La situation environnementale d’une région dépend en grande partie du contexte dans lequel elle s’inscrit. Mieux connaitre les déterminants sociaux, territoriaux, économiques et institutionnels est essentiel pour appréhender les questions environnementales. Située au cœur de l’Europe, la Wallonie est une région densément peuplée. Bien que composée en grande partie de terrains agricoles et boisés, elle s’est fortement artificialisée ces dernières décennies et les infrastructures de transports y sont très structurantes. L’économie wallonne est principalement basée sur le secteur tertiaire (commerces, services aux entreprises, administrations…) et, depuis plusieurs années, la politique industrielle s’est orientée vers des secteurs à forte valeur ajoutée (secteur pharmaceutique, biotechnologie, aéronautique…). La gestion de l’environnement étant principalement une compétence régionale, la Wallonie dispose de nombreux leviers pour gérer les pressions environnementales et leurs impacts, même si, dans ce domaine, la législation est majoritairement guidée par le droit de l’Union européenne.
La Wallonie, ses habitants et son territoire
La Wallonie est de plus en plus peuplée
En 2020, la Wallonie comptait un peu plus de 3,6 millions d’habitants (32 % de la population belge) sur une superficie de 16 901 km² (55 % de la superficie de la Belgique), soit une densité de population de 216 hab/km². Bien qu’il s’agisse d’une densité de population élevée en regard de la moyenne européenne (UE-27 : 109 hab/km² en 2019), la Wallonie présente la densité la plus faible parmi les trois régions du pays. De fortes disparités existent entre les communes wallonnes. En 2020, Daverdisse était ainsi la commune la moins densément peuplée (24 hab/km²) et Saint-Nicolas la commune la plus densément peuplée (3 528 hab/km²). À l’instar de nombreuses régions industrialisées, la Wallonie se caractérise par une pyramide des âges vieillissante. En 2020, on comptait 21 % de personnes âgées de moins de 18 ans, 61 % de personnes âgées de 18 à 64 ans et 19 % de personnes âgées de 65 ans ou plus. Le nombre de ménages wallons s’élevait quant à lui à environ 1,6 million, composés en moyenne de 2,3 habitants.
Depuis plusieurs décennies, le nombre de ménages augmente plus rapidement que la population. Ainsi, entre 2000 et 2020, leur nombre a augmenté de 15 % alors que la population n’a augmenté que de 9 %. Selon les projections du Bureau fédéral du Plan et de Statbel, ces tendances se poursuivront à long terme. Le nombre de ménages devrait ainsi augmenter de 14 % entre 2020 et 2070 tandis que la population wallonne devrait augmenter de 6 %[1]. L’augmentation attendue du nombre de ménages s’explique par la diminution de leur taille moyenne, due en partie au vieillissement de la population (davantage de ménages de 1 et 2 personnes) mais aussi aux changements de modes de vie (diminution du nombre d’enfants par famille, unions plus fragiles entraînant l’augmentation de la monoparentalité…). La croissance attendue de la population est liée aux soldes migratoires international et inter-régional positifs (le solde naturel[2] devrait quant à lui être négatif jusqu’en 2070). Le vieillissement de la population devrait se poursuivre. En 2070, la proportion de personnes âgées de moins de 18 ans serait de 18 %, celle des 18 - 64 ans de 54 % et celle des 65 ans et plus de 27 %. Il faut remarquer que, d’après les données actuelles, la COVID-19 ne devrait pas impacter la croissance démographique à long terme, ni le vieillissement de la population.
L’augmentation de la population a des conséquences d’un point de vue environnemental, notamment en termes de consommation de ressources naturelles, d’émissions atmosphériques, de production de déchets... Ces conséquences sont d’autant plus importantes que l’augmentation de la population est associée à une hausse du nombre de ménages et à une réduction de leur taille moyenne, puisque de nombreux achats ou habitudes de consommation sont déterminés à ce niveau (logement, nombre de véhicules…).
Les terrains agricoles diminuent, les terrains artificialisés progressent
En 2020, d’après les données enregistrées au cadastre, la plus grande partie du territoire wallon était composée de terrains agricoles (52 %) et de terrains boisés (29 %). Les terrains artificialisés, c’est-à-dire les surfaces retirées de leur état naturel, forestier ou agricole, qu’elles soient bâties ou non et qu’elles soient revêtues (parking p. ex.) ou non (jardin de maison pavillonnaire p. ex.), couvraient entre 11 % et 16 % du territoire. La répartition de ces différentes utilisations n’est pas homogène. Elle est étroitement liée aux caractéristiques du relief et du sol, fortement différenciées entre le nord et le sud du sillon Sambre-et-Meuse. Les terrains agricoles se trouvent de part et d’autre du sillon : les plaines et bas-plateaux du nord accueillent principalement les grandes cultures (froment, maïs fourrager, pommes de terre, betteraves sucrières…) alors que les plateaux de moyenne et de haute altitude situés au sud du sillon sont surtout affectés aux pâturages. Les terrains boisés se rencontrent majoritairement dans le sud et l’est de la Wallonie, les peuplements feuillus représentant 56 % de la superficie forestière productive et les peuplements résineux, 42 %. Quant aux terrains artificialisés, ils se localisent principalement au niveau du sillon Haine-Sambre-Meuse, notamment au niveau des quatre plus grandes régions urbaines wallonnes (Mons, Charleroi, Namur et Liège). Ce sillon marque une limite entre le sud, faiblement artificialisé, et le nord, qui présente une artificialisation plus prononcée, notamment en raison de la proximité avec Bruxelles. La manière avec laquelle le territoire est utilisé influence la qualité de l’ensemble des composantes environnementales (air, eau, sols, faune, flore, habitats). Les pressions et impacts potentiels, faibles pour les terrains boisés, peuvent être élevés pour les terrains agricoles exploités de façon intensive ou les terrains artificialisés.
Entre 1985 et 2020, les terrains artificialisés ont progressé de 44 %, ce qui correspond à une croissance moyenne de 16 km²/an. L’artificialisation du territoire s’est principalement faite au détriment des terrains agricoles. Divers facteurs, tels que l’augmentation de la population et des ménages wallons, l’augmentation de la consommation d’espace liée à l’habitat, la dispersion de l’urbanisation et le développement corollaire des services et des équipements, expliquent en grande partie la dynamique wallonne. Depuis le début des années 2000, un ralentissement de l’artificialisation est toutefois observé par rapport au rythme observé dans les années ’90 (20 km²/an entre 1990 et 2000, 16 km²/an entre 2000 et 2010, et 12 km²/an entre 2010 et 2020). Cette baisse du rythme de croissance est à mettre en relation notamment avec la diminution des superficies moyennes destinées aux maisons unifamiliales, la hausse des prix des terrains à bâtir et l’amplification de la création de logements en appartements et en rénovation. L’artificialisation du territoire a de nombreuses conséquences environnementales, directes et indirectes : perte de ressources naturelles et agricoles, imperméabilisation des sols, modification du cycle naturel de l’eau, fragmentation des habitats naturels… L’impact de l’artificialisation est d’autant plus important qu’il s’agit d’un phénomène quasiment irréversible. Consciente de ces enjeux, en 2011, la Commission européenne a invité les États membres à atteindre d’ici 2050 le "no net land take", c’est-à-dire d’arrêter toute augmentation nette de la surface artificialisée. En adoptant le Schéma de développement du territoire en 2019, dont la date d’entrée en vigueur reste à déterminer, le Gouvernement wallon a défini les grandes lignes d’une stratégie territoriale visant à atteindre cet objectif : réduire la consommation des terres non artificialisées à 6 km²/an d’ici 2030 et tendre vers 0 km²/an à l’horizon 2050. Les mesures permettant d’atteindre cet objectif doivent cependant encore être définies.
Un réseau de transport particulièrement dense
Du fait de sa situation géographique au cœur de l’Europe, la Wallonie est une zone importante de transit et d’échanges, tant pour les personnes que pour les marchandises. Elle est dotée d’infrastructures de transport terrestre et aérien particulièrement développées (réseaux routier, fluvial et ferroviaire, plateformes multimodales, aéroports régionaux).
Le réseau routier wallon est composé d’autoroutes, de routes régionales et de routes communales. Si l’on rapporte l’ensemble de ce réseau à la superficie du territoire, la densité du réseau routier en Wallonie s’élève à un peu plus de 4 800 km/1 000 km², ce qui correspond à une densité plus de 4 fois supérieure à celle du réseau européen. Le réseau fluvial de la Wallonie présente également une densité relativement élevée, de l’ordre de 27 km de voies navigables/1 000 km², une densité 3 fois supérieure à la moyenne européenne. Il se caractérise par la présence de 4 ports autonomes, celui de Liège étant le 1er port intérieur belge et un des ports intérieurs les plus importants d’Europe (3ème en 2019(a)). La connexion du réseau fluvial wallon avec les grands ports maritimes de la mer du Nord et les bassins industriels et de consommation qui l’entourent en fait un élément stratégique important d’un point de vue économique. Concernant le réseau ferroviaire, la densité du réseau wallon s’élève à environ 100 km de lignes/1 000 km², soit une densité 2 fois supérieure à celle du réseau européen, classant le réseau wallon parmi les plus denses d’Europe. La Wallonie dispose en outre de 11 plateformes multimodales. Il s’agit de sites au sein du réseau de transport permettant, pour les marchandises, de passer d’un mode de transport à un autre. À titre d’exemple, le Liège Trilogiport, inauguré en 2015, est une plateforme multimodale combinant les voies d’eau, le rail et la route. Outre les atouts économiques et logistiques de ces plateformes, celles-ci présentent un avantage d’un point environnemental car elles offrent la possibilité de privilégier l’utilisation de modes de transport moins dommageables pour l’environnement, comme le rail et le transport fluvial.
À côté de ces infrastructures de transport terrestre, la Wallonie compte deux aéroports régionaux : Brussels South Charleroi Airport, spécialisé dans le transport de personnes, et Liège Airport, spécialisé dans le transport de fret. Tous deux connaissent une évolution marquée depuis deux décennies. En 2019, l’aéroport de Charleroi a transporté plus de 8 millions de passagers, soit 32 fois plus qu’en 2000. Le tonnage de marchandises transportées à l’aéroport de Liège a quant à lui plus que triplé durant cette même période pour atteindre 902 000 tonnes en 2019, ce qui en faisait le 1er aéroport cargo de Belgique et le 6ème au niveau européen. L’année 2020 présentait toutefois une situation plus contrastée. L’activité de transport de personnes a considérablement été impactée par la crise sanitaire de la COVID-19 (- 69 % de passagers par rapport à 2019) alors que le transport de marchandises a continué de croître (+ 24 % de tonnes).
Ce vaste réseau de transport permet la circulation des personnes et des marchandises et participe à la création de richesse et d’activités en Wallonie. Toutefois, d’un point de vue environnemental, une telle densité entraîne de multiples impacts. Parmi ceux-ci, on peut citer l’imperméabilisation des sols, mais aussi la fragmentation du territoire puisque les routes, chemins de fer et voies d’eau constituent des barrières écologiques pour de nombreuses espèces, et l’expansion territoriale des espèces exotiques envahissantes via les couloirs de dispersion que constituent les axes de transport. Le développement du réseau routier a par ailleurs favorisé l’étalement urbain, la dépendance à l’automobile et l’allongement des distances de déplacement. L’utilisation des réseaux de transport exerce aussi des pressions sur l’environnement : bruit, pollution lumineuse, consommation d’énergie, émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques… Les modes de transports sont cependant concernés à des degrés divers, l’utilisation de l’avion, du camion ou de la voiture étant globalement plus impactante que l’utilisation du train, du bateau ou de modes doux (vélo, marche). Or le transport routier est le mode de transport dominant en Wallonie. En 2019, les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur représentaient 24 % du total des émissions wallonnes. Elles étaient par ailleurs en augmentation depuis 1990 (+ 33 %).
L’Union européenne s’est fixé comme objectif contraignant la neutralité carbone[3] à l’horizon 2050. En parallèle, le Gouvernement wallon a inscrit cette ambition dans sa Déclaration de politique régionale 2019 - 2024 : la neutralité carbone est visée au plus tard en 2050 avec, comme étape intermédiaire en 2030, un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990. Afin d’atteindre ces objectifs ambitieux, il est nécessaire que la contribution du secteur des transports soit significative. Pour ce faire, différentes priorités ont été fixées dans la Vision FAST 2030 et la Stratégie régionale de mobilité qui l’opérationnalise. Elles mettent l’accent sur la multimodalité et en particulier le transfert modal vers des modes de transport plus respectueux de l’environnement, mais aussi sur le contrôle de la demande en transport, et ce tant pour le transport de personnes que le transport de marchandises. Dans ce contexte, le Gouvernement wallon envisage d’agir également sur l’aménagement du territoire, en organisant le territoire et les activités pour réduire les besoins en déplacement. En parallèle, le Gouvernement wallon prévoit, à travers son Plan Mobilité et Infrastructures pour tous 2020 - 2026, le développement d’infrastructures adaptées à une mobilité douce et active (création de voies express dédiées aux vélos, aménagement de tronçons supplémentaires de RAVeL dans une perspective de connexion de celui-ci aux nœuds d’intermodalité…), des aménagements pour favoriser les transports collectifs (création de voies dédiées aux bus, de gares, d’arrêts…), ainsi que des investissements pour soutenir le développement du transport fluvial. L’importance des transports dans la transition environnementale se retrouve également dans le Plan de relance de la Wallonie, qui prévoit un chapitre "Repenser la mobilité" au sein de l’axe consacré à la soutenabilité environnementale.
Les activités économiques en Wallonie
La Wallonie représente un quart de l’économie belge
Avec un produit intérieur brut (PIB) de plus de 110 milliards d’euros et 1,3 million d’emplois, la Wallonie représentait 23 % du PIB et 27 % de l’emploi en Belgique en 2019. Après avoir été durement marquée par les récessions de 2009 et de 2012 - 2013, une phase de reprise a été amorcée depuis 2014. Le taux de croissance annuel moyen du PIB wallon entre 2009 et 2019 (+ 1,5 %) était similaire aux taux belge (+ 1,5 %) et européen (+ 1,6 %). La croissance économique a depuis été impactée par la crise sanitaire de la COVID-19. Selon les perspectives économiques régionales 2021 - 2026(b), après avoir connu un recul de 6,9 % en 2020, le PIB wallon devrait à nouveau croître en 2021 (+ 5,7 %) et en 2022 (+ 3,0 %). Le revenu disponible net moyen par habitant en Wallonie était quant à lui de 19 368 euros en 2018, ce qui était environ 10 % inférieur à la moyenne belge. Entre 2000 et 2018, il a augmenté de 48 %, une croissance similaire à celle observée au niveau belge (+ 47 %).
Un secteur tertiaire dominant
Le secteur tertiaire, c’est-à-dire les services marchands (commerces, bureaux immobiliers, comptables...) et non marchands (administrations, écoles…), occupe une place importante en Wallonie. Il représentait 76 % du PIB et 81 % des emplois en 2019. Il était suivi par le secteur industriel, qui représentait 15 % du PIB et 10 % des emplois. Le solde était composé du secteur de la construction (5 % du PIB et 6 % des emplois), de l’énergie (3 % du PIB et 1 % des emplois) et de l’agriculture (0,6 % du PIB et 1 % des emplois). Les activités de service se sont progressivement développées en Wallonie à partir des années ’80, et ce au détriment de l’industrie. Cette tendance, que l’on retrouve dans la plupart des économies occidentales, est accompagnée d’une réorientation des activités industrielles avec le développement d’une production à haute valeur ajoutée (secteur pharmaceutique, biotechnologie, aéronautique…), le ralentissement de certaines filières de l’industrie lourde (comme la sidérurgie) et la délocalisation d’une partie des activités industrielles wallonnes à l’étranger. Depuis une quinzaine d’années, la politique industrielle wallonne est basée sur le développement de ces secteurs à fort potentiel via les pôles de compétitivité (créés en 2006 dans le cadre du Plan Marshall), qui favorisent les liens entre les entreprises, la formation et la recherche et le développement. La Wallonie, comme la Belgique, est une "petite économie ouverte". Son marché intérieur est limité, elle dépend fortement de ses importations et de ses exportations, tant au niveau de la production (entreprises intégrées dans des circuits européens et internationaux) que de la consommation (importation de produits manufacturés). Cette dépendance présente des inconvénients (fluctuation des prix, disponibilité en matières premières stratégiques…) qui sont d’autant plus marqués dans un contexte de raréfaction des ressources et de compétition entre économies, comme l’a d’ailleurs montré la crise sanitaire de la COVID-19. C’est notamment pour répondre à cet enjeu que plusieurs mesures du Gouvernement wallon visent à accroitre l’indépendance de la Wallonie dans les domaines énergétique (développement des énergies renouvelables produites localement), alimentaire (développement de filières innovantes telles que la production de protéines végétales, déploiement d’infrastructures logistiques à petite échelle…) ou encore en ce qui concerne les matières premières (développement de l’économie circulaire, valorisation des sous-produits…). Au-delà de ces mesures, le Plan de relance de la Wallonie prévoit également d’amplifier le déploiement de la Région à travers la numérisation, la politique industrielle ou encore le tourisme.
L’empreinte écologique : un indicateur complémentaire au produit intérieur brut
Depuis plus de 50 ans, l’augmentation du PIB est perçue comme la garantie du développement humain et est un objectif en soi. L’utilisation de la croissance du PIB comme indicateur de mesure du progrès ou du développement est cependant de plus en plus largement critiquée. Le PIB est en effet un outil qui permet d’évaluer de façon globale un flux monétaire et de mesurer la création de richesse d’une région ou d’un État. Or le progrès social, le bien-être et la satisfaction de vie au sein d’une société ne dépendent pas que de sa prospérité économique mais également d’autres critères, tels que la répartition des richesses, l’état de santé ou la qualité de l’environnement. Ainsi, si on s’intéresse à la seule dimension environnementale, on notera par exemple que le PIB ne comptabilise pas les services rendus par les écosystèmes (pollinisation, épuration de l’air et de l’eau…), n’attribue de la valeur au patrimoine naturel que s’il est exploité et ne comptabilise pas les dégradations de l’environnement liées aux activités humaines (perte de biodiversité, dégradation de la qualité de l’air…). Les atteintes à l’environnement telles que les pollutions peuvent même contribuer indirectement à l’augmentation du PIB, car elles génèrent des activités (services d’études et d’analyses, dépollution…) et des coûts de réparation.
C’est dans ce contexte que des indicateurs complémentaires au PIB ont vu le jour. Parmi ceux-ci, on peut citer des indicateurs globalisés tels que l’indice de développement humain ou l’empreinte écologique. Cette dernière est vraisemblablement l’indicateur qui a été le plus médiatisé ces dernières années. Il exprime, en hectares globaux[4], la pression qu’exerce l’activité humaine (consommation et production de déchets) sur les ressources renouvelables. En 2014, à la demande du Gouvernement wallon, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS) a développé et calculé l’empreinte écologique de la Wallonie(c). Cette démarche s’inscrit dans un cadre plus global visant à développer pour la Wallonie un set d’indicateurs complémentaires au PIB. L’empreinte écologique a ainsi été estimée à près de 5 hectares globaux par habitant en 2012. Il s’agit donc de la surface biologiquement productive de terre et d’eau nécessaire pour produire les matières biologiques qu’un Wallon consomme annuellement et pour absorber les déchets qu’il génère. Rapporté à l’offre, les Wallons ont utilisé une surface productive 2,2 fois plus grande que celle de la Wallonie. Cela signifie que le mode de consommation des Wallons dépasse les limites biophysiques associées aux ressources renouvelables du territoire, et qu’à l’instar de la majorité des pays européens, la Wallonie alimente une "dette écologique"[5].
La gestion de l’environnement
L’Union européenne, source importante de règlementation environnementale
La législation wallonne dans le domaine de l’environnement est largement guidée par le droit de l’Union européenne. Cette dernière structure sa politique environnementale dans le cadre de programmes d’action développés pour une période déterminée. Cette politique se concrétise par l’adoption de directives, règlements, recommandations, décisions et avis aux objectifs et règles d’application distincts. Il peut s’agir de mesures mettant en œuvre les engagements pris sur la scène internationale (conventions, traités ou protocoles) ou de décisions inspirées d’initiatives menées au sein de certains États membres ou de recommandations d’institutions internationales. L’Union européenne intervient dans de nombreux domaines environnementaux tels que le réseau Natura 2000, la qualité de l’eau et de l’air, les risques d’inondation, le bruit, la gestion des déchets ou encore les évaluations des incidences sur l’environnement.
L’environnement, une compétence majoritairement régionale
Dès la première étape de la régionalisation de la Belgique en 1980, la protection et la gestion de l’environnement ont été en grande partie attribuées au niveau régional. Les compétences environnementales de la Wallonie peuvent être regroupées en deux thématiques principales : l’environnement au sens strict d’une part (qualité de l’air, qualité de l’eau, biodiversité, lutte contre le bruit, politique des déchets…) et le développement rural et la conservation de la nature d’autre part (zone d’espaces verts, forêt, chasse, pêche, cours d’eau non navigables…). Dans ces deux thématiques, l’État fédéral ne dispose que de compétences qui lui sont explicitement réservées : l’établissement de normes de produits lors de la mise sur le marché et la protection contre les radiations ionisantes (y compris la gestion des déchets radioactifs). Toutefois, la complexité du système fédéral belge et l’exercice des compétences en environnement des différents niveaux de pouvoir peuvent amener ces derniers à légiférer sur un même produit selon leurs propres compétences. Par exemple, en ce qui concerne les pesticides, l’État fédéral est responsable de leur mise sur le marché alors que les Régions sont responsables de leur utilisation. C’est ainsi qu’en 2017, le Gouvernement wallon a adopté un arrêté interdisant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à base de glyphosate par les particuliers, alors que ces produits étaient toujours autorisés à la vente. En 2021, le Conseil d’État a annulé l’arrêté du Gouvernement wallon de 2017, car ce dernier avait pour effet d’exclure du marché les produits concernés et d’empêcher l’État fédéral d’exercer sa compétence en matière de mise sur le marché[6]. En Wallonie, c’est le Service public de Wallonie (SPW) Environnement qui gère l’essentiel des compétences en matière environnementale, ses missions étant fixées par le Gouvernement wallon.
Des mécanismes de coordination
Afin d’assurer la cohérence des décisions prises par les différents niveaux de pouvoir en Belgique mais également vis-à-vis des instances internationales, des mécanismes de coordination, obligatoires ou volontaires, ont été mis en place lors de la régionalisation des compétences. Cette coordination s’exerce à travers différents lieux d’échanges, comme la Conférence interministérielle de l’environnement (CIE), la Cellule interrégionale de l’environnement (CELINE) ou encore le Comité de coordination de la politique internationale de l’environnement (CCPIE). La concertation prend également la forme d’accords de coopération qui formalisent la mise en place de politiques communes. Ces accords sont parfois le fruit de longues négociations. Par exemple, dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, l’État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale ont conclu en 2018 un accord de coopération (accord dit du "Burden Sharing") qui fixe notamment les efforts de chacun pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pour la période 2013 - 2020. Notons que sur la scène internationale, seul l’État belge s’engage.
Les citoyens wallons ont des droits en matière d’environnement
La Convention d’Aarhus est un accord international qui a été adopté en 1998 par la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (CEE - ONU), la Belgique faisant partie des 39 États signataires initiaux. Cette Convention consacre trois droits fondamentaux en matière d’environnement pour les citoyens et les associations qui les représentent : l’accès à l’information environnementale, la participation au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Jusqu’à présent, elle a été ratifiée par 47 pays.
Considérant que la protection et l’amélioration de l’environnement sont l’affaire de tous, la Convention octroie à chacun le droit de s’impliquer en matière d’environnement : toute personne a le droit d’être informée, de s’impliquer dans les décisions et d’exercer des recours en matière d’environnement. Le principe directeur du texte est le suivant : en offrant au citoyen une place dans les débats environnementaux, on s’inscrit dans une démarche qui contribue à créer la confiance du citoyen envers ses institutions et leur fonctionnement démocratique, et qui rencontre les exigences de transparence et de proximité, synonymes de bonne gouvernance. En pratique, les trois piliers de la Convention se déclinent comme suit :
- en matière d’accès à l’information environnementale, les autorités doivent faire une publicité active, c’est-à-dire mettre à disposition spontanément des informations environnementales sur leurs sites web. En Wallonie, il s’agit par exemple du site web dédié à l’état de l’environnement wallon (http://etat.environnement.wallonie.be) ou encore du Géoportail (https://geoportail.wallonie.be), site de l’information géographique wallonne. C’est notamment dans ce contexte de diffusion d’informations environnementales que s’inscrit la présente publication. Par ailleurs, chaque citoyen peut demander de l’information environnementale auprès des autorités (publicité passive) ;
- en matière de participation du public au processus décisionnel, chaque citoyen peut donner son avis via des consultations ou enquêtes publiques sur des plans, programmes et projets en matière d’environnement (p. ex. ces dernières années, le Plan wallon des déchets-ressources ou la contribution wallonne au Plan national énergie climat 2021 - 2030). Les remarques des citoyens doivent être prises en compte aussi largement que possible ;
- en ce qui concerne l’accès à la justice en matière d’environnement, chaque citoyen peut effectuer un recours lorsqu’il estime que sa demande d’information n’a pas correctement été traitée par l’autorité, s’il constate des irrégularités dans le cadre d’une consultation publique ou encore si des conflits surgissent en matière d’environnement. Ce 3ème pilier de la Convention renforce les deux autres en permettant de garantir leur bonne application.
La Convention d’Aarhus est entrée en vigueur dans notre pays en 2003. L’État fédéral et les Régions ont ainsi repris les dispositions de la Convention dans leur droit. En Wallonie, les dispositions de la Convention d’Aarhus sont reprises au sein du Livre 1er du Code de l’environnement.
[1] Scénario spécifique lié à la pandémie de COVID-19, fixé fin 2020, tablant sur une évolution sous-contrôle de l’épidémie en 2021 (plan de vaccination exécuté et mesures prises pour contenir l’épidémie)
[2] Différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès
[3] La neutralité carbone implique une baisse radicale des émissions anthropiques de gaz à effet de serre et la compensation des émissions résiduelles par des absorptions notamment en développant des solutions de stockage.
[4] Un hectare global (gha) est un hectare (ha) de terre ou d’eau dont la productivité biologique équivaut à la productivité moyenne mondiale.
[5] Comme tout indicateur, l’empreinte écologique recourt à des simplifications et des hypothèses et s’inscrit dans un certain périmètre. Ainsi, l’indicateur ne comptabilise qu’une partie seulement du problème environnemental : par exemple, il ne traite pas de la question de la qualité de l’environnement (érosion des sols, biodiversité…), ni des ressources en eau ou des ressources du sous-sol.
[6] À noter toutefois que cette décision n’a pas de conséquence pratique puisque la vente de ce type d’herbicide aux particuliers a été interdite par l’État fédéral en 2018.
Références
(a) CCNR, 2020. Rapport annuel 2020. La navigation intérieure européenne. Observation du marché. CCNR : Strasbourg, France. q
(b) BFP, IBSA, IWEPS & Statistiek Vlaanderen, 2021. Perspectives économiques régionales 2021 - 2026. BFP : Bruxelles, Belgique. q
(c) Caruso F, Charlier J, Juprelle J, Reginster I, Orfinger C, Bruers S, Martin C, 2014. Indicateurs complémentaires au PIB. Empreinte écologique et biocapacité de la Wallonie. Rapport de recherche. IWEPS : Namur, Belgique. q
Sources
AEE ; BFP ; BNB ; Eurostat ; IWEPS ; SPF Finances - AGDP (base de données Bodem/Sol) ; SPW - AwAC ; SPW Environnement - DEMNA ; SPW Environnement - DNF ; SPW Mobilité et Infrastructures ; Statbel (SPF Économie - DG Statistique)
Remerciements
Pierre ARNOLD (SPW Mobilité infrastructures - DSMI) ; Julien CHARLIER (IWEPS) ; Julien JUPRELLE (IWEPS) ; Amandine MASUY (IWEPS) ; Christelle VAN WESEMBEECK (SPW Environnement - DPEAI)