Air

 

La composition chimique de l’air a des influences multiples sur l’environnement au sens large (climat, cycle de l’eau, diversité biologique, santé des organismes vivants, fonctionnement des écosystèmes…). Canicules, sécheresses, inondations, pics d’ozone ou alertes smog sont autant de phénomènes qui illustrent les changements climatiques et la dégradation de la qualité de l’air. Depuis plusieurs décennies, ces problématiques mobilisent la communauté scientifique. Progressivement, elles ont également suscité l’attention médiatique et sont aujourd’hui devenues un sujet de préoccupation majeure pour l’ensemble de la société. Les émissions atmosphériques liées aux activités humaines sont la principale cause de ces phénomènes : production de biens de consommation, transport, chauffage des bâtiments... Des mesures visant à réduire les émissions de certains polluants ont abouti à des résultats positifs, notamment la restauration de la couche d’ozone stratosphérique ou, dans nos régions, la baisse très importante des retombées acides. Cependant, la situation reste critique : en l’absence d’une baisse importante et rapide des émissions de gaz à effet de serre, la hausse globale des températures aura des conséquences irréversibles tandis que la pollution atmosphérique est la première cause environnementale de décès prématurés en Europe (maladies respiratoires et cardiovasculaires p. ex.).


Des émissions aux concentrations : mesurer pour comprendre et agir

Les changements climatiques liés aux émissions de gaz à effet de serre et la dégradation de la qualité de l’air liée aux émissions de polluants atmosphériques sont des problématiques intimement liées. Ces phénomènes ont en effet tous les deux une cause principale commune : les émissions atmosphériques liées à l’activité humaine. Dans l'atmosphère, les gaz à effet de serre tout comme les polluants atmosphériques interagissent, subissent des transformations, sont transportés sur de longues distances et peuvent s’accumuler. En raison de ces déplacements loin des sources d'émissions, les deux problématiques dépassent le cadre strictement régional. Si les mesures de réduction des émissions sont décidées et appliquées au niveau wallon, les résultats sur la qualité de l’air et l’impact sur le climat dépendent également des actions des autres régions et pays. C’est pourquoi de nombreuses substances font l’objet de protocoles et d’accords supranationaux voire mondiaux.

La connaissance des niveaux d’émissions est le point de départ de toutes les politiques visant à atténuer les changements climatiques et à améliorer la qualité de l’air. C’est dans ce but qu’ont été progressivement mis en place des "inventaires d’émissions". Ces inventaires annuels, dont la réalisation est une compétence régionalisée, répondent à plusieurs engagements internationaux en fonction des substances visées : Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques pour les gaz à effet de serre, Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance pour les polluants atmosphériques. Ils suivent les émissions depuis 1990, hormis pour les particules qui sont suivies depuis 2000. Les méthodologies qui sous-tendent les inventaires évoluent en fonction de l’état des connaissances, mais certains principes sont immuables, tel le principe de la territorialité qui précise que seules les substances physiquement émises à l’intérieur du territoire sont prises en compte. Bien que critiquable (voir plus loin), ce principe permet d’éviter les doubles comptages d’émissions entre territoires et offre un cadre aux principaux leviers d’action dont disposent les pays pour réduire leurs émissions. C’est sur cette base que sont calculés les niveaux d’émissions wallons et les objectifs à atteindre pour la Belgique et la Wallonie.

À côté des émissions, les concentrations dans l’air sont également mesurées car elles déterminent les impacts sur le climat et la qualité de l’air ambiant. Elles font l’objet d’un suivi au niveau mondial pour les gaz à effet de serre et au niveau local et régional pour les polluants atmosphériques.
 

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Gaz à effet de serre et changements climatiques

L’effet de serre est un phénomène naturel par lequel une partie de l’énergie solaire qui atteint la terre est conservée, ce qui a pour effet de réchauffer la basse atmosphère et d’y maintenir des températures compatibles avec la vie telle que nous la connaissons. Ce phénomène est lié à la présence de gaz appelés "gaz à effet de serre". Si les concentrations de ces gaz dans l’atmosphère augmentent, l’effet de serre naturel est amplifié et, en moyenne, le climat à la surface de la terre se réchauffe. Or, selon les travaux du GIEC, en 2019, les concentrations atmosphériques de certains gaz à effet de serre n'ont jamais été aussi élevées depuis au moins 800 000 ans. Si la plupart des gaz à effet de serre peuvent être émis par des sources naturelles, il est avéré que ce sont les émissions massives de gaz à effet de serre liées aux activités humaines (industrielles, de transport, résidentielles, agricoles…) qui sont la cause des changements climatiques actuels, dont les effets sont déjà manifestes. Concrètement, selon l’IRM, on observe en Belgique un réchauffement d’environ 2°C depuis la fin du 19ème siècle. L’année 2020 a été la plus chaude à Uccle depuis le début des observations. L’augmentation des températures est particulièrement marquée depuis la fin des années 1980, entrainant une tendance progressive à une diminution des épisodes de gel et à une augmentation des vagues de chaleur en été. Depuis les années 2000, les fortes précipitations ont tendance à devenir plus fréquentes et c’est aussi le cas pour les sécheresses au printemps. Dans le monde, les changements climatiques augmentent notamment la fréquence et l’ampleur des catastrophes naturelles, contribuent à l’élévation du niveau des mers et à la fonte des glaces et glaciers, perturbent les écosystèmes, compliquent l’accès à l’eau potable pour de nombreuses populations et sont un facteur de propagation des maladies en élargissant les aires de répartition des parasites et de certains vecteurs de maladies.

Malgré des niveaux d’émissions en baisse, un Wallon émet en moyenne plus de gaz à effet de serre qu’un Européen

Les gaz à effet de serre regroupent une série de subs­tances dont une partie est considérée par les inventaires d’émissions, en particulier :

  • le dioxyde de carbone (CO2), principalement émis lors de processus de combustion destinés à satisfaire des besoins en énergie de tous les secteurs (machines, véhicules, chaudières…), ainsi que par certains procédés industriels ;
  • le méthane (CH4), principalement émis par le secteur agricole (digestion des ruminants et stockage des effluents d’élevage) ;
  • le protoxyde d’azote (N2O), provenant essentiellement de la transformation de l’azote apporté sur les sols agricoles ;
  • les gaz fluorés (hydrofluorocarbures ou HFC, hydrocarbures perfluorés ou PFC, l'hexafluorure de soufre ou SF6, trifluorure d'azote ou NF3), liés à la production et à l’utilisation de certains produits (climatisation, réfrigération, aérosols…).

Les contributions de chaque substance à l’effet de serre diffèrent d’un gaz à l’autre, non seulement en raison de différences en termes de concentrations dans l'air (elles-mêmes liées aux quantités émises), mais aussi en raison de différences dans la capacité de chacun de ces gaz à réchauffer l’atmosphère. Ainsi, le potentiel de réchauffement global d’un kg de méthane est 25 fois supérieur à celui d’un kg de CO2. Afin de pouvoir les comparer et les agréger, les émissions des différents gaz à effet de serre sont converties en "équivalent-CO2". Cette conversion en "équivalent" est réalisée d’une façon analogue pour les substances acidifiantes (équivalent acide), les oxydes d’azote (équivalent-NO2) et les composés organiques volatils (équivalent-COV) abordés plus loin.

En 2019, la Wallonie a émis dans l’atmosphère 37,1 millions de tonnes équivalent-CO2 de gaz à effet de serre dont 84 % sous forme de CO2 et le solde sous forme de CH4 (7 %), de N2O (7 %) et de gaz fluorés (2 %). Les sources d’émissions principales étaient l’industrie (30 %), les transports routiers (24 %), le secteur résidentiel (16 %), l’agriculture (12 %) et le secteur de l’énergie (8 %). Avec 10,1 tonnes équivalent-CO2 émises par habitant en 2018, la Wallonie se situait au-dessus de la moyenne européenne (UE-28 : 8,2 tonnes équivalent-CO2 par habitant). À noter que les émissions issues de la combustion de biomasse ne sont pas considérées ici car elles ne sont pas prises en compte pour l’atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Les méthodologies internationales (Kyoto, Accord de Paris…) considèrent en effet que, sur l’ensemble du cycle, le stockage de CO2 lors du renouvellement de la biomasse compense le CO2 émis lors de sa combustion.

Entre 1990 et 2019, les émissions wallonnes de gaz à effet de serre ont diminué de 33 %, une évolution globalement favorable qui cache cependant des tendances sectorielles et temporelles contrastées.

  • Au niveau sectoriel, l’évolution la plus notable est sans doute celle de l’industrie (- 58 %). Ce secteur a été marqué par des baisses de production et des fermetures dans des activités particulièrement énergivores telles que la sidérurgie, mais il a enregistré également des améliorations significatives d’efficacité énergétique, de procédés et des changements dans les combustibles employés (diminution du charbon et du mazout au profit du gaz naturel et des sources d’énergie renouvelables). A contrario, les émissions issues des transports routiers ont enregistré une hausse de 33 % sur la période. Cette évolution s’explique par des besoins en déplacements toujours plus importants (loisirs, e-commerce…), par l’augmentation du nombre de véhicules et, plus récemment, par des changements dans les types de véhicules utilisés (voitures de plus en plus lourdes telles que les SUV, essor des camionnettes…) qui réduisent les effets bénéfiques des moteurs plus performants. Les autres secteurs enregistrent des baisses plus ou moins marquées : - 55 % pour le secteur de l’énergie (fermeture des cokeries et des centrales au charbon, améliorations technologiques avec les centrales "turbines gaz-vapeur"), - 16 % pour le secteur agricole (utilisation plus raisonnée des engrais, baisse du nombre total de ruminants…), - 14 % pour le secteur résidentiel (isolation des bâtiments, meilleure performance des chaudières, usage accru du gaz naturel et des énergies renouvelables…).
  • Au niveau temporel, la diminution globale des émissions des gaz à effet de serre ne s’est pas réalisée de manière uniforme. La tendance à la baisse observée entre le début des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000 s’est accélérée considérablement avec la crise économique de 2008 qui a eu un impact négatif sur certains secteurs de l’industrie lourde. Le niveau d’émissions de gaz à effet de serre minimum a été enregistré en 2014, une année particulièrement chaude (2ème année la plus chaude jamais observée en Belgique) et au cours de laquelle les besoins en chauffage étaient donc réduits. Depuis lors, les émissions stagnent voire augmentent légèrement.

Les concentrations à l’échelle du globe continuent de croître

Du point de vue des concentrations en gaz à effet de serre dans l’atmosphère, l’évaluation se fait à l’échelle du globe. Or, selon l’Organisation météorologique mondiale, les concentrations moyennes mondiales de gaz à effet de serre sont en croissance continue et atteignent d’année en année de nouveaux records. En 2019, les concentrations en CO2, CH4 et N2O étaient supérieures aux niveaux préindustriels de respecti­vement + 48 %, + 160 % et + 23 %. De plus, les taux d’accroissement du CO2 et du CH4 entre 2018 et 2019 étaient supérieurs à la moyenne des taux d’accroissement sur les dix années précédentes.

La neutralité carbone comme objectif à l’horizon 2050

Afin de répondre au défi climatique, l’objectif de neutralité carbone a peu à peu émergé. La neutralité carbone implique une baisse radicale des émissions anthropiques de gaz à effet de serre et la compen­sation des émissions résiduelles par des absorptions (pratiques agricoles ou forestières favorisant le stockage de carbone dans le sol ou la biomasse) ou encore par la captation du CO2 issu des procédés industriels ou de la combustion, ce CO2 étant ensuite enfoui dans des réservoirs géologiques[1]. L’Accord de Paris, signé en 2015, visait cet objectif au niveau mondial pour la deuxième partie du 21ème siècle. Depuis, l’Union européenne s’est fixé comme objectif contraignant la neutralité carbone à l’horizon 2050 dans la Loi européenne sur le climat. En parallèle, le Gouvernement wallon a inscrit cette ambition dans sa Déclaration de politique régionale 2019 – 2024 : la neutralité carbone est visée au plus tard en 2050, avec comme étape intermédiaire en 2030 un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990. Si les progrès enregistrés en Wallonie ces 30 dernières années sont positifs et devraient permettre d’atteindre les objectifs précédemment définis pour 2020[2], des efforts très importants sont encore à réaliser pour atteindre l’objectif de neutralité carbone. Même si l’ensemble des secteurs doivent être mobilisés, le défi est particulièrement aigu au niveau des transports et des bâtiments. Dans ces deux domaines, des changements radicaux seront nécessaires, tant au niveau des comportements (augmentation du taux d’occupation des véhicules, accélération de la rénovation du bâti…) que des combustibles employés : pompe à chaleur, panneaux solaires ou encore développement des véhicules électriques. Pour ce dernier point, il faut cependant rappeler que l’impact environnemental de la consommation d’électricité dépend des sources d’énergie et des technologies utilisées pour la produire. Or, à moyen terme, dans un contexte de fermeture progressive des centrales nucléaires et dans l’attente de l’exploitation à grande échelle des sources d’énergie renouvelables, des centrales au gaz naturel supplémentaires devraient voir le jour, ce qui augmentera les émissions de CO2 liées à la production d’électricité.

Inventaire national versus empreinte carbone

Les données d’émissions présentées ci-avant sont issues des inventaires nationaux, basés sur le principe de territorialité. Cette méthode a plusieurs avantages, dont un accès plus aisé aux sources de données et la comparabilité entre pays. Cependant, en se limitant au territoire wallon, cette méthode ne tient pas compte des émissions liées aux importations c’est-à-dire des émissions qui se produisent à l’extérieur de la Wallonie pour satisfaire les besoins des consommateurs wallons (extraction des matières premières, transformation, production et transport). C’est pour répondre à cette limite que le concept de "l’empreinte carbone" a été développé. Orientée "consommation", elle vise à prendre en compte à la fois les émissions directes des ménages, les émissions issues de la production intérieure ainsi que les émissions associées à la production et au transport international des biens et services qui sont importés en Wallonie, déduction faite des émissions liées aux exportations. Concrètement, dans le cas d’une délocalisation d’entreprise par exemple, les inventaires d’émissions ne mettent en évidence que la baisse des émissions constatées sur le territoire wallon suite à l’arrêt de l’activité, tandis que l’empreinte carbone prendra en compte les émissions de l’entreprise délocalisée, parfois dans des régions du monde où les normes environnementales sont moins sévères, pour les biens qui continuent à être consommés en Wallonie.

Selon les données du Global carbon project, en 2018, les émissions territoriales de CO2 de la Belgique (basées sur les inventaires nationaux) s’élevaient à 8,7 tonnes de CO2 par habitant, alors que les émissions liées à la consommation des belges (basées sur le calcul de l’empreinte carbone) étaient de 15,4 tonnes de CO2 par habitant. Les émissions intégrant les importations étaient donc largement supérieures aux seules émissions territoriales. Via sa consommation, la Belgique était, à l’instar de nombreux pays industrialisés, un pays importateur net d’émissions. La Belgique figurait par ailleurs dans le trio de tête des pays européens en matière d’empreinte carbone.

Suivre l’évolution des émissions wallonnes, telles que reprises dans les inventaires nationaux, est nécessaire pour rendre compte des efforts réalisés en Wallonie en vue d’atteindre les objectifs de réduction. Cependant, le suivi d’un indicateur tel que l'empreinte carbone permet de rappeler que l’enjeu climatique est global et que l’impact des wallons sur le climat dépasse les seules émissions de gaz à effet de serre sur le territoire wallon.
 

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Polluants atmosphériques et qualité de l’air

Outre les gaz à effet de serre, une série de polluants atmosphériques font l’objet d’une attention particulière pour leurs effets sur la qualité de l’air. La pollution de l’air ambiant a des conséquences multiples qui vont de l’altération de la santé humaine (affections respiratoires et cardiovasculaires, décès prématurés…) à la dégradation des écosystèmes terrestres et aquatiques et de la biodiversité (eutrophisation, particulièrement dommageable aux milieux naturellement pauvres comme les tourbières ou les landes, présence de substances toxiques affectant la croissance ou la reproduction d’espèces végétales et animales…), en passant par l’encrassement voire la dégradation des bâtiments.

Une manière d’aborder les polluants atmosphériques est de les regrouper par "famille", en fonction de leurs caractéristiques ou impacts : les particules, l’ozone troposphérique, les substances acidifiantes et les micropolluants. Ce classement, par ordre décroissant d’impacts sur la santé humaine, permet d’offrir une vue d’ensemble par problématique, mais les effets des polluants sont multiples et complexes. Les oxydes de soufre (SOx)[3], par exemple, sont des substances acidifiantes mais peuvent aussi, par transformation dans l’atmosphère, former des particules fines secondaires. Les oxydes d’azote (NOx), qui participent eux aussi aux phénomènes d’acidification, sont également des substances eutrophisantes, des précurseurs d’ozone troposphérique et des précurseurs de particules fines.

Comme pour les gaz à effet de serre, les inventaires d’émissions quantifient les émissions wallonnes de polluants atmosphériques selon leur secteur d’origine (industrie, transport, ménages…). Ces données et leur évolution dans le temps peuvent être comparées à des objectifs. Certains polluants atmosphériques (SOx, NOx, NH3, COVNM, PM2,5) font en effet l’objet d’objectifs de réduction d’émissions aux horizons 2020 et 2030. Définis initialement au niveau européen pour chaque État membre, ils ont été répartis entre les Régions au niveau belge.

Par ailleurs, un ensemble de stations de mesure de la qualité de l’air, réparties sur le territoire wallon, permet de déterminer les concentrations en polluants dans l’air ambiant et leur évolution journalière ou horaire. Les informations, disponibles en temps réel (http://www.wallonair.be), permettent d'observer les pics de pollution ponctuels (pics d’ozone, pics de particules) pouvant entrainer le déclanchement d’alertes, de calculer des concentrations moyennes (horaires, journalières, annuelles…), interprétées par comparaison à des normes, ou encore des nombres de jours de dépassement de normes. À ce sujet, il faut distinguer, d’une part, les normes européennes pour la protection de la santé humaine et l’environnement à respecter pour certains polluants et, d’autre part, les valeurs guides de protection de la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces dernières sont souvent plus ambitieuses que les normes européennes mais les États membres n’ont pas l’obligation de les atteindre. La Wallonie ambitionne cependant de se rapprocher des valeurs guides de l’OMS, qui ont été révisées en septembre 2021[4].

La problématique des "pics" de pollution de particules ou d’ozone fait l’objet de deux plans d’actions spécifiques depuis le milieu des années 2000 afin de limiter leurs impacts sur la santé humaine. L’un vise spécifiquement les pics de particules (plutôt en hiver et au printemps), l’autre est consacré aux pics d’ozone et aux vagues de chaleur (en été essentiellement). Ces plans définissent des seuils d’actions et prévoient notamment une phase d’information, pour faire état de la situation et rappeler les recommandations, en particulier pour les publics les plus vulnérables (jeunes enfants, personnes âgées…), mais aussi des phases d’alerte. Celles-ci prévoient des actions plus restrictives, soit pour viser une diminution de la pollution (limitation de la vitesse des véhicules à 90 km/h en cas de pic de particules p. ex.), soit pour en limiter les effets sur la santé humaine (annulation d’évènements sportifs en cas de pic d’ozone p. ex.).
 

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Particules : malgré les actions entreprises, des progrès restent à faire

L'atmosphère contient des particules de taille microscopique (en anglais particulate matter, PM) qui sont en suspension dans l'air. Regroupées selon leur taille (PM10 pour les particules inférieures à 10 μm, PM2,5 pour les particules inférieures à 2,5 μm, dites "particules fines"), ces particules forment en réalité un groupe hétérogène : elles peuvent être solides ou liquides, organiques ou minérales, de composition et de toxicité très variables selon les sources d'émission et leur mode de formation. La taille est toutefois un paramètre très important : les particules les plus fines ont tendance à séjourner plus longtemps dans l'atmosphère, à parcourir une plus grande distance depuis leur source d'émission, et à pénétrer plus profondément dans l'appareil respiratoire, d'où une nocivité accrue pour la santé. Pour toutes les particules, les effets sanitaires se marquent aussi bien à court terme (irritation du nez, de la gorge et des yeux, aggravation des affections pulmonaires et cardiovasculaires…) qu’à long terme (bronchites chroniques, asthme, cancer du poumon…). En 2018, le nombre de décès prématurés dus aux PM2,5 en Wallonie était estimé à 2 113. Les particules impactent également la faune et la flore et peuvent entrainer des phénomènes de pollution diffuse des sols et des écosystèmes. Elles sont par ailleurs à l’origine du noircissement de la surface des bâtiments et monuments.

En Wallonie, la majeure partie des PM proviennent de l’activité humaine. On distingue :

  • les PM primaires, émises directement notamment par les processus de combustion (moteurs, chaudières…), d’usure (freins, pneus, revêtement des routes…) ou encore d’extraction dans les carrières. On en constate une proportion plus importante parmi les PM10 ;
  • les PM secondaires, qui se forment dans l’air à partir d’autres polluants atmosphériques, comme les SOx, les NOx ou le NH3 par exemple. Elles sont plus fréquentes parmi les PM2,5.

En 2019, les émissions wallonnes de PM10 atteignaient 10 406 tonnes, dont 63 % de PM2,5. Le secteur le plus émetteur de PM10 était le secteur de l’industrie (35 % des émissions) (carrières, cimenteries…) suivi par le secteur résidentiel (29 %) (utilisation de bois de chauffage essentiellement), le transport routier (15 %) (combustion du diesel, usure des freins, des pneus et des routes…) et l’agriculture (14 %) (manipulation de litière et de fourrages, travail du sol, récolte…). Concernant les PM2,5, les secteurs les plus émetteurs étaient les secteurs résidentiel (45 % des émissions), de l'industrie (22 %) et le transport routier (17 %). Avec 3,0 kg de PM10 dont 1,9 kg de PM2,5 émis par habitant en 2018, la Wallonie présentait des niveaux d’émissions inférieurs aux niveaux européens (UE-28 : 3,9 kg de PM10 dont 2,4 kg de PM2,5 par habitant). Avec des émissions de PM2,5 de 6 565 tonnes en 2019, la Wallonie respectait déjà les objectifs de réduction fixés pour les années 2020 et 2030. Il n’y a pas d’objectifs de réduction pour les PM10.

Entre 2000 et 2019, les émissions wallonnes de PM10 et de PM2,5 ont respectivement chuté de 63 % et 65 % avec des diminutions marquées dans le secteur de l’industrie (fermetures d’entreprises, systèmes de filtration plus performants notamment dans le cadre de permis d'environnement…), dans le secteur de l’énergie (remplacement des combustibles solides par le gaz naturel), dans le transport routier (établissement de normes EURO de plus en plus strictes pour les nouveaux véhicules) et dans le secteur résidentiel (amélioration des systèmes de chauffage au bois, compensant leur utilisation accrue).

Du point de vue de la qualité de l'air ambiant, en 2019, la Wallonie respectait les normes européennes pour la protection de la santé humaine. L’évaluation de la situa­tion est différente si on se réfère aux valeurs guides de l'OMS, plus sévères et dont la Wallonie ambitionne de se rapprocher. Au niveau des concentrations moyennes annuelles, les valeurs guides étaient dépassées pour 4 stations (sur 23) pour les PM10 et pour 7 stations pour les PM2,5. Concernant les "pics de particules", le nombre de jours de dépassement des valeurs guides journalières a été plus élevé que le nombre maximum fixé par l’OMS pour 14 stations pour les PM10 et pour l’ensemble des 23 stations pour les PM2,5. Les progrès enregistrés depuis une vingtaine d'années, en lien avec la baisse des émissions de particules observée depuis 2000, ne sont pas encore suffisants et des mesures additionnelles sont nécessaires. Le potentiel de réduction des émissions est aujourd'hui plus important pour le secteur résidentiel que pour les autres secteurs. Il s'agit en particulier de réduire les émissions domestiques liées au chauffage au bois par l'installation de systèmes plus performants et par une sensibilisation des utilisateurs (privilégier le bois sec, effectuer des entretiens réguliers de l’équipement et des cheminées…).

Outre les PM2,5, il faut noter qu’il existe des particules très fines et carbonées, appelées Black carbon ou "carbone suie". Ces particules sont des résidus de combustion liés au transport et au chauffage résidentiel au bois principalement. Leurs émissions sont également soumises à évaluation au travers des inventaires, mais elles ne font pas l’objet d’un objectif de réduction spécifique. En ce qui concerne les concentrations dans l’air ambiant, qui ne font l’objet d’aucune norme européenne ou de l’OMS, la Wallonie est en train de renforcer ses dispositifs de mesure.

Ozone troposphérique : des concentrations en augmentation liées aux vagues de chaleur

L’ozone troposphérique[5] (O3) est un polluant nocif pour la santé humaine. Lors de "pics d’ozone", il affecte surtout l’appareil respiratoire, en particulier celui des personnes les plus sensibles (enfants, personnes âgées, personnes asthmatiques…). En 2018, le nombre de décès prématurés dus à l’ozone en Wallonie était estimé à 140. L’ozone peut également nuire au développement de la végétation et peut accélérer la dégradation de certains types de matériaux (plastiques, peintures…). À de rares exceptions près, l’ozone troposphérique n’est pas émis directement dans l’atmosphère par les activités humaines. Il se forme dans l’air ambiant par temps chaud, très ensoleillé et peu venteux via une série de réactions photochimiques complexes dans lesquelles interviennent des polluants déjà présents dans l’air ambiant, appelés "précurseurs d’ozone". Ces précurseurs sont les oxydes d’azote (NOx) et des composés organiques volatils (COV : aldéhydes, benzène, terpènes, méthane…).

En 2019, les émissions atmosphériques de NOx et de COV non méthaniques (COVNM)[6] issues des activités humaines s’élevaient respectivement à 64 878 tonnes équivalent-NO2 et 38 434 tonnes équivalent-COV en Wallonie[7]. Les NOx, principalement émis lors de processus de combustion, étaient issus du transport routier (42 %) et du secteur de l’industrie (28 %) (cimenteries, verreries, chimie…). Les COVNM étaient quant à eux principalement émis par l’utilisation de solvants (31 %) (peintures, colles, dégraissants…) et les activités agricoles (31 %) (effluents d'élevage). En 2018, avec 18,3 kg équivalent-NO2 émis par habitant, la Wallonie se situait au-dessus de la moyenne européenne (UE-28 : 14,2 kg équivalent-NO2 par habitant) tandis qu’avec 10,7 kg équivalent‑COV par habitant, les émissions wallonnes étaient inférieures à la moyenne européenne (UE-28 : 13,7 kg équivalent-COV par habitant).

En ce qui concerne les objectifs de réduction d’émissions, la Wallonie respectait déjà en 2019 les objectifs définis pour 2020 et 2030 pour les émissions de COVNM. Pour les émissions de NOx, la Wallonie respectait aussi l’objectif de 2020 mais des efforts supplémentaires restent à faire pour atteindre l’objectif de 2030. La baisse des émissions à réaliser à cet horizon est estimée à - 13 % par rapport au niveau de 2019.

Entre 1990 et 2019, les émissions wallonnes de précurseurs d’ozone ont diminué de plus de 60 %. Les émissions de NOx ont diminué de 61 %, notamment grâce à des baisses importantes dans le transport routier (- 64 %) et les secteurs de l’industrie (- 66 %) et de l’énergie (- 83 %). Elles sont consécutives à la généralisation d’avancées technologiques (pots catalytiques, chaudières plus performantes, centrales électriques à turbines gaz-vapeur…) et, également pour le secteur de l’industrie, à des modifications de procédés (chimie et cimenterie notamment). Les émissions de COVNM ont quant à elles chuté de 63 % grâce notamment à l’installation de pots catalytiques sur les véhicules, à l’utilisation de systèmes de récupération de vapeurs d’essence lors de la manutention de carburants dans les stations-service, à l'emploi de produits à faible teneur en solvants et à l’application de nouvelles conditions d’exploiter dans certains secteurs (imprimerie, nettoyage à sec…).

Concernant la qualité de l’air ambiant, il faut rappeler que l’été 2019 a été particulièrement chaud et ensoleillé (trois vagues de chaleur), des conditions qui favorisent la pollution par l’ozone. La norme européenne pour la protection de la santé humaine relative aux pics d’ozone a été respectée pour toutes les stations de mesure (maximum 25 jours de dépassement de la valeur cible en moyenne sur 3 ans), une conformité qui s’observe depuis 2007. Cependant, l’objectif à long terme qui préconise zéro dépassement n’était respecté pour aucune station. L’échéance de cet objectif est toutefois non définie à ce jour. Toujours pour 2019, le seuil d’information, dont le dépassement fait l’objet d’une communication au public, aux acteurs de la santé et aux médias, a été franchi 9 jours pour au moins une station du territoire belge dont 5 jours pour au moins une des stations de mesure wallonnes. Le seuil d’alerte, c'est-à-dire le niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine, n’a jamais été atteint en Wallonie.

L’ozone troposphérique fait également l’objet de normes européennes spécifiques pour la protection de la végétation. En 2019, la valeur cible était respectée pour toutes les stations wallonnes. Par contre, l’objectif à long terme, plus restrictif, n’était rencontré pour aucune station. L’échéance de cet objectif n’est cependant pas définie à ce jour.

Ces résultats, plutôt favorables pour une année chaude et ensoleillée, ont sans doute été obtenus grâce aux baisses des émissions de précurseurs d’ozone enregistrées ces dernières années. La pollution par l’ozone reste cependant une problématique bien présente en Wallonie, d’une part parce que les changements climatiques accentuent les conditions favorables aux pics d’ozone (notamment les vagues de chaleur) et, d’autre part, parce que les niveaux de concentration actuels continuent à générer des effets sur la santé humaine et l’environnement. L’OMS préconise d’ailleurs une valeur guide inférieure aux normes européennes, sans aucun jour de dépassement. Or, en 2019, toutes les stations wallonnes montraient plusieurs jours de dépassement de cette valeur guide. Des efforts doivent donc encore être réalisés pour baisser les émissions de NOx et de COV, d’autant plus que ces polluants interviennent dans la formation de particules fines. Pour les NOx, le potentiel de réduction concerne surtout le transport, les bâtiments et l’énergie, les industries ayant déjà fortement diminué leurs émissions. Les mesures envisagées concernent notamment des changements dans les sources d’énergie utilisées et l’augmentation de la part des véhicules électriques dans le parc automobile. Pour les COV, les mesures principales visent le renforcement des exigences pour les entreprises via le permis d’environnement et une sensibilisation des utilisateurs de solvants pour qu’ils réduisent leur consommation.

Substances acidifiantes : des émissions en nette diminution

Au cours de leur transport dans l’atmosphère, certains polluants atmosphériques peuvent se transformer en composés acides ou potentiellement acidifiants. C’est le cas essentiellement de l’ammoniac (NH3), des oxydes d’azote (NOx) et des oxydes de soufre (SOx). Les retombées atmosphériques de ces substances acidifiantes, mieux connues sous le nom de "pluies acides" (qui en réalité peuvent se produire aussi sous forme de dépôts secs), sont susceptibles d’acidifier les sols et les eaux de surface, d’endommager les végétaux ou de perturber leur croissance et de dégrader le patrimoine architectural. Encore problématiques dans les années '90, les dépôts acides n’affectent plus les écosystèmes en Wallonie. Cependant, les émissions de NH3, de NOx et de SOx continuent de faire l’objet d’une attention particulière, notamment pour les autres effets que ces polluants peuvent avoir sur l’environnement ou la santé humaine :

  • les polluants azotés (NOx et NH3) peuvent entrainer l'eutrophisation de certains milieux, particulièrement dommageable lorsqu'il s'agit de milieux naturellement pauvres qui abritent pour cette raison une faune et une flore spécifiques (landes, tourbières…). En 2015, 95 % des milieux ouverts semi-naturels, naturellement pauvres, étaient encore impactés par un excès de retombées azotées ;
  • les polluants acidifiants peuvent entrainer des irritations et inflammations des yeux, des muqueuses et du système respiratoire pouvant contribuer à des pathologies plus lourdes ou les aggraver. En 2018, le nombre de décès prématurés dus au NO2 en Wallonie était estimé à 732 ;
  • le NH3, les NOx et les SOx sont par ailleurs des précurseurs de particules fines.

Les émissions d’ammoniac (NH3) sont majoritairement associées à des pratiques agricoles (volatilisation à partir des déjections animales, de leur stockage et de leur épandage comme engrais de ferme, ou à partir d’engrais minéraux azotés dans une moindre mesure). Les oxydes d’azote (NOx), déjà évoqués en tant que précurseurs d’ozone, sont quant à eux émis lors de processus de combustion. Finalement, les oxydes de soufre (SOx) sont émis lors de la combustion de combustibles soufrés (charbon, pétrole…) mais aussi par certains procédés de l’industrie chimique.

En 2019, les émissions totales wallonnes de polluants acidifiants s’élevaient à 3 071 tonnes équivalent acide et étaient principalement composées de NH3 (48 %) et de NOx (46 %). Les principaux secteurs émetteurs étaient l’agriculture (50 %), le transport routier (20 %) et l’industrie (20 %). Avec 0,86 kg équivalent acide émis par habitant en 2018, la Wallonie se situait légèrement en dessous de la moyenne européenne (UE-28 : 0,88 kg équivalent acide par habitant).

En ce qui concerne les objectifs de réduction d’émissions, la Wallonie respectait déjà en 2019 les objectifs définis pour 2020 et 2030 pour les émissions de SOx et de NH3. Les émissions de NOx de 2019 respectaient elles aussi l’objectif de réduction défini pour 2020 mais pas celui défini pour 2030 comme déjà évoqué plus haut. Le NH3 étant précurseur de particules fines, la réduction de ses émissions a également pour but de réduire les concentrations de PM2,5. Plusieurs mesures spécifiques envisagées dans le Plan air climat énergie à l’horizon 2030 visent donc à réduire les émissions de NH3 dans le secteur de l’agriculture. Elles consistent notamment à substituer des formes d’engrais minéraux les plus émissives (urée et solution azotée) par des formes moins émissives (ammonitrates), à limiter les quantités apportées de fertilisants azotés, à assurer un enfouissement rapide des effluents d’élevage dans les sols voire à y injecter le lisier, à développer des bâtiments d’élevage "basses émissions" (filtration ou lavage d’air) ou encore à limiter l’épandage de fertilisants azotés en cas de pic printanier de pollution par les particules.

Les émissions atmosphériques de polluants acidifiants ont diminué de 66 % entre 1990 et 2019. Les émissions de NOx et de SOx ont connu des baisses particulièrement importantes (respectivement - 61 % et - 94 %), notamment grâce des avancées technologiques (pots catalytiques, chaudières plus performantes…) et, plus spécifiquement pour les SOx, grâce à l’utilisation beaucoup moins fréquente du charbon et du fuel lourd et l’abaissement de la teneur en soufre dans le diesel et le mazout. La diminution des émissions de NH3, plus modérée (- 25 %), s’explique quant à elle essentiellement par la diminution de la taille du cheptel bovin (en particulier depuis le début des années 2000) et la réduction des quantités appliquées de fertilisants azotés (cependant assez stables depuis 2005).

Du point de vue de la qualité de l’air ambiant, pour les oxydes d’azote, les normes européennes pour la protection de la santé humaine (NO2) et pour la protection de la végétation (NOx) de même que les valeurs guides de l’OMS étaient respectées en 2019. Ceci était déjà le cas les années précédentes. En ce qui concerne le SO2, les normes européennes pour la protection de la santé humaine et pour la protection de la végétation étaient également respectées depuis une vingtaine d’années. La valeur guide de l’OMS, plus stricte, a quant à elle été respectée plusieurs fois ces dernières années (2016, 2018, 2019). Quant au NH3, les concentrations dans l’air ambiant ne sont actuellement pas mesurées en Wallonie. Il n’existe pas de normes européennes ou de valeurs guides émanant de l’OMS. Toutefois, la Wallonie s’est équipée de 3 moniteurs dans le cadre de la directive européenne règlementant les émissions de polluants atmosphériques.

Micropolluants : forte baisse des émissions mais seules certaines substances sont suivies

Certaines substances, regroupées sous le terme de micropolluants, peuvent, même à très faible concentration dans l’air ambiant (de l’ordre du microgramme ou du nanogramme par m3), induire des effets indésirables sur les organismes vivants et donc représenter un risque pour la santé humaine et l’environnement. Ces micropolluants comprennent essentiellement des éléments traces métalliques (ETM) et des composés organiques (benzène, dioxines et furanes, hydrocarbures aromatiques polycycliques ou HAP…). Leur toxicité est renforcée par leur capacité à s’accumuler dans différents milieux (eaux, sols…) et dans les organismes vivants (bioaccumulation). Les concentrations en micropolluants peuvent ainsi augmenter au long de la chaine alimentaire (biomagnification). Même à très faible dose, les micropolluants peuvent agir sur les organismes par des mécanismes d’actions parfois encore mal connus et être à la source de cancers ou de perturbations du système endocrinien entre autres. Seuls certains d’entre eux font l’objet d’un suivi et de normes de concentration dans l’air.

En 2019, les émissions atmosphériques d’ETM faisant l'objet d'un suivi (arsenic, cadmium, chrome, cuivre, mercure, nickel, plomb, sélénium et zinc) représentaient 51 tonnes, dont 43 % étaient issus de l’industrie, 29 % du résidentiel et 19 % du transport routier. Les émissions de dioxines et furanes représentaient 10,1 g I-TEQ[8] dont 38 % étaient liés à la gestion des déchets, 27 % au résidentiel et 14 % à l’énergie. Les émissions de HAP représentaient quant à elles 2,3 tonnes dont 60 % étaient issus du résidentiel, 17 % de l’industrie et 11 % du transport routier.

L’ensemble des émissions des micropolluants suivis en Wallonie étaient en baisse entre 1990 et 2019 : - 79 % pour les ETM, - 89 % pour les dioxines et furanes et - 94 % pour les HAP.

En ce qui concerne la qualité de l’air ambiant, seuls certains micropolluants font l’objet de valeurs de référence à ne pas dépasser (valeurs guides de l'OMS, valeurs cibles/limites de directives européennes, ou critères de qualité calculés par l'AwAC), établies sur base du risque que ces polluants représentent pour la santé. En 2019, aucun problème n'était relevé pour le plomb, le cadmium et l'arsenic. Par contre, des dépassements des valeurs de référence ont été observés pour le nickel (stations à caractère urbain de Charleroi et de Lodelinsart, station à caractère industriel de Ath), le benzène (l'ensemble des 7 stations à caractère urbain où le benzène est suivi) et les HAP (4 stations à caractère urbain sur 5 où les HAP sont suivis). Actuellement, les dioxines et furanes ne font pas partie des paramètres de la qualité de l’air surveillés en permanence. Il faut noter que pour les substances cancérigènes régulièrement suivies en Wallonie comme l’arsenic, le nickel, le benzène ou les HAP, aucune concentration limite dans l’air ne garantirait l’absence de risque de cancer (substances sans seuil d’effet). Pour ces substances, l’OMS préconise des valeurs guides nulles, soit un critère plus strict que les valeurs cibles/limites des directives européennes et les critères de qualité de l’AwAC, fondés sur un niveau de risque acceptable.
 

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De grands changements sont encore nécessaires pour répondre aux enjeux climatiques et de qualité de l’air

À plusieurs égards les évolutions constatées en Wallonie ces dernières années sont positives. De nombreuses améliorations ont en effet été enregistrées, tant en termes de niveaux d’émissions vu les baisses importantes par rapport à 1990, que de qualité de l’air puisque les concentrations enregistrées aux stations de mesure (pour les substances suivies) ont rarement dépassé les seuils règlementaires européens ces dernières années. Ces évolutions positives sont à souligner mais doivent être tempérées. L’ampleur de la baisse des niveaux d’émissions s’explique principalement par des facteurs qui interviendront moins dans les années à venir : réductions d’activités et fermetures d’entreprises dans le secteur de l’industrie lourde ainsi que certaines mesures dont le potentiel est déjà réalisé (abandon du charbon, récupération et valorisation du biogaz dans les centres d’enfouissement technique…). Or la Wallonie ambitionne d’être neutre en carbone à l’horizon 2050 et devra donc encore réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. Cet objectif nécessite des changements importants et systémiques : forte baisse des consommations de combustibles fossiles dans les logements et les transports, accélération des travaux d’isolation des bâtiments, utilisation des modes de transport actifs (marche, vélo) et des transports en commun, développement des énergies renouvelables et d’infrastructures adéquates pour leur transport et leur stockage… Au niveau de la qualité de l’air ambiant, la Wallonie respecte la plupart des normes des directives européennes. Or elle ambitionne de tendre vers les valeurs guides de l’OMS, généralement plus strictes, car les niveaux actuels sont jugés insuffisants pour protéger suffisamment la santé.

Les mesures envisagées au niveau wallon pour répondre à ces défis sont en grande partie reprises dans le Plan air climat énergie à l’horizon 2030, actuellement en cours d’élaboration. Une vision intégrée des thématiques énergétiques, climatiques et de qualité de l’air est en effet nécessaire tant les interactions sont nombreuses et les effets de certaines mesures potentiellement contradictoires. À titre d’exemple, l’utilisation du bois, de pellets et autre biomasse est encouragée car elle participe au développement des énergies renouvelables mais leur combustion entraine des émissions de polluants atmosphériques, en particulier de particules.

De nombreuses mesures envisagées dans le Plan air climat énergie à l’horizon 2030 visent à maitriser les quantités d’énergies consommées et à choisir des sources d’énergie moins émettrices de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. En effet, une grande partie des émissions wallonnes proviennent des processus de combustion, et donc de la consommation d’énergie des différents secteurs d’activités (industries, transports, agriculture, logements, tertiaire…). C’est ce qui explique par exemple que la baisse importante de consommation de charbon en Wallonie depuis les années 1990 a eu des impacts positifs sur les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi d’oxydes de soufre ou de particules.

Comme évoqué précédemment, la consommation d’énergie par le secteur des transports (de marchandises et de personnes) représente un enjeu majeur puisque les besoins en déplacement sont en augmentation ces dernières années (loisirs, e-commerce…) et que les transports routiers sont encore très dépendants des produits pétroliers. Les mesures visant les transports ont pour objectifs, entre autres, un transfert modal important vers des modes de transport neutres ou moins dommageables pour l’environnement, une maitrise de la demande, notamment via l’aménagement du territoire (en évitant l’étalement urbain), ou l’amélioration des performances environnementales des véhicules avec le développement de nouvelles technologies (électrique, à hydrogène…). Les ménages, entreprises et collectivités sont également concernés par des mesures visant leur besoin de chaleur (chauffage des bâtiments notamment). La rénovation du bâti ancien et le renforcement progressif des normes pour la construction de bâtiments neufs est un des axes majeurs de la politique de réduction des émissions des bâtiments, qu’ils soient du secteur résidentiel ou du secteur tertiaire (entreprises, commerces...). La bonne utilisation de la biomasse (bois, pellets) est un autre axe évoqué précédemment. Au niveau de l’industrie, certains outils visent plus spécifiquement une baisse des émissions de gaz à effet de serre, notamment les accords de branche (partenariats volontaires conclus entre la Wallonie et différentes fédérations du secteur industriel en vue de meilleures performances énergétiques et d'une baisse des émissions de CO2) et le marché du carbone européen. Ce dernier garantit une baisse des émissions totales des entreprises concernées en fixant un plafond d’émissions global qui diminue progressivement au cours du temps. Des quotas d’émissions sont alloués aux entreprises, qui peuvent se les échanger contre rémunération en fonction de leur capacité à réduire leurs émissions mais sans modifier le plafond global fixé au niveau européen.

À côté des processus de combustion, certains procédés ou pratiques sont sources d’émissions de polluants atmosphériques et sont spécifiquement visés par des mesures envisagées dans le Plan air climat énergie à l’horizon 2030. Il s’agit notamment de réduire les émissions liées à l’élevage et à la fertilisation azotée, de renforcer les normes d’émissions de solvants et de sensibiliser le grand public à la bonne utilisation des solvants domestiques ou encore d’équiper les véhicules de système de récupération des particules liées au freinage.
 


[1] Ces processus sont encore en cours de développement et très peu mis en œuvre à une échelle industrielle.

[2] Les données étant disponibles avec deux ans de décalage, l’atteinte des objectifs ne pourra être évaluée qu’en 2022.

[3] Le "x" associé aux SOₓ et NOₓ signifie que l’on considère simultanément les différentes formules chimiques de cet oxyde, par exemple NO et NO₂ pour les NOₓ.

[4] Dans le cadre de cette publication, les concentrations sont comparées aux valeurs guides de l’OMS de 2005.

[5] Ozone présent dans la troposphère, couche la plus basse de l'atmosphère. À ne pas confondre avec l'ozone stratosphérique, dont la présence assure une protection contre les UV solaires.

[6] Le méthane est un composé organique volatil et, à ce titre, est un précurseur d’ozone, mais ses émissions sont reprises uniquement dans les inventaires de gaz à effet de serre. Seules sont considérées ici les émissions de COV non méthaniques.

[7] À noter qu'environ 45 % de l'ensemble des émissions wallonnes de COVNM sont naturellement produites par la végétation (terpènes), notamment les forêts, par temps chaud et ensoleillé, et expliquent en partie les pics d'ozone parfois observés à la campagne.

[8] I-TEQ : international toxic equivalent quantity. Somme des quantités des 17 congénères de dioxines et furanes toxiques pondérées par leur facteur d'équivalence de toxicité (TEF). La tetrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD) est considérée comme la plus toxique et son TEF est égal à 1.

 

Sources

CELINE ; Eurostat ; IRM ; ISSeP ; SPW - AwAC ; Statbel (SPF Économie - DG Statistique)
 

Remerciements

Benoît DE BAST (SPW - AwAC) ; André GUNS (SPW - AwAC) ; Isabelle HIGUET (SPW - AwAC) ; Michèle LOUTSCH (SPW - AwAC) ; Paul PETIT (ISSeP) ; Christian TRICOT (IRM)