Les apports d'azote aux sols favorisent la production végétale et améliorent la qualité des cultures. En cas d'excès par rapport aux besoins des plantes, l'azote sous forme de nitrate, très mobile, est entrainé par les eaux pluviales vers les masses d'eau de surface et souterraines. Il risque alors de dégrader leur qualité (eutrophisation des eaux de surface q, dépassement des normes de potabilité pour le nitrate dans les eaux souterraines q).

Bilan d’azote des sols agricoles : des pertes à minimiser

Le bilan d'azote (N) en agriculture vise à estimer les entrées et les sorties cumulées d'azote pour les sols agricoles. L'importance relative des différents éléments de ce bilan a été modélisée à l'échelle de la Wallonie à l’aide du modèle EPICgrid[1]. En entrée, les apports d'azote par les engrais minéraux et organiques dominent (81 % des entrées sur la période 2016 - 2020). Ils sont suivis par l'enrichissement du sol par fixation symbiotique (légumineuses) (10 %) et les apports des dépôts atmosphériques (9 %). En sortie, les exportations d'azote par les cultures sont majoritaires (81 % des sorties sur la période 2016 - 2020). Elles sont suivies par les pertes par volatilisation (10 %), les pertes par ruissellement et par flux hypodermiques[2] lents vers les eaux de surface (5 %) et les pertes par lixiviation[3] vers les eaux souterraines (3 %). D'un point de vue environnemental, ces pertes doivent être minimisées à l'échelle de la parcelle grâce à l'application de bonnes pratiques agricoles, en particulier celles prévues par le Programme de gestion durable de l'azote en agriculture (PGDA)[4], transposition de la directive "Nitrate" 91/676/CEE q. À l'échelle régionale, ces pertes ont tendance à baisser en valeur absolue depuis la fin des années '90, en réponse à la baisse des entrées.

Bilan d'azote des sols agricoles en Wallonie

* Écoulements dans les horizons superficiels de sols

** Entraînement sous forme dissoute par les eaux de percolation vers les horizons de sol plus profonds


Flux d'azote vers les eaux en hausse : un impact des sécheresses saisonnières

Les flux modélisés d'azote des sols agricoles vers les eaux de surface ont diminué de 38 % entre les périodes 1991 - 1995 et 2011 - 2015, tandis que les flux vers les eaux souterraines ont baissé de 28 % sur le même intervalle. Ces flux ont ensuite augmenté respectivement de + 12 % et + 4 % lors de la période 2016 - 2020. Cette évolution peut s'expliquer par :

  • une réduction de la consommation d'engrais azotés minéraux (- 26 % sur la période 1995 - 2020), essentiellement en raison d'une hausse de leur prix q ;
  • une réduction de la consommation d'engrais organiques sous forme d'effluents d'élevage (- 18 % sur la période 1995 - 2020), essentiellement en raison de la diminution du cheptel bovin et de l'application du PGDA q ;
  • une fréquence accrue de sécheresses saisonnières au cours de la période 2016 - 2020, entrainant une augmentation des stocks d'azote facilement mobilisables dans les sols dès le retour des pluies[5].

Flux d'azote (N) des sols agricoles vers les eaux de surface et les eaux souterraines en Wallonie

* Écoulements dans les horizons superficiels de sols

** Entraînement sous forme dissoute par les eaux de percolation vers les horizons de sol plus profonds


Teneurs élevées dans les eaux de percolation sous cultures

Les teneurs modélisées en nitrate (NO3-) dans les eaux qui percolent sous la zone racinaire sont élevées là où les sols sont principalement occupés par des cultures arables. Sur la période 2017 - 2021, elles dépassaient le critère de pollution des eaux par le nitrate (50 mg/l) q sur 11 % du territoire, dans des zones plus ou moins étendues de la Région limoneuse, de la Région sablo-limoneuse, de la Région herbagère et de la Région jurassique q. Elles étaient élevées (comprises entre 25 et 50 mg/l) ailleurs en Région limoneuse et plus localement sur une partie de la Région sablo-limoneuse, de la Région herbagère, du Condroz et de la Fagne. Au sud-est du Condroz, où les pressions agricoles sont faibles, ces teneurs restaient majoritairement inférieures à 10 mg/l. En zones vulnérables[6], les teneurs modélisées en nitrate dans les eaux de percolation dépassaient le critère de pollution par le nitrate (50 mg/l) sur 19 % de la superficie de ces zones.

Concentration en nitrate (NO₃⁻) dans les eaux de percolation en Wallonie (2017 - 2021)

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* Modèle EPICgrid(a) (SPW ARNE - DEE) - Maille de 1 km²

** Zones dont les sols sont susceptibles d’alimenter en azote des masses d'eau déjà impactées (dépassement ou risque de dépassement du seuil de 50 mg/l en eaux de surface ou souterraines, eutrophisation ou risque d’eutrophisation en eaux de surface). Des mesures particulières (contrôle de l’azote potentiellement lessivable p. ex.) s'y appliquent dans le cadre du PGDA q.


Des résultats de terrain complètent les données modélisées

Les mesures de l'azote potentiellement lessivable (APL) dans les sols agricoles, obligatoires en zones vulnérables pour le contrôle du respect du PGDA, permettent d'évaluer les quantités de NO3- susceptibles d'être entrainées hors de la zone racinaire pendant l'hiver. Des études ont montré qu'elles sont un bon estimateur des concentrations en NO3- dans les eaux de percolation(b). Les valeurs d'APL varient :

  • selon la couverture du sol : en moyenne sur la période 2008 - 2021, les prairies (15 kg N-NO3-/ha), les cultures de betteraves (30 kg N-NO3-/ha) et de céréales suivies d'une culture de printemps (avec ou sans CIPAN[7]) (44 kg N-NO3-/ha) présentaient les valeurs d’APL les plus faibles tandis que celles de maïs (81 kg N-NO3-/ha), de légumes (91 kg N-NO3-/ha) et de pommes de terre (103 kg N-NO3-/ha) présentaient les valeurs les plus élevées ;
  • selon le degré de mise en œuvre des bonnes pratiques agricoles prévues par le PGDA : sur la période 2008 - 2021, le taux de conformité pour l'APL[8] des fermes de référence[9], spécialement encadrées dans la mise en œuvre de ces bonnes pratiques, atteignait 100 % tandis que celui des autres exploitations contrôlées atteignait 73 à 89 % selon les années ;
  • selon les conditions climatiques : les sécheresses saisonnières des années 2017 à 2020 ont entrainé une hausse des valeurs moyennes d'APL pour plusieurs classes de cultures[5], tandis que les pluies exceptionnelles de l'été 2021 ont entrainé leur baisse (azote en grande partie lixivié au moment de la mesure de l'APL en automne).

Azote potentiellement lessivable (APL) contrôlé en zones vulnérables en Wallonie. Valeurs moyennes par classes de culture

* Données provisoires

** Le sol est laissé nu ou couvert d'une culture intermédiaire piège à nitrate (CIPAN) entre la culture de céréales et la culture implantée au printemps de l'année suivante.

*** Culture implantée en automne (froment d’hiver, orge d’hiver, colza d’hiver...), après la culture de céréales


Des mesures pour réduire les flux d'azote vers les eaux

En plus du PGDA, d’autres démarches contribuent à réduire les flux d'azote des sols agricoles vers les eaux de surface et souterraines. Il s'agit notamment de certaines mesures des Plans de gestion des districts hydrographiques (PGDH)[10], de règles en matière de conditionnalité des aides agricoles et de certaines méthodes agro-environnementales et climatiques ("Tournière enherbée", "Bande aménagée", "Parcelle aménagée"…) q [11].

À noter que les effets des sécheresses saisonnières, qui jouent un rôle important dans la hausse des flux d'azote vers les eaux souterraines ces dernières années, sont difficiles à maîtriser. La survenue d'une éventuelle période de sécheresse n'est pas connue au moment d'établir le bilan prévisionnel entre les besoins en azote des plantes et les fournitures en azote du sol, sur base duquel sont estimées les doses de fertilisant à épandre. Ces dernières sont surestimées en cas de sécheresse diminuant l’exportation d’azote par les cultures.
 


[1] Modèle hydrologique de bassin versant intégrant de nombreux paramètres (précipitations, températures, types et occupations des sols, croissance végétale, pratiques agricoles…)(a)

[2] Écoulements dans les horizons superficiels de sols

[3] Entraînement sous forme dissoute par les eaux de percolation vers les horizons de sol plus profonds

[4] Voir le PGDA q et la fiche d'indicateurs qui y est consacrée q

[5] En cas de sécheresses saisonnières, les plantes prélèvent moins d'azote dans les sols (maturité précoce, stress hydrique). Cet azote non consommé par les plantes est mobilisé par les eaux de ruissellement et de percolation au retour des pluies. Il s'y ajoute l'azote produit par le pic de minéralisation de la matière organique que ce retour des pluies provoque (boom d'activité microbiologique).

[6] Zones dont les sols sont susceptibles d’alimenter en azote des masses d'eau déjà impactées (dépassement ou risque de dépassement du seuil de 50 mg/l en eaux de surface ou souterraines, eutrophisation ou risque d'eutrophisation en eaux de surfaces). Des mesures particulières (contrôle de l’azote potentiellement lessivable p. ex.) s'y appliquent dans le cadre du PGDA q.

[7] Cultures intermédiaires pièges à nitrate. Semée fin août (le 15/09 au plus tard), après la récolte principale, la CIPAN (moutarde, phacélie, avoine, ray-grass, seigle… en mélange ou non avec des légumineuses) permet d'absorber le nitrate présent dans le sol et d'éviter les pertes par lixiviation durant l'automne/hiver. Le nitrate et les autres éléments prélevés par la CIPAN, lentement restitués au sol après sa destruction (par le gel, par broyage, labour... à partir du 15/11), sont disponibles pour la culture semée au printemps.

[8] Pour plus d'information sur les critères de conformité pour l'APL, voir la fiche d'indicateurs "Programme de gestion durable de l'azote en agriculture" q

[9] Les fermes de référence pour l'établissement des limites de tolérance annuelles pour l'APL sont suivies par les membres scientifiques (ULiège - GxABT et UCLouvain - ELIA) de PROTECT'eau, structure d'encadrement de la gestion durable de l'azote en agriculture et de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques en Wallonie q. Ces fermes ne sont pas connues de la Direction du contrôle agricole de l'Organisme payeur du SPW ARNE, qui assure le contrôle des exploitations situées en zones vulnérables. Elles sont par conséquent contrôlées aléatoirement au même titre que les autres exploitations agricoles, le plus souvent sur d'autres parcelles que celles choisies comme référence par PROTECT'eau.

[10] Voir les PGDH 2016 - 2021 q et la fiche d'indicateurs qui y est consacrée q. À côté des mesures du PGDA, reprises dans les PGDH, parmi les mesures visant spécifiquement la diminution des flux d'azote figurent p. ex. la réalisation d'une étude sur l'adaptation des rations alimentaires des bovins et la mise en place de zones humides "multifonctions" en particulier pour la régulation des pollutions diffuses.

[11] Pour la conditionnalité, il s'agit essentiellement du respect des dispositions du PGDA, du respect de bandes tampons de 6 m le long des cours d'eau et de mesures de lutte contre l'érosion q. De nouvelles mesures (conditionnalité, éco-régimes, MAEC) renforceront le dispositif lors de l'entrée en vigueur du Plan stratégique wallon relatif à la PAC 2023 - 2027 q au 01/01/2023.

Évaluation

c276b32f-0e48-4d19-8936-2f69ee3759f5 Évaluation de l'état non réalisable et tendance indéterminée

Évaluation non réalisable
  • Pas de référentiel
  • Bien qu’il n’existe pas de valeur de référence au sens strict pour les flux d'azote des sols vers les masses d’eau, l’intensité de ces flux affecte l’état des eaux (eutrophisation q, azote ammoniacal et nitrate q), lui-même jugé légèrement défavorable. Les eaux de percolation présentent des concentrations en nitrate supérieures au seuil de 50 mg/l sur près de 11 % du territoire wallon.
Indéterminée

Les flux modélisés d'azote des sols agricoles vers les eaux de surface ont diminué de 38 % entre les périodes 1991 - 1995 et 2011 - 2015, tandis que les flux vers les eaux souterraines ont baissé de 28 % sur le même intervalle. Ces flux ont ensuite augmenté respectivement de + 12 % et + 4 % lors de la période 2016 - 2020 (effet des sécheresses saisonnières).