Les espèces de chiroptères utilisent une large variété d’habitats pour les différents aspects de leur cycle de vie (reproduction, alimentation, hibernation). Les chauves-souris sont par conséquent hautement sensibles aux modifications de l’environnement et constituent de ce fait un bon indicateur de l’état de la biodiversité et du fonctionnement des écosystèmes.
Des suivis hivernaux pour un indicateur de tendance
Les chiroptères font l’objet de différents modes de suivi en Wallonie qui sont fonction de la période de l’année et des espèces. Les inventaires hivernaux consistent à visiter chaque année un ensemble de cavités souterraines (grottes, carrières, tunnels…) utilisées comme gîtes d’hibernation par certaines espèces[1] et à compter les effectifs des espèces rencontrées. Ces suivis standardisés ont permis de dresser un indice de tendance des populations hivernantes.
Tendance globale à l’augmentation
Les populations des chauves-souris suivies (15 taxons[2]) ont presque triplé entre 1995 et 2016. Sur les 13 taxons représentatifs[3], 12 étaient en augmentation significative et 1 taxon montrait une tendance incertaine (ce dernier, la barbastelle d’Europe, est une espèce forestière très rare en Wallonie et de surcroît très peu présente en souterrain en hiver). L’accroissement le plus marquant concernait les populations des murins à oreilles échancrées, grands murins et grands rhinolophes. Les oreillards présentaient l’accroissement le plus modéré. Un même indicateur de tendance a été développé à l’échelle paneuropéenne(a) et suggère que les effectifs des populations des 16 taxons concernés ont augmenté de 42 % entre 1993 et 2011.
Des résultats à nuancer
Ces accroissements apparents sont très encourageants mais sont à nuancer : ils pourraient être le reflet de l’amélioration des techniques de prospection et de l’amplification des réseaux d’observateurs. Par ailleurs, les effectifs totaux restent faibles et fort éloignés de ceux qui étaient observés dans les années ’50 avant l’important déclin enregistré dans la 2e moitié du XXe siècle. Une étude(b) a fait état des changements majeurs dans la composition des populations de chauves-souris en Wallonie en comparant les résultats de campagnes de baguage de chauves-souris hivernantes entre 1939 et 1952 aux résultats de comptages hivernaux entre 1995 et 2008 : la diversité spécifique au sein des sites d’hibernation a diminué de moitié entre ces périodes.
Menaces multifactorielles
Au rang des facteurs de risque, il faut citer la perte des éléments structurants du paysage (terrain de chasse pour de nombreuses espèces), le déclin de proies (hannetons ou bousiers[4]) et les nuisances dues à l’éclairage nocturne[5]. Certaines mesures et actions développées en Wallonie bénéficient à ces espèces : désignation de sites naturels protégés q, aménagement de combles et clochers d’églises q, travaux réalisés dans le cadre de certains projets LIFE q, mise en place des programmes agro-environnementaux q ou développement de pratiques sylvicoles favorables (maintien du bois mort et d’arbres à cavités) q.
Sur les 22 espèces wallonnes, 17 sont présentes en milieu souterrain et font l’objet de recensements hivernaux.
[2] Un taxon (famille, genre, espèce…) regroupe des êtres vivants selon leurs caractéristiques communes et leur parenté. Certaines espèces de chauves-souris ne peuvent pas être différenciées en hibernation ou font l’objet d’une identification trop récente ; elles sont donc considérées ensemble.
[3] Les deux taxons non considérés correspondent à des chauves-souris non déterminées.
[4] Affectés négativement par les traitements antiparasitaires du bétail et l’utilisation de pesticides
[5] Trouble des rythmes biologiques (modification des périodes de recherche de nourriture et impact sur la croissance des juvéniles)...