on note de grandes différences entre, d’une part, les grands propriétaires, généralement bien formés pour gérer leur territoire et disposant des ressources nécessaires, et, d’autre part, les plus petits propriétaires, souvent peu au courant des principes de gestion sylvicole et disposant de moyens financiers réduits.


Vers un autre mode de sylviculture

La forêt wallonne est soumise à de multiples pressions. Les observations récentes indiquent une perte importante de biodiversité et une dégradation de l’état sanitaire des forêts depuis plusieurs décennies, principalement sous l’effet conjugué de méthodes de sylviculture et de gestion de la chasse qui ne garantissent pas toujours la résilience de la forêt, des changements climatiques et des attaques de ravageurs et d’agents pathogènes.

Assurer la durabilité et la résilience de la forêt passera notamment par une gestion responsable et raisonnée de la chasse, afin d’atteindre des densités d’ongulés sauvages compatibles avec la préservation des écosystèmes. Cette gestion devra passer par la définition de densités optimales en ongulés sauvages par rapport à la capacité d’accueil du milieu, l’implémentation de plans de tir qui permettent d’atteindre l’équilibre forêt-ongulés et le contrôle efficace de ces plans de tir. À l’image de ce qui a été fait pour le Code forestier, il conviendrait de réviser la Loi sur la chasse qui date de 1882 afin de l’inscrire dans un contexte de gestion durable.

Le principal défi des années à venir réside toutefois dans la restauration et la préservation des écosystèmes, garants de la pérennité de la forêt. Cette restauration et cette préservation passent par une sylviculture mieux adaptée, basée sur une approche multifonctionnelle de la forêt et sur le principe du traitement irrégulier et mélangé de la forêt, avec une exploitation par arbre ou par ilots. Le passage à ce mode de sylviculture, promu en Wallonie à travers le système "Pro Silva" du DNF, constitue toutefois un changement radical par rapport à la sylviculture régulière monospécifique fondée sur l’optimisation de la fonction de production de bois. La mise en œuvre de ces nouvelles pratiques de gestion forestière nécessitera un important travail d’information et de sensibilisation des propriétaires forestiers, qu’ils soient privés ou publics et l’adaptation de la filière bois en aval.

Le constat de la nécessité d’une modification des pratiques sylvicoles se retrouve également au niveau européen. En juillet 2021, la Commission européenne a adopté la nouvelle Stratégie de l’Union européenne pour les forêts à l’horizon 2030, une initiative phare du Pacte vert pour l'Europe (European Green deal), qui s’appuie sur la Stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030. Cette stratégie contribuera à la réalisation des objectifs européens en matière de biodiversité ainsi qu’à la réalisation de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Elle définit des actions concrètes visant à améliorer la quantité et la qualité des forêts européennes et à renforcer leur protection, leur restauration et leur résilience.

 


[1] La durabilité est en lien avec le fait de produire des ressources durables (qui ne s’épuisent pas sous l’effet de l’exploitation par l’homme). La résilience est la capacité de la forêt à faire face aux changements en cours (dont climatiques) et à retrouver ses structures et fonctions d’avant perturbation.

[2] Peuplement forestier à un seul étage composé d’arbres présentant plusieurs tiges issues de rejets de souche

[3] Le loup est cependant réapparu en Wallonie depuis 2016. En mars 2021, on dénombrait un loup territorial (situé dans les Hautes Fagnes) et 7 autres loups dont l’établissement n’est pas prouvé. Le lynx a également fait sa réapparition fin 2020 sur les bords de la Semois.

[4] Quantité maximale de dépôts atmosphériques de polluants qu'un écosystème peut assimiler sans effets indésirables à long terme

[5] Les espèces d’oiseaux dit communs sont les espèces d’oiseaux nicheurs les plus répandues. Ces espèces font l’objet d’un suivi annuel.

[6] PEFC (Programme for the endorsement of forest certification) promeut une gestion forestière à la fois respectueuse de l’environnement, socialement bénéfique et économiquement viable. Le label de certification FSC (Forest stewardship council) ne concerne en Wallonie que quelques dizaines d’ha de forêts privées, le DNF ayant opté pour la certification PEFC pour les forêts publiques.

 

Références

(a) À partir de Tallier, 2017. L’histoire de la forêt wallonne. Dans Blerot & Heyninck (Dir.), Le grand livre de la forêt (p. 47-57). Forêt.Nature : Marche-en-Famenne, Belgique.

(b) Müller J & Bütler R, 2010. A review of habitat thresholds for dead wood : a baseline for management recommendations in European forests. European Journal of Forest Research, 129, 981-992. q

(c) Colson V, Lejeune P, Rondeux J, 2009. La fonction récréative de la forêt wallonne : évaluation et pistes de réflexion pour son intégration optimale dans l’aménagement intégré des massifs. Forêt wallonne, 101, 3-17. q

(d) Kervyn T, Scohy J-P, Marchal D, Collette O, Hardy B, Delahaye L, Wibail L, Jacquemin F, Dufrêne M, Claessens H, 2018. La gestion patrimoniale des forêts anciennes de Wallonie. Forêt.Nature, 148, 30‑42. q

Sources

SPW Environnement - DEMNA ; SPW Environnement - DNF ; OEWB
 

Remerciements

Michel BAILLIJ (SPW Environnement - DNF) ; Elodie BAY (SPW Environnement - DEMNA) ; Eugène BAYS (OEWB) ; Hugues CLAESSENS (ULiège-GxABT) ; Quentin LEROY (SPW Environnement - DEMNA) ; Alain LICOPPE (SPW Environnement - DEMNA) ; André THIBAUT (SPW Environnement - DNF) ; Lionel WIBAIL (SPW Environnement - DEMNA)