Les engrais favorisent la production végétale et améliorent la qualité des cultures. En cas d'apports supérieurs aux besoins des plantes ou suite à l'érosion des sols, les engrais peuvent être entrainés vers les masses d'eau et altérer leur qualité (eutrophisation, dépassement des normes de potabilité pour le nitrate). Certains engrais apportent aussi aux sols des éléments indésirables[1]. Par ailleurs, la production des engrais minéraux consomme énergie et ressources.

Consommation d'engrais et stock d'azote dans les sols agricoles en Wallonie

* kg de N pour l'azote, kg de K2O pour le potassium, kg de P2O5 pour le phosphore

** Superficie agricole utilisée

*** Somme de "Azote minéral" et "Azote organique - effluents d'élevage". Les données relatives aux apports d'azote via les matières organiques exogènes (boues de stations d'épuration, boues industrielles dont écumes de sucreries, composts, digestats de biométhanisation) ne sont pas encore suffisamment consolidées pour être comptabilisées.


Stabilité de la consommation des engrais phosphatés et potassiques

En 2020, les quantités moyennes d'engrais minéraux phosphatés ("phosphore minéral") et potassiques ("potassium minéral") appliquées sur les sols agricoles wallons s'élevaient respectivement à 12,3 kg de P2O5/ha de superficie agricole utilisée (SAU) et 29,0 kg de K2O/ha de SAU. À titre indicatif, les moyennes européennes correspondantes (EU-28) étaient de 15,1 kg de P2O5/ha de SAU et 17,3 kg de K2O/ha de SAU en 2019[2]. Sur la période 1995 - 2009, les quantités de phosphore minéral et de potassium minéral appliquées en Wallonie ont baissé de 76 % et 70 % respectivement. Elles se sont stabilisées ensuite jusqu'en 2020 autour de valeurs légèrement supérieures à celles de 2009. La baisse observée jusque 2009 s'explique principalement par l'évolution des prix des engrais, elle-même liée à la raréfaction progressive des sources d'approvisionnement locales[3], à l'évolution de l'offre et de la demande mondiales et, plus ponctuellement, à la crise économique de 2009. Par ailleurs, le développement d'une fertilisation raisonnée, qui vise un meilleur ajustement des apports de fertilisants aux besoins des cultures, a pu également contribuer à une baisse de consommation. Ces facteurs ne semblent cependant plus avoir d'impact depuis 2009[4].

Amorce d'une baisse de la consommation des engrais azotés

En 2020, les quantités moyennes d'engrais azotés minéraux ("azote minéral") appliquées sur les sols agricoles wallons s'élevaient à 94,2 kg de N/ha de SAU. À titre indicatif, la moyenne européenne correspondante (EU-28) était de 61,0 kg de N/ha de SAU en 2019[5], contre 89,0 kg de N/ha de SAU en Wallonie la même année. Sur la période 1995 - 2009, les quantités d'azote minéral appliquées en Wallonie ont baissé de 25 %. Elles se sont maintenues jusque 2017 à des niveaux proches de 100 kg de N/ha de SAU, pour baisser légèrement ensuite. Cette évolution est essentiellement liée à celle du prix des engrais azotés, elle-même liée (i) aux variations du prix du gaz naturel nécessaire à leur synthèse et (ii) à l'évolution de l'offre et de la demande mondiales, dans laquelle le prix des céréales joue un rôle majeur.

Les apports d'engrais azotés organiques via les effluents d'élevage ("azote organique - effluents d'élevage") s'élevaient quant à eux à 93,1 kg de N/ha de SAU en 2020, soit à peu près autant que les apports d'azote minéral. Ils ont baissé de 18 % sur l'ensemble de la période 1995 - 2020, essentiellement en raison de la diminution du cheptel bovin q et de la mise en application du Programme de gestion durable de l'azote en agriculture (PGDA) q.

Les apports d'engrais azotés totaux[6] ("azote total") sont passés de 240,9 kg de N/ha de SAU en 1995 à 203,9 kg de N/ha de SAU en 2005 (- 15 %), se sont stabilisés jusque 2016 à un peu plus de 200 kg de N/ha de SAU, pour ensuite baisser à nouveau (187,3 kg de N/ha de SAU en 2020).

Un surplus d'azote de près d'un cinquième des apports annuels totaux

Le stock d'azote présent dans la zone racinaire des sols agricoles sous forme de nitrate (NO3-), assimilable à un surplus non consommé par les cultures, peut être estimé par modélisation[7]. Sur la période 2008 - 2016, ce stock est resté relativement stable autour d'une valeur moyenne de 37 kg de N/ha de SAU, équivalant à près d'un cinquième des apports annuels moyens de fertilisants azotés totaux[6]. Cette relative stabilité est à mettre en lien avec la stabilité de ces apports. La hausse observée de 2017 à 2019 est liée comme en 2006 aux conditions climatiques (vagues de chaleur et sécheresses saisonnières) ayant entrainé moins de prélèvement d'azote par les plantes et une minéralisation plus rapide de l'azote organique. Cette situation ne s'est pas produite en 2020.

La Stratégie européenne "De la ferme à la table" (Farm to Fork Strategyq comprend parmi ses objectifs une baisse d'au moins 50 % des pertes en nutriments d'ici 2030 sans affecter la fertilité des sols. Cet objectif s'accompagnerait d'une baisse d'au moins 20 % de la consommation d'engrais.

Un nouveau règlement favorisant le recours aux matières recyclées ou organiques

Dans le cadre de la transition vers une économie circulaire, le nouveau règlement "fertilisants" (UE) 2019/1009 q, d'application dès 2022, vise à encourager l’utilisation d'engrais issus de matières recyclées ou organiques[8]. Jusqu'alors, seule la commercialisation dans l'UE des engrais minéraux était réglementée[9]. Pour être exportés au sein de l'UE, les autres engrais devaient satisfaire à la législation du pays destinataire. Le nouveau règlement définit les conditions auxquelles doivent répondre les fertilisants "UE" minéraux et organiques pour être librement commercialisés sur le marché de l'UE[10], ce qui favorisera leurs échanges. Au niveau wallon, ce nouveau règlement nécessite une évolution de la législation. Des craintes subsistent sur les points suivants : (i) les conditions prévues pour qu'un engrais puisse être librement commercialisé ne satisfont pas toujours les exigences wallonnes actuelles en matière de qualité, de contrôle et de traçabilité des produits, ainsi que de responsabilité du producteur, (ii) la capacité des sols à recevoir de tels produits n'est pas considérée et (iii) le PGDA q risque d'être profondément remis en cause par la libre circulation de matières organiques azotées recyclées faisant concurrence à celles produites localement (effluents d'élevage en particulier) et n'étant pas comptabilisées actuellement dans le calcul du taux de liaison au sol[11].

Par ailleurs, le nouveau règlement introduit des limites de concentration pour divers contaminants dans les engrais[12]. Pour le cadmium, naturellement présent dans les roches phosphatées mais toxique et non essentiel au métabolisme des organismes vivants, la teneur maximale est fixée à 60 mg/kg de P2O5, avec mise en place d'un label volontaire "à faible teneur en cadmium" pour les engrais contenant moins de 20 mg/kg de P2O5. La fixation de cette limite présente des enjeux économiques et géopolitiques, les roches phosphatées de Russie étant naturellement pauvres en cadmium (< 1 mg/kg de P2O5) par rapport à celles d'Afrique du nord (38 à 200 mg/kg de P2O5)(c).


[1] Selon une étude menée en Wallonie en 2012, les apports de cadmium (Cd) via les engrais phosphatés, et de cuivre (Cu), nickel (Ni) et zinc (Zn) via les effluents d'élevage (également appelés engrais de ferme), pourraient apporter sur une période de 100 ans jusqu'à 162 %, 95 %, 29 % et 45 % des quantités de Cd, Cu, Ni et Zn présentes dans le sol(a).

[2] Année des dernières données disponibles pour l'UE-28. En 2019, les quantités de phosphore minéral et potassium minéral consommées en Wallonie étaient presque identiques à celles consommées en 2020 : 12,3 kg de P2O5/ha de SAU et 28,9 kg de K2O/ha de SAU.

[3] Pour les engrais phosphatés, la disparition des scories de déphosphoration dites "scories Thomas" (sous-produit de la sidérurgie) suite à une modification des procédés, au recours à des minerais de fer moins riches en phosphates et au déclin de la sidérurgie wallonne, a rendu nécessaire l'importation de phosphates issus de gisements miniers (du Maroc essentiellement). Pour les engrais potassiques, l'exploitation des gisements d'Alsace a cessé en 2002 et celle des gisements d'Allemagne coûte de plus en plus cher à mesure qu'ils se tarissent, d'où l'importation depuis des pays plus lointains (Canada, Russie, Biélorussie, Chine…).

[4] La consommation de potassium minéral est influencée par les superficies dédiées aux betteraves et aux pommes de terre, deux cultures particulièrement consommatrices de cet engrais. Depuis les années '90, les superficies sous betteraves diminuent tandis que celles sous pommes de terre augmentent. Ces évolutions se compensent du point de vue de la consommation de potassium minéral.

[5] Année des dernières données disponibles pour l'UE-28

[6] Somme des quantités d'azote minéral et d'azote organique - effluents d'élevage. Les données relatives aux apports d'azote via les matières organiques exogènes (boues de stations d'épuration, boues industrielles dont écumes de sucreries, composts, digestats de biométhanisation) ne sont pas encore suffisamment consolidées pour être comptabilisées.

[7] Modèle EPICgrid(b)

[8] Effluents d'élevage transformés, composts, digestats, biodéchets collectés sélectivement, sous-produits animaux, sous-produits de l’industrie alimentaire…

[9] Règlement (CE) n° 2003/2003 q, abrogé par le nouveau règlement "fertilisants" q qui en reprend les exigences en matière d'étiquetage notamment

[10] Le règlement 2019/1009 est optionnel : il ne concerne que les produits portant le marquage "fertilisant UE" destinés à la vente sur le marché européen. Il n'empêche pas la vente d'un digestat, d'un compost ou de tout autre engrais sans marquage "fertilisant UE", selon la législation nationale en vigueur.

[11] Le taux de liaison au sol (LS) correspond au rapport entre les quantités d'azote organique disponibles sur une année au sein d’une exploitation (production interne + importations - exportations d'effluents d'élevage) et ses capacités d’épandage autorisées sur le territoire wallon. Voir la fiche d'indicateurs "Programme de gestion durable de l'azote en agriculture" q

[12] Jusqu'alors, la législation européenne (règlement (CE) n° 2003/2003 q) n’imposait pas de teneurs limites en contaminants dans les engrais, sauf en agriculture biologique pour certains d'entre eux (règlement (CE) n° 889/2008 q). À noter qu’en Belgique, l’AR du 28/01/2013 q fixe des teneurs maximales en éléments traces métalliques (ETM) pour certains types d’engrais et amendements (amendements organiques mélangés, amendements organo-minéraux mélangés, terreau, substrat de champignonnière, boues de stations d’épuration). Cet arrêté reprend pour les boues de stations d’épuration les normes de l’AGW du 12/01/1995 q.

Évaluation

096817a9-0556-4bbf-941a-0a4b14e8bf54 Évaluation de l'état non réalisable et tendance globalement stable

Évaluation non réalisable
  • Pas de référentiel
  • Le stock d'azote présent dans la zone racinaire des sols agricoles sous forme de NO3- devrait tendre vers 0 en l’absence de surplus par rapport aux besoins des cultures. En 2020, le surplus d'azote encore présent dans les sols agricoles (40,9 kg de N/ha de SAU) représentait 22 % des apports d’engrais azotés totaux.
Globalement stable

Les apports de phosphore minéral et de potassium minéral sont restés globalement stables sur la période 2009 - 2020. Les apports d'azote organique et minéral sont restés globalement stables sur la période 2005 - 2016, une baisse ayant été amorcée ensuite. Le stock d'azote sous forme de NO3- dans la zone racinaire est resté globalement stable sur la période 2008 - 2020, sauf les années 2017 à 2019 marquées par des conditions climatiques favorisant son augmentation.