Les produits phytopharmaceutiques (PPP) sont utilisés essentiellement pour protéger les végétaux contre les organismes nuisibles, pour réguler leur croissance et pour lutter contre les végétaux indésirables. L’exposition à ces substances et à leurs résidus peut présenter des risques pour la santé humaine et l’environnement. La directive 2009/128/CE q impose des plans d’action nationaux en vue de réduire ces risques et d’encourager notamment l’introduction de méthodes de substitution.

Des usages majoritairement professionnels

En 2018, la quantité totale de substances actives (s.a.) de PPP vendues en Belgique s’élevait à 6 593 t. D’après les données d’Eurostat, avec 4,9 kg de s.a. de PPP vendues par hectare de superficie agricole utilisée (SAU), la Belgique faisait partie des pays européens dont les ventes de pesticides par hectare de SAU étaient les plus élevées[1].

Les quantités totales de s.a. vendues en Belgique ont diminué de 1995 à 2010, passant de 10 872 t à 5 472 t. Différents facteurs peuvent expliquer cette diminution : la substitution de s.a. appliquées à une dose à l’hectare élevée par des s.a. de nouvelle génération efficaces à de plus faibles doses, les restrictions/interdictions d’usage de s.a. dont les doses autorisées étaient élevées[2], l’application plus raisonnée des PPP par les agriculteurs, le développement d’outils d’aide à la décision (réseaux d’observations et d’avertissements[3]), la croissance des superficies dédiées à l’agriculture biologique q… À ces facteurs s'ajoute une utilisation moindre de PPP en 2010 en raison de conditions climatiques clémentes[4]. Entre 2010 et 2011, les quantités totales de s.a. vendues ont augmenté (6 663 t) et se sont ensuite globalement stabilisées jusqu’en 2018, à l’exception de l’année 2014 marquée par une hausse des ventes de s.a. (7 511 t), à mettre en relation avec des conditions météorologiques particulièrement favorables au développement de certaines maladies[5].

En 2018, 93,9 % de la quantité totale de s.a. vendues en Belgique concernait les utilisateurs professionnels[6] (6 165 t) et 6,1 % les utilisateurs non professionnels[7] (397 t). La part des quantités vendues aux utilisateurs non professionnels s’est fortement réduite au cours du temps : de 29 % en 1995 et en 2005, elle est descendue entre 2,5 % et 4,2 % pour la période 2010 - 2017. Ceci est principalement dû au retrait du marché du chlorate de soude en 2009 et à la diminution des ventes de sulfate de fer[8]. L’augmentation de la part des quantités de s.a. vendues aux utilisateurs non professionnels en 2018 s’explique principalement par la hausse des ventes d’herbicides, défanants et agents antimousse, suite notamment à l’interdiction du glyphosate pour les particuliers[9].
 

Ventes de produits phytopharmaceutiques en Belgique, par types d’utilisateurs


Fongicides et herbicides en tête chez les utilisateurs professionnels

À l’échelle de la Belgique, le groupe des fongicides et des bactéricides correspondait en 2018 aux ventes de s.a. les plus élevées chez les utilisateurs professionnels (38,8 %, soit 2 394 t)[10]. Le mancozèbe, destiné principalement à lutter contre le mildiou en culture de pommes de terre, était le fongicide le plus vendu (920 t), suivi par le soufre (208 t) et le captane (199 t). Le groupe des herbicides, défanants et agents antimousse représentait quant à lui 36,6 % des ventes attribuables aux utilisateurs professionnels (soit 2 254 t), les herbicides les plus vendu étant le glyphosate (437 t) et le prosulfocarbe (210 t).
 

Ventes de produits phytopharmaceutiques en Belgique aux utilisateurs professionnels, par grands groupes de substances actives


En 2018, chez les utilisateurs non professionnels, les ventes de s.a. les plus élevées concernaient le groupe des herbicides, défanants et agents antimousse (86,9 %, soit 346 t). Parmi ceux-ci, l’acide pélargonique était l’herbicide le plus vendu (174 t), suivi par le sulfate de fer (100 t), le glyphosate (39 t)[11] et l’acide acétique (16 t).

La Wallonie utilise au moins un tiers des quantités vendues en Belgique

En 2018, sur les 6 563 t de s.a. de PPP vendues en Belgique, 32,3 % étaient utilisés en Wallonie (1,9 % par les utilisateurs non professionnels, 0,03 % par les gestionnaires des infrastructures ferroviaires et 30,3 % par les utilisateurs professionnels agricoles pour des usages en cultures) et 46,1 % en Flandre et à Bruxelles (4,1 % par les utilisateurs non professionnels, 0,08 % par les gestionnaires des infrastructures ferroviaires et 41,9 % par les utilisateurs professionnels agricoles pour des usages en cultures). Le solde n’a pu être réparti entre les régions du pays et correspondait, d’une part, à des usages hors cultures par les utilisateurs professionnels agricoles[12] (5,7 %) et, d’autre part, à des usages par les autres utilisateurs professionnels non agricoles (entrepreneurs de parcs et jardins…) (15,9 %).
 

Répartition des ventes de produits phytopharmaceutiques (PPP) en Belgique, par régions et par types d’utilisateurs (2018)


Les pommes de terre nécessitent plus de PPP que les autres cultures

En Wallonie[13], parmi les principales grandes cultures, les pommes de terre de conservation présentaient en 2018 la dose d’utilisation la plus élevée (15,6 kg de s.a./ha). Elles étaient suivies des betteraves sucrières (6,2 kg/ha) et du froment d'hiver (2,8 kg/ha). Entre 2004 et 2018, à l’exception des pommes de terre, les doses utilisées présentaient une tendance relativement stable. Les pics observés en cultures de pommes de terre peuvent être reliés aux conditions climatiques favorables au développement du mildiou.
 

Quantités de substances actives de produits phytopharmaceutiques appliquées par hectare sur les principales cultures en Wallonie*

* Extrapolation à l'échelle de la Wallonie à partir des données du réseau d'information comptable agricole du SPW ARNE - DEMNA


Ces données doivent être analysées en regard des superficies dévolues à ces cultures en Wallonie. En 2018, les pommes de terre de conservation occupaient 41 977 ha, soit une superficie équivalente à celle des betteraves sucrières (42 610 ha) mais approximativement trois fois plus faible que celle du froment d’hiver (121 233 ha). Il faut noter que les prairies permanentes, qui présentaient une dose d’utilisation de 0,04 kg de s.a./ha[14], se démarquaient de toutes les autres cultures par l’importance des superficies qu’elles occupaient (258 063 ha en agriculture conventionnelle).
 

Relation entre la quantité totale de substances actives de produits phytopharmaceutiques appliquées sur les principales cultures* et leur superficie en Wallonie (2018)

* Extrapolation à l'échelle de la Wallonie à partir des données du réseau d'information comptable agricole du SPW ARNE - DEMNA


Des mesures pour tenter de réduire l'utilisation des PPP

Le Programme wallon de réduction des pesticides (PWRP) 2018 - 2022 q contient diverses mesures visant à réduire l’utilisation des PPP : le "zéro phyto" pour les gestionnaires d’espaces publics (en vigueur depuis le 01/06/2019), l’application obligatoire des principes de la lutte intégrée, l’amélioration des systèmes d’avertissement pour les agriculteurs, le renforcement du réseau de conseillers non liés au secteur commercial afin de garantir une neutralité dans les conseils prodigués en matière de PPP... Les données actuellement disponibles ne permettent pas d’évaluer l’efficacité de ces mesures.

Un nouveau PWRP (2023 - 2027) est en cours d’élaboration. Il devrait proposer de nouvelles mesures et reprendre les objectifs fixés dans la Stratégie européenne "De la ferme à la table" (Farm to Fork Strategy)[15] : une réduction de 50 % de l’utilisation et des risques des PPP chimiques ainsi que de l’utilisation des PPP les plus dangereux d’ici 2030 par rapport à la moyenne de la période 2015 - 2017[16].

 


[1] Ces informations doivent être considérées avec prudence : (i) les données comprennent les quantités vendues aux utilisateurs professionnels et non professionnels et (ii) la Belgique déclare à l'Europe une plus grande diversité de substances actives que d'autres pays européens.

[2] Par exemple : chlorate de soude, bromure de méthyle, bentazone, simazine, diuron, dichlobénil…

[3] Pour une culture donnée et un organisme nuisible donné, avis diffusé aux agriculteurs concernant la nécessité de réaliser ou non un traitement phytosanitaire sur base des observations faites à la parcelle et des conditions météorologiques

[4] L’année 2010 fut une année particulièrement clémente du point de vue des conditions climatiques, engendrant une pression très faible des maladies ainsi qu’une gestion aisée des adventices.

[5] En 2014, les températures ont été plus élevées que la normale et les précipitations particulièrement importantes en juillet et en août. Ces conditions ont eu pour effet l’apparition de maladies lors de l’été 2014 : mildiou, oïdium et rouille en betteraves, rouille jaune et septoriose en céréales et mildiou en pommes de terre.

[6] Agriculteurs, entrepreneurs de parcs et jardins, gestionnaires du réseau ferroviaire, gestionnaires des espaces publics...

[7] Particuliers. Voir la fiche d’indicateurs "Utilisation des produits phytopharmaceutiques par les ménages" q

[8] La diminution des ventes de sulfate de fer s’explique par une utilisation croissante d’antimousses à base d’EDTA (éthylènediaminetétraacétate) disodique et de sulfate de fer en remplacement de produits composés uniquement de sulfate de fer, la dose efficace d’un produit avec EDTA disodique étant nettement plus faible que celle d’un produit n’en contenant pas.

[9] Il faut noter en particulier l’augmentation des ventes d’acide pélargonique (24 t en 2017 versus 174 t en 2018) et d’acide acétique (2 t en 2017 versus 16 t en 2018), qui s’explique par plusieurs facteurs, dont notamment le retrait du glyphosate pour les utilisateurs non professionnels q, la substitution de produits commerciaux contenant du glyphosate par des produits commerciaux de dénomination identique mais contenant de l’acide pélargonique ou de l’acide acétique, et des concentrations élevées en acide pélargonique et en acide acétique dans les produits commerciaux mis sur le marché.

[10] En 2018, les quantités vendues de bactéricides étaient nulles. Il s’agissait exclusivement de fongicides.

[11] L’utilisation de tout PPP à base de glyphosate ou contenant du glyphosate par des utilisateurs non professionnels a été interdite en Wallonie à partir du 01/06/2017 et jusqu’au 30/11/2018 (AGW du 30/03/2017 q). En Belgique, l’AR du 16/09/2018 q a quant à lui interdit la vente et l’utilisation par des utilisateurs non professionnels d’herbicides totaux (glyphosate p. ex.) ou sélectifs, à l’exception des PPP à faible risque et des PPP contenant comme s.a. des micro-organismes, des extraits de plantes et des substances naturelles (pour plus d’informations, voir le site internet de Phytoweb q). L'interdiction de vente et d'utilisation du glyphosate en vertu de cet AR est d'application depuis le 06/10/2018.

[12] Traitements en post-récolte, désinfection des surfaces et locaux, désinfection des substrats de culture

[13] Extrapolation à l’échelle de la Wallonie à partir des données du réseau d’information comptable agricole du SPW ARNE - DEMNA. Les neuf cultures considérées représentaient en moyenne 89 % de la SAU sur la période 2004 - 2018.

[14] Dose se rapportant aux prairies permanentes wallonnes gérées en agriculture conventionnelle

[15] La Stratégie "De la ferme à la table" q a été élaborée par la Commission européenne en 2020 q. Elle a fait l’objet d’une résolution du Parlement européen en 2021 qui a salué ses ambitions et ses objectifs q. Le cadre législatif permettant sa mise en œuvre est en cours d’élaboration.

[16] Pour plus d’informations, consulter la page internet de la Commission européenne dédiée aux objectifs de la Stratégie "De la ferme à la table" en ce qui concerne les pesticides q

Évaluation

096817a9-0556-4bbf-941a-0a4b14e8bf54 Évaluation de l'état non réalisable et tendance globalement stable

Évaluation non réalisable

Pas de référentiel.

Le Programme wallon de réduction des pesticides (PWRP) 2018 - 2022 q ne contient pas d’objectifs chiffrés concernant les quantités de substances actives (s.a.) de produits phytopharmaceutiques (PPP) vendues et/ou utilisées.

Les objectifs de la Stratégie "De la ferme à la table" (Farm to Fork Strategy q) sont fixés à l’horizon 2030. Ils doivent par ailleurs encore être inscrits dans la législation européenne.

Globalement stable

Les quantités de s.a. de PPP utilisées sur les principales cultures wallonnes (9 cultures considérées, représentant en moyenne 89 % de la SAU sur la période 2004 - 2018) sont restées relativement stables entre 2004 et 2018 (elles oscillaient entre 1 291 t de s.a. et 1 773 t de s.a. selon les années).

À noter qu'en toute rigueur, l'évaluation de la tendance devrait tenir compte des quantités totales de s.a. de PPP utilisées par le secteur agricole wallon toutes cultures confondues, ainsi que des quantités utilisées par les autres types d'utilisateurs en Wallonie.

Il faut remarquer qu’une diminution des quantités utilisées ne signifierait pas pour autant une diminution des risques liés à l’utilisation des PPP, le risque étant fonction de nombreux facteurs dont la toxicité des s.a.