Afin d’assurer la pérennité et la diversité des ressources hydriques ainsi que la sécurité d’approvisionnement du territoire, la Wallonie s’est dotée d’un outil de planification et de réglementation de l’exploitation des ressources en eau. Il implique la coordination des actions et des investissements des différents opérateurs du domaine de l’eau.

Une gestion intégrée de l’eau

L’application de la directive-cadre sur l’eau (DCE) 2000/60/CE q en Wallonie s’est traduite par l'obligation d’envisager, à l’échelle des bassins hydrographiques, la problématique de la gestion de l’eau. L’atteinte des objectifs de la DCE passe notamment par une rationalisation de l’exploitation des ressources en eau à l’échelle régionale. En effet, bien que les stocks d’eau souterraine soient considérés en Wallonie comme importants, renouvelables et facilement exploitables, des problèmes qualitatifs et quantitatifs ponctuels (sécheresse entre 2017 et 2020 p. ex.) ou récurrents ont été mis en évidence par de nombreux opérateurs. Les origines en sont diverses : turbidité, contamination par le nitrate q et/ou les pesticides q, prises d’eau trop peu productives ou hors service, conduites sous-dimensionnées ou fuites dans le réseau de distribution...

Des objectifs environnementaux, sociaux et économiques

Depuis plus de 10 ans[1], une approche intégrée de la gestion des ressources en eau prenant en compte les enjeux environnementaux et ceux liés au développement territorial dans une vision à long terme à l'échelle du territoire wallon est développée au travers du Schéma régional des ressources en eau (SRRE). Ce programme d'investissements a été approuvé par le Gouvernement wallon en 2015 q et est mis en œuvre par la Société wallonne des eaux (SWDE)[2]. Cet outil de planification et de réglementation de l’exploitation des ressources en eau s’articule autour de plusieurs axes : (i) environnemental (maîtrise des pressions anthropiques, prise en compte de l’impact des changements climatiques), (ii) qualité de l’eau (mise en place de plans de gestion de la sécurité sanitaire de l'eau[3], protection effective des captages) et (iii) économique (outils financiers à mettre en œuvre, maîtrise du coût-vérité de l’eau…). Les objectifs poursuivis sont entre autres : (i) la régulation des prélèvements publics et privés (agricoles, industriels et domestiques), (ii) la sécurité d’approvisionnement du territoire wallon (taux de sécurisation de 30 %)[4], (iii) l’accès à l’eau solidaire (mutualisation des coûts de production), (iv) la maîtrise du prix de l’eau (synergies entre les opérateurs afin de limiter les coûts d’investissement et d’exploitation), (v) l’application du principe de récupération des coûts ainsi que la cohérence avec les autres politiques régionales (comme l’aménagement du territoire ou l’exploitation des ressources minérales).

L'évolution des travaux

Le SRRE consiste notamment en la pose de conduites d’interconnexion entre les réseaux de distribution d’eau permettant la jonction entre les zones disposant d'importantes ressources et celles aux ressources plus limitées en termes de qualité et de quantité. Initialement prévu pour une période de 10 ans (1ère phase des travaux - 12 grands projets entre 2012 et 2022) et doté d'un budget de 270 M€, le SRRE est régulièrement actualisé en fonction des besoins mis en évidence ou des nouvelles synergies entre les opérateurs de l'eau. Au 31/12/2021, le montant des investissements actualisés prévus pour la période 2012 - 2026 (14 projets découpés en 66 marchés de travaux) était évalué à plus de 356 M€ à charge de la SWDE. Certains projets étaient financés partiellement avec des subsides octroyés par le Gouvernement wallon. À cette date, 5 projets étaient complètement finalisés ainsi que plusieurs marchés de travaux faisant partie des 9 autres projets :

  • la sécurisation de La Louvière, avec la liaison Écaussinnes - Manage (1 sur la carte) ;
  • la sécurisation de Charleroi, grâce à une liaison de sécurité Villers-Perwin (Les Bons Villers) - Brye (Fleurus) avec les infrastructures de VIVAQUA (producteur/distributeur d'eau bruxellois) (2 sur la carte) ;
  • la sécurisation de la Famenne - Ardenne (Durbuy, Ferrières et environs), grâce la liaison Ouffet - Durbuy[5] et la connexion avec la conduite provenant du barrage de Nisramont (3 sur la carte) ;
  • la sécurisation de Charleroi et Walcourt, grâce à la valorisation de l'eau d'exhaure de la carrière "Calcaires de Florennes"[6] (4 sur la carte) ;
  • le premier tronçon de "l'autoroute de l'eau", un important chantier qui relie les barrages d’Eupen et de la Gileppe (est de la Belgique) à Wellin (province de Luxembourg), jusqu'à la chambre de mélange[7] de Hollogne-aux-Pierres (5 sur la carte) ;
  • la partie du troisième tronçon de "l’autoroute de l’eau" (près de Wellin) qui relie Sohier à Froidlieu (extrémité du projet 7 sur la carte) ;
  • la sécurisation de Tournai (équipement électromécanique d'un puits) (8 sur la carte) ;
  • la sécurisation de l'alimentation en eau du Sud-Luxembourg (Arlon, Aubange et Messancy) (11 sur la carte).

Ces travaux réalisés entre 2014 et 2021 ont permis la pose de 55 km de conduites opérationnelles sur les 427 km envisagés (soit 13 %) et la construction de 9 nouvelles stations (stockage, traitement, pompage) sur les 29 prévues (soit 31 %), permettant ainsi la sécurisation de 264 000 raccordements supplémentaires sur les 700 000 visés. Durant cette période, le taux de sécurisation global (nombre de raccordements sécurisés/nombre total de raccordements (environ 1 000 000)) est passé de 26,5 % à 53 %. L'objectif cible est de 70 % fin 2026.

Actuellement, 4 marchés de travaux sont en cours d’exécution (conduites de liaison, réservoir). L'un concerne le tronçon 1 de "l'autoroute de l'eau" à Grâce-Hollogne (contournement de l'aéroport de Bierset, partie du 5 sur la carte) et les autres concernent la sécurisation de l’alimentation en eau du Borinage (Ghlin, Quaregnon, 8 sur la carte), du Sud-Namurois (Florennes, Philippeville, Onhaye, Hastière, Houyet, 4bis sur la carte) et de Stavelot (10 sur la carte).
D'autres projets de marchés sont en cours d'étude ou d’analyse des offres déposées : les projets de sécurisation du Borinage et de la Wallonie picarde (liaison Ghlin - Gaurain-Ramecroix, 8 sur la carte), de Vielsalm et Trois-Ponts (10 sur la carte), de l'est du Brabant wallon (Grez-Doiceau, Orp-Jauche, Beauvechain, Jodoigne, 9 sur la carte), de Gembloux (9' sur la carte), de Houffalize (12 sur la carte), de communes desservies par "l'autoroute de l'eau" (Grâce-Hollogne, Villers-le-Bouillet, Andenne, Ohey, Ciney, Dinant, Beauraing, Wellin) (5, 6 et 7 sur la carte). Par ailleurs, plusieurs communes ardennaises[8] (Rochefort, Libramont, Tellin, Houffalize, Vielsalm…) ont été affectées par les sécheresses de ces dernières années (2017 à 2020) jusqu'à parfois devoir être alimentées par camions-citernes. Le projet de sécurisation Centre-Ardenne prévoit notamment la pose d'une conduite pour sécuriser l'alimentation en eau de Libramont et Tellin, particulièrement touchées (7bis sur la carte).

Schéma régional des ressources en eau

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* Ouvrages de production : réservoir de stockage, station de pompage, château d’eau, station de traitement ou puits d’exploitation

 

 

Communes impactées par les sécheresses de 2017 à 2020

Communes ayant pris des arrêtés de police pour interdire les usages de l'eau dédiés à des besoins non essentiels ou alimentées par camions-citernes

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* Communes dont les services de production-distribution d'eau sont assurés par la SWDE (Société wallonne des eaux) ou par des intercommunales (AIEC : Association intercommunale des eaux du Condroz, AIEM : Association intercommunale des eaux de la Molignée, CIESAC : Compagnie intercommunale des eaux de la source Les Avins - Groupe Clavier, CILE : Compagnie intercommunale liégeoise des eaux, INASEP : Intercommunale namuroise de services publics, In BW : Intercommunale du Brabant wallon).

** Communes qui gèrent leur production-distribution d'eau de manière autonome.

 

La gestion de l'offre et de la demande avec le SRRE 2.0

Lancé en 2020[9], le programme du SRRE 2.0 s'inscrit dans la continuité du SRRE et vise à mieux tenir compte des effets de l'évolution du climat. Alors que le SRRE prévoit de sécuriser l'alimentation en eau des réseaux de distribution en multipliant l'origine de la ressource, le SRRE 2.0 se focalise plutôt sur la gestion de l’offre (disponibilité de la ressource, mise en œuvre de nouvelles ressources, analyse des risques sur la ressource et adaptation des infrastructures publiques d’eau potable) et de la demande, notamment des agriculteurs, des industries ainsi que la demande en eau liée au développement territorial. En collaboration avec les Universités de Mons et de Liège, la SWDE développe un projet de modélisation des 14 masses d'eau souterraines les plus importantes stratégiquement pour la fourniture d'eau potable. Les données enregistrées lors des sécheresses sont intégrées dans le modèle afin de pouvoir mieux anticiper les prochaines crises. Le modèle permettra de mieux évaluer les volumes d'eau disponibles en fonction des précipitations. Il permettra également d'élaborer, pour l'avenir, des projets sur base des pronostics de volumes de précipitations envisagés dans divers scénarios de changement climatique. Le SRRE 2.0 vise également à établir un cadre légal pour la priorisation des usages de l’eau en cas de stress hydrique sévère, la limitation des nouvelles prises d’eau et l’établissement d’accords interrégionaux ou internationaux pour une gestion durable de la ressource en eau.
L'élimination des fuites d'eau constitue un autre enjeu de taille. Ces fuites sont estimées entre 10 et 30 %, voire 50 % à certains endroits, du volume transporté par les 40 000 km de canalisations. Un plan wallon pour améliorer la performance des infrastructures publiques d’alimentation en eau potable est en cours de réflexion et vise à réduire de 10 % le volume d’eau perdu durant le transport. Ce plan est attendu pour le printemps 2022.

 


[1] En janvier 2009, les ⅔ de la population de La Louvière ont été privés d'approvisionnement d'eau pendant trois semaines. Cet épisode a initié l'élaboration du Schéma régional des ressources en eau.

[2] La mission a été déléguée à la SWDE par décision du Gouvernement wallon du 06/05/2010 q et reprise dans ses contrats de gestion successifs 2012 - 2017 et 2018 - 2022.

[3] Water safety plans ou plans de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau (PGSSE)(a) : stratégie générale d’évaluation et de gestion des risques couvrant toutes les étapes de l’approvisionnement en eau du captage au consommateur ; directive (UE) 2020/2184 qDeux PGSSE ont été réalisés par la SWDE q q.

[4] Fourniture d’un volume complémentaire de l’ordre de 30 % par rapport à la consommation moyenne en cas de sécheresse, de grand froid, de rupture d’approvisionnement ou de pollution p. ex.

[5] Jusqu'en 2020, l’eau distribuée à Durbuy provenait en partie du barrage de Nisramont (SWDE). Ce dernier ayant atteint sa capacité maximale de production, l'eau du Néblon provenant des captages de la Compagnie liégeoise intercommunales des eaux (CILE) constitue une ressource alternative qui permet d’assurer la continuité de l’approvisionnement de Durbuy et des communes limitrophes. Cette adaptation permet au barrage de Nisramont de fonctionner à flux moins tendu (surtout en période estivale) et de fournir des possibilités d’alimentation en eau pour d'autres communes, en cas de nécessité.

[6] Les volumes pompés (± 2 000 000 m3/an) permettent d’alimenter une partie du réseau de la SWDE (Charleroi) et de l’Intercommunale de services publics (INASEP) (Walcourt).

[7] Chambre de mélange des eaux des galeries de Hesbaye (CILE) riche en nitrate avec celles exemptes de nitrate issues des barrages d’Eupen et de la Gileppe (SWDE).

[8] Le massif ardennais est constitué de roches (schiste, grès, quartzite) de faible capacité aquifère. Les prises d'eau sont généralement de type gravitaire ; l'eau contenue dans les couches superficielles, altérées et fissurées est captée par des drains et des galeries. De ce fait, ces prises d'eau sont très dépendantes des conditions atmosphériques et ont un potentiel de production moyen.

[9] Le SRRE 2.0 a été approuvé par le Gouvernement wallon par la décision du 17/03/2020 q.

 

Évaluation

c276b32f-0e48-4d19-8936-2f69ee3759f5 Évaluation de l'état non réalisable et évaluation de la tendance non réalisable

Évaluation non réalisable

L'évaluation est non réalisable car le Schéma régional des ressources en eau est régulièrement actualisé en fonction des besoins (sécheresses…) et des synergies qui peuvent être réalisées entre les différents opérateurs. Cependant, les travaux réalisés entre 2014 et 2021 ont permis la pose de 55 km de conduites sur les 427 km envisagés (soit 13 %) et la construction de 9 nouvelles stations (stockage, traitement, pompage) sur les 29 prévues (soit 31 %), permettant ainsi la sécurisation de 264 000 raccordements supplémentaires sur les 700 000 visés. Durant cette période, le taux de sécurisation global (nombre de raccordements sécurisés/nombre total de raccordements (environ 1 000 000)) est passé de 26,5 % à 53 %. L'objectif cible est de 70 % fin 2026.

Évaluation non réalisable

L'évaluation de la tendance n'est pas réalisable car (i) le Schéma régional des ressources en eau est trop récent pour évaluer une tendance et (ii) l'évolution n'est pas interprétable en termes d'impact sur l'environnement.