Dans la plupart des cas, les sols pollués sont l’héritage de pratiques du passé qui ne tenaient pas suffisamment compte des enjeux environnementaux. Ils peuvent présenter des risques pour la santé humaine, les ressources en eau et les écosystèmes. De plus, ils freinent le redéveloppement économique local (manque d'attrait pour les investisseurs, gel de terrains à vocation économique…). Des outils législatifs sont en place pour assurer leur gestion.
Une gestion sur base des risques
Pour des raisons de faisabilité économique et technique, les sols pollués sont gérés sur base des risques : les niveaux de pollution rencontrés ne doivent porter atteinte ni à la santé humaine, ni aux ressources en eau, ni aux écosystèmes. Ceci est vérifié en première approche par comparaison des concentrations en polluants dans le sol et l'eau souterraine[1] à des normes calculées sur base d'un risque acceptable pour 5 types d'usage du sol (par ordre de sensibilité décroissante : naturel, agricole, résidentiel, récréatif/commercial ou industriel) et, le cas échéant, par une évaluation des risques spécifique au terrain[2]. Les investigations (étude historique du terrain, prélèvements et analyses de sol) sont menées par étapes de manière à circonscrire et caractériser les zones qui nécessitent une intervention (normes dépassées ou risque établi), laquelle peut prendre la forme de mesures de sécurité, de mesures de suivi (dans l'attente d'un assainissement) ou d'un assainissement[3]. Ces principes sont au cœur du décret "sols" du 01/03/2018 q.
Un suivi ciblant les parcelles à risque de pollution du sol
Les dispositions du décret "sols" comprennent pour l'essentiel :
- la gestion par le SPW Environnement d'une banque de données de l'état des sols (BDES)[4] qui recense, pour chaque parcelle cadastrale, les données disponibles concernant une pollution éventuelle, passée ou présente, ainsi que les parcelles où s'exerce une activité susceptible de polluer le sol ou les eaux souterraines ;
- l’obligation, lors de toute cession d’un terrain ou d’un permis d’environnement, d’informer chaque partie impliquée de la situation administrative des parcelles concernées dans la BDES ;
- la distinction dans la BDES de deux catégories de parcelles : celles pour lesquelles les informations sont indicatives, qui ne sont soumises à aucune obligation (couleur "lavande"), et celles pour lesquelles des démarches de gestion ont déjà été réalisées ou sont à prévoir, qui sont soumises à des obligations dans certaines situations dites "faits générateurs d'obligations" (couleur "pêche") ;
- la définition de ces obligations : investigations visant à identifier, quantifier et délimiter les pollutions du sol (étude d'orientation, étude de caractérisation ou étude combinée), le cas échéant rédaction d'un projet d'assainissement, réalisation des travaux d'assainissement, réalisation d'une évaluation finale, mise en œuvre de mesures de sécurité ou de suivi ;
- l'établissement des faits générateurs d'obligations : demande de permis (permis d'urbanisme, permis unique ou permis intégré), fin d'une activité présentant un risque pour le sol[5] (cessation, faillite, terme ou retrait du permis d'environnement), dommage environnemental, décision de l'Administration en cas d'indication sérieuse de pollution ; à noter que la soumission aux obligations peut aussi être volontaire ;
- la désignation des personnes responsables des obligations (ou "titulaires d'obligations") en application du principe du "pollueur-payeur" ;
- un système de normes pour le sol et l'eau souterraine permettant de fixer des critères d'intervention et des objectifs d'assainissement ;
- une distinction entre les cas de pollution nouvelle (survenue après le 30/04/2007[6]) et de pollution historique (survenue avant le 30/04/2007) afin de fixer des critères d'intervention et des objectifs d'assainissement plus stricts dans le premier cas ;
- l'obligation de respecter les protocoles de référence[7] pour mener à bien ces opérations.
L'héritage d'un riche passé industriel
Les terrains concernés par une pollution locale des sols peuvent être des friches industrielles ou économiques, d'anciens dépotoirs, des stations-services (anciennes ou actuelles), des terrains dont les activités passées ou en cours sont susceptibles de polluer le sol ou les eaux souterraines… Le passif est important en Wallonie, en particulier le long de l'axe Haine-Sambre-Meuse, berceau de l'industrialisation passée.
Entre 1 et 15 parcelles cadastrales par terrain
Chaque terrain est constitué d'une ou plusieurs parcelles cadastrales, 1 à 15 selon les catégories de terrains considérées, 4 en moyenne toutes catégories confondues. À partir des données de la BDES, trois indicateurs sont présentés ci-après : (i) le nombre de terrains par catégorie[8] et par stade de gestion, (ii) la superficie de ces terrains, (iii) la superficie cumulée de parcelles cadastrales de couleur "pêche" dans la BDES, toutes catégories confondues (paramètre non illustré). Les terrains ont l'avantage de représenter les implantations d'activités (potentiellement) polluantes passées ou actuelles mais ils ne peuvent pas être additionnés entre catégories, un même terrain pouvant être repris dans plusieurs d'entre elles (station-service et permis d'environnement p. ex.). Les parcelles, non interprétables du point de vue du nombre d'implantations d'activités (potentiellement) polluantes passées ou actuelles, permettent par contre d'obtenir sans doublon les superficies cumulées soumises à des obligations dans le cadre du décret "sols" (couleur "pêche").
209 terrains assainis (354 ha) selon le décret "sols"
Au 31/03/2021, les données en nombre de terrains indiquaient que, sur l'ensemble des terrains investigués selon les dispositions du décret "sols"[9], 517 étaient non pollués (1 698 ha), 1 241 étaient pollués (5 688 ha) et 209 étaient assainis (354 ha). À noter que tous les terrains pollués ne nécessitent pas un assainissement. Celui-ci n'est pas requis en cas de pollution historique lorsque l'étude de risque conclut à l'absence de menace grave. Des progrès ont également été réalisés pour d'autres catégories de terrains (981 stations-services, 77 terrains gérés par SPAQuE et 710 dépotoirs assainis) sur base de législations antérieures au décret "sols". Une partie d'entre eux devront cependant être réexaminés selon les critères du décret "sols". Par ailleurs, des recouvrements sont possibles entre catégories.
Nombre de terrains inventoriés par catégorie1 et par stade de gestion (situation au 31/03/2021)
[1] Un même terrain peut être comptabilisé plusieurs fois s'il est repris dans plusieurs catégories (station-service et permis d'environnement p. ex.)
[2] Terrains accueillant ou ayant accueilli une activité ou une installation susceptible de polluer le sol ou les eaux souterraines
[3] État constaté après investigations (étude historique, prélèvements et analyses de sol). L'état pollué ou non est évalué selon la législation en cours au moment du traitement du dossier.
[4] Pollution traitée, éliminée, neutralisée, immobilisée ou confinée sur place en vue de rendre le terrain compatible avec un usage considéré
[5] Décret "sols" du 01/03/2018 et décret "sols" du 05/12/2008, le premier ayant abrogé le second
Superficies inventoriées, par catégorie de terrain1 et par stade de gestion (situation au 31/03/2021)
[1] Un même terrain peut être comptabilisé plusieurs fois s'il est repris dans plusieurs catégories (station-service et permis d'environnement p. ex.)
[2] Terrains accueillant ou ayant accueilli une activité ou une installation susceptible de polluer le sol ou les eaux souterraines
[3] État constaté après investigations (étude historique, prélèvements et analyses de sol). L'état pollué ou non est évalué selon la législation en cours au moment du traitement du dossier.
[4] Pollution traitée, éliminée, neutralisée, immobilisée ou confinée sur place en vue de rendre le terrain compatible avec un usage considéré
[5] Décret "sols" du 01/03/2018 et décret "sols" du 05/12/2008, le premier ayant abrogé le second
Une attention à porter à 2,3 % du territoire
Les données en termes de parcelles cadastrales indiquent qu'une attention particulière doit être portée à 39 534 parcelles (couleur "pêche"), couvrant une superficie de 39 547 ha (2,3 % du territoire, 15 % de la superficie artificialisée), qui ont déjà fait, ou doivent encore faire l'objet de démarches de gestion du sol (données au 31/03/2021). Sur base du nombre moyen de 4 parcelles par terrain, cela devrait correspondre à un nombre de terrains de l'ordre de 10 000. Une fois assainies, c'est-à-dire rendues compatibles avec un certain usage du sol, ces parcelles continuent à faire l'objet d'une attention en raison de l'évolution possible des normes de qualité des sols ou en prévision d'éventuels travaux impliquant un remaniement de terre ou d'éventuels changements d'usage qui remettraient en question leur statut.
Des moyens importants consacrés à la reconversion
Le principe du "pollueur-payeur" est d'application chaque fois qu'un titulaire d'obligations solvable peut être identifié. Dans le cas contraire, la gestion est financée par des fonds publics : budgets ordinaires consacrés à la gestion des sols pollués (près de 100 millions d'euros/an) et fonds FEDER pour certains terrains. Entre 2005 et 2018, des financements supplémentaires ont été accordés à la reconversion de terrains pollués dans le cadre des plans Marshall et Marshall 2.vert (près de 500 millions d'euros via des emprunts contractés par la Sowafinal[10]). Le Plan de relance de la Wallonie q comprend de son côté une enveloppe de 16 250 000 euros pour accélérer la réhabilitation de certaines décharges problématiques.
[1] L'eau souterraine fait partie intégrante du sol, raison pour laquelle la législation relative à l'assainissement des sols comprend pour elle des normes spécifiques, en tant que critères pouvant entrainer l'obligation d'une intervention. Ce n'est pas le cas pour les eaux de surface, qui sont néanmoins également analysées si elles sont susceptibles d'être affectées par la pollution d'un terrain à l'étude.
[2] Un terrain donné correspond à un dossier traité par un opérateur (SPW ARNE, SPW TLPE, SPAQuE…). La notion de "terrain", définie dans le décret "sols" du 01/03/2018 q, équivaut généralement à celle de "site", sauf dans le cadre de l'évaluation des risques telle que définie dans le Code wallon de bonnes pratiques (CWBP) q, où le site correspond à la zone d’impact potentiel lié à la pollution d’un terrain, et peut donc couvrir une superficie supérieure à celui-ci. Voir le glossaire du CWBP pour les définitions de "terrain", "site" et "parcelle" q.
[3] L'assainissement doit être entendu comme "le fait de traiter, d'éliminer, de neutraliser, d'immobiliser, de confiner sur place la pollution du sol en vue de rendre le terrain compatible avec un usage considéré" (décret "sols" du 01/03/2018 q)
[4] Voir le site internet de la banque de données de l'état des sols q ainsi que la page qui lui est consacrée sur le portail "Sol et déchets en Wallonie" q
[5] Les installations ou activités présentant un risque pour le sol sont répertoriées dans l'AGW du 27/09/2018 q.
[6] Date d'entrée en vigueur de la directive 2004/35/CE q sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, mettant en application le principe du "pollueur-payeur"
[7] Voir les pages internet relatives au Compendium wallon des méthodes d'échantillonnage et d'analyse q et au Code wallon de bonnes pratiques q
[8] Catégories découlant de dispositions légales et/ou de bases de données relatives à la gestion de la pollution des sols : décrets "sols" du 01/03/2018 q et du 05/12/2008 q pour les terrains gérés dans le cadre du décret "sols", RGPE (dont décret du 11/03/1999 q) et AGW du 27/09/2018 q pour les permis d'environnement visant une activité à risque pour le sol, RGPT (dont AGW du 04/03/1999 q) pour les anciennes stations-services, CWATUP q et CoDT q pour les terrains inventoriés et gérés par le SPW TLPE et SPAQuE, législation relative aux déchets (dont AGW du 20/12/2007 q) pour les anciens dépotoirs, données issues de cartographies anciennes pour les sites historiques.
[9] Décret "sols" du 01/03/2018 q et décret "sols" du 05/12/2008 q, le premier ayant abrogé le second
[10] Filiale de la Société régionale d'investissement de Wallonie (SRIW) créée dans le cadre du Plan Marshall pour gérer un mécanisme de financement alternatif au bénéfice de certains projets parmi lesquels l'assainissement de sols pollués
Évaluation
Évaluation de l'état non réalisable et évaluation de la tendance non réalisable
- Pas de référentiel
- L'assainissement des sols potentiellement pollués, bien qu'encouragé financièrement et cité dans divers plans ou programmes, dont le Plan de relance de la Wallonie q, ne fait pas l'objet d'objectifs chiffrés.
Le renforcement des outils législatifs et des moyens financiers depuis 2005 a permis de gérer un nombre croissant de terrains potentiellement pollués. De nombreux travaux ont été menés pour affiner les inventaires et réduire les incertitudes. Il est cependant trop tôt pour évaluer une tendance sur base des données de la BDES instituée en 2018.