Des phénomènes naturels (érosion des sols et des berges p. ex.) et des facteurs anthropiques (pratiques aggravant l’érosion, rejets d’eaux usées, navigation, curage...) sont responsables de la présence de matières en suspension (MES) dans les eaux de surface, qu’il s’agisse de nouveaux apports ou de remise en suspension de particules sédimentées. Ces matières et les polluants qu’elles peuvent transporter altèrent la qualité de l’eau et perturbent la vie aquatique.
Apports majeurs par érosion hydrique
L’érosion hydrique diffuse des sols est la source principale de MES dans les eaux de surface. Les rendements annuels moyens en sédiments (secs) suite à ce phénomène ont été estimés[1] à 0,28 t/(ha.an) pour la période 2017 - 2021, ce qui correspond à un apport moyen dans les eaux de 466 000 t/an de sédiments à l’échelle de la Wallonie. Ces rendements varient d’une année à l’autre en fonction notamment de l’érosivité des pluies et du taux de couverture des sols q. Sur la période 1971 - 2021, les quantités estimées de sédiments gagnant chaque année les eaux de surface wallonnes par érosion hydrique diffuse des sols étaient comprises entre 186 000 t/an (min. sur la période) et 1 100 000 t/an (max. sur la période). La hausse observée en 2021 s'explique par une forte érosivité des pluies[2].
À l'érosion des sols s'ajoutent d'autres sources de MES : érosion du lit et des berges, présence de plancton, déjections et produits de décomposition d’animaux et végétaux, dépôts de poussières atmosphériques, rejets d'eaux usées urbaines et industrielles, apports du réseau routier par ruissellement, remise en suspension de sédiments (navigation, curage)…
Plus de MES en Région limoneuse et en Région sablo-limoneuse
Les teneurs en MES dans les eaux de surface dépendent fortement des débits des cours d'eau et de leurs variations selon les épisodes pluvieux. Elles varient également en fonction de la typologie et de l’affectation des sols du bassin hydrographique, qui déterminent parmi d’autres facteurs leur sensibilité à l’érosion et les rendements en sédiments.
Pour la période 2016 - 2021[3], l’état de l’eau était bon ou très bon du point de vue de la teneur en MES[4] pour 80,5 % des 374 sites de contrôle échantillonnés ; il était moyen pour 13,9 % d'entre eux et médiocre ou mauvais pour 5,6 %. La plupart des sites de contrôle affichant des états moyens à mauvais concernaient des cours d'eau situés en Région limoneuse ou en Région sablo-limoneuse. Ces zones sont en effet plus sensibles à l’érosion q.
État des cours d'eau wallons selon la teneur en matières en suspension (MES), par sites de contrôle (2016 - 2021)*
* Dernier cycle de contrôle de 6 ans couvrant l'ensemble de la Wallonie
** Classe d'état selon le percentile 90 des teneurs en MES (annexe III de l'AGW du 13/09/2012 q). Pour chaque site de contrôle, la valeur reprise est celle de l'année la plus récente lorsque plusieurs années sont disponibles au cours du cycle 2016 - 2021.
Sur la période 2002 - 2021, sur 42 sites de contrôle pour lesquels une donnée est disponible chaque année, la proportion de sites affichant un bon ou très bon état selon la teneur en MES oscillait entre 62 % (valeur minimum observée en 2002 et 2021) et 95 % (valeur maximum observée en 2018). Certaines années, comme en 2020 et 2021, l'évolution des teneurs en MES reflète celle des rendements en sédiments du fait de l'érosion hydrique des sols[5].
État des cours d'eau wallons selon la teneur en matières en suspension (MES)*
* Classe d'état selon le percentile 90 des teneurs annuelles (13 mesures par an) en MES (annexe III de l'AGW du 13/09/2012 q)
** Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année sur la période 2002 - 2021
* Classe d'état selon le percentile 90 des teneurs annuelles (13 mesures par an) en MES (annexe III de l'AGW du 13/09/2012 q)
** Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année sur la période 2002 - 2021
À noter que l’état considéré ici est lié à l’impact des MES sur la turbidité de l’eau[6] et non à la présence potentielle de polluants (éléments traces métalliques, produits phytopharmaceutiques…) entraînés vers les cours d’eau par les particules de sol érodées. La qualité des MES, suivie pendant un temps (2005 - 2011), ne l’est plus aujourd’hui.
Réduire les apports de MES et améliorer leur qualité
Plusieurs mesures de prévention doivent être poursuivies pour réduire les apports de MES aux eaux de surface et améliorer leur qualité. Ces mesures visent à :
- interdire l'accès du bétail aux cours d'eau pour éviter le piétinement des berges et du lit et l'apport de déjections ; cette mesure, inscrite dans la législation dès les années '70, longtemps à portée réduite puis renforcée, concernait en 2022 60 % du linéaire des cours d'eau bordés par une pâture[7] ; un meilleur contrôle de son application était prévu dans les Plans de gestion des districts hydrographiques (PGDH) 2016 - 2021 q ;
- préserver et restaurer l’intégrité des berges pour limiter leur érosion, p. ex. par leur végétalisation ; des mesures locales de protection et de stabilisation des berges sont inscrites dans les projets de Plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) 2022 - 2027[8] ;
- réduire l’érosion hydrique des sols et le ruissellement, p. ex. par la présence d'un couvert végétal sur les sols cultivés, par l'implantation et l'entretien de haies, talus, bosquets et bandes enherbées, par la mise en place de revêtements plus perméables… q ; la législation en matière de lutte contre l'érosion des sols agricoles repose essentiellement sur les règles de conditionnalité des aides agricoles, qui seront renforcées et accompagnées d'autres outils dès janvier 2023 (entrée en vigueur du Plan stratégique wallon relatif à la PAC 2023 - 2027 q) ;
- lutter contre la pollution diffuse issue de pratiques agricoles et de dépôts atmosphériques (activités industrielles, chauffage, transports…). Plusieurs législations visent à protéger les ressources en eau des apports agricoles[9] ; des mesures sont également prévues dans les PGDH q. Pour les autres secteurs, des mesures ont été mises en place via les permis d'environnement (industrie) ou les normes EURO (transport) p. ex. ;
- poursuivre l’assainissement des eaux usées urbaines et industrielles[10] ; ces matières règlementées[11] font également l'objet de diverses mesures dans les PGDH q.
[1] Application de l’équation universelle de perte en sol modifiée (MUSLE) via le modèle EPICgrid(a)
[2] En 2021, au pic de rendement moyen en sédiments correspond un pic d'érosivité des pluies, comme ce fut le cas en 2001 et 2002. Cette correspondance n'est pas systématique étant donné l'intervention d'autres facteurs.
[3] Dernier cycle de contrôle de 6 ans couvrant l'ensemble de la Wallonie
[4] Selon l'AGW du 13/09/2012 (annexe III) q
[5] Le lien entre les rendements annuels moyens en sédiments et la qualité de l'eau du point de vue des teneurs en MES n'est pas observé chaque année. Les premiers sont estimés globalement pour une année entière tandis que les teneurs en MES sont mesurées 13 fois par an à chaque site de contrôle. Cette fréquence ne permet pas d'observer les pics de teneurs en MES consécutifs à tous les épisodes pluvieux.
[6] Une eau trouble a notamment des conséquences sur la photosynthèse des végétaux aquatiques (facteur aggravant l'eutrophisation), sur le déplacement et la prédation des animaux aquatiques, leur respiration (colmatage des branchies) et leur reproduction (taux de fécondation réduit, asphyxie des œufs).
[7] L'obligation de clôturer les pâtures en bordure des cours d'eau non navigables, inscrite dans la législation depuis 1970 q, a fait l'objet pendant longtemps d'un régime de dérogations qui en a réduit la portée. Cette obligation a été renforcée (i) en 2013 pour les zones dites à enjeux spécifiques (eutrophisation) et les zones de baignades et leur zone amont, qu'elles se situent sur des cours d'eau non navigables ou non classés (ces derniers drainant un bassin versant de moins de 100 ha) q, (ii) en 2015 pour une majeure partie de l'Ourthe, de l'Amblève et de la Semois q et (iii) en 2018 q pour les cours d'eau non navigables et non classés situés en zones Natura 2000 q. Enfin, la date limite du 01/01/2023 a été inscrite dans le Code de l'eau pour que toutes les pâtures en bordures de cours d'eau non navigables soient clôturées q, la seule dérogation possible étant la mise en place d'un pâturage très extensif favorable à la biodiversité. En application de ces législations, 60 % du linéaire des cours d'eau bordés par une pâture (6 760 km sur 11 230 km, estimations SPW ARNE - DEE 2022) est concerné par l'obligation. Les cours d'eau non concernés (4 470 km) sont essentiellement les cours d'eau non classés (4 440 km).
[8] Projets adoptés le 08/04/2021 q, faisant actuellement l'objet d'une mise à jour
[9] En particulier (i) la conditionnalité des aides agricoles q qui impose la mise en place de bandes tampons (sans épandage) de 6 m de large le long des cours d'eau, (ii) le Programme de gestion durable de l'azote en agriculture (PGDA) q qui fixe les conditions d'épandage de fertilisants et de stockage des effluents d'élevage, et (iii) le Code de l'eau qui impose l'implantation d'un couvert végétal permanent (ligneux ou herbacé) de 6 m de large le long des cours d'eau bordés d'une culture q.
[10] Voir les fiches d'indicateurs "Charges polluantes déversées dans les cours d’eau" q, "Collecte et traitement des eaux urbaines résiduaires" q, "Taux d'équipement en stations d'épuration collectives" q et "Assainissement autonome des eaux usées" q
[11] Directive 91/271/CEE q pour l'assainissement des eaux usées urbaines et décret relatif au permis d'environnement q pour les rejets industriels
Évaluation
Etat légèrement défavorable et tendance indéterminée
- Référentiel : annexe III de l'AGW du 13/09/2012 q
- L'état de l'eau selon la teneur en MES était bon ou très bon pour 80,5 % des 374 sites de contrôle échantillonnés au cours du dernier cycle de contrôle de 6 ans couvrant l'ensemble de la Wallonie (période 2016 - 2021).
Sur la période 2002 - 2021, la proportion de sites affichant un bon à très bon état selon la teneur en MES oscillait entre 62 % (valeur minimum observée en 2002 et 2021) et 95 % (valeur maximum observée en 2018), sans tendance nette. Les variations interannuelles dépendent fortement des épisodes pluvieux.