Le biomonitoring humain (BMH) consiste à mesurer via des analyses (sang, urine…) la présence dans le corps de substances préoccupantes pour la santé humaine. Il permet d’obtenir une estimation de l’exposition interne globale des personnes à diverses substances présentes dans l'environnement, toutes sources et voies d’exposition confondues. BMH-Wal est le 1er programme de biomonitoring visant à établir des valeurs de référence à l'échelle de la Wallonie.

De l'environnement à l'organisme

Un certain nombre de polluants et de substances chimiques présents dans l’environnement, y compris dans des biens de consommation courante (mobilier, objets et produits domestiques, cosmétiques…), peuvent se retrouver dans l'organisme après inhalation (air intérieur, air extérieur), ingestion (aliments, boissons, jouets portés à la bouche, particules de sol et poussières…) ou contact avec la peau. Ils peuvent ensuite s'y accumuler, être transformés (métabolites) ou éliminés. Les effets éventuels sur la santé, encore mal connus pour de nombreuses substances, dépendent de divers facteurs : propriétés physico-chimiques et toxicité des substances ainsi que de leurs métabolites (seuls et en mélanges), effet "cocktail", caractéristiques des personnes exposées (âge au moment de l'exposition, sexe, état de santé p. ex.), doses, temps d'exposition…

Établir des valeurs de référence pour pouvoir agir

Disposer de valeurs de référence, qui renseignent sur le niveau d’imprégnation d’une population à une substance chimique à un moment donné, permet un suivi de l'exposition dans le temps et l'identification éventuelle de points noirs environnementaux (entrainant une surexposition) ou de populations vulnérables. Un tel état des lieux peut soutenir le développement de politiques visant à réduire l'exposition aux substances préoccupantes, comme le recommandent l'OMS (Déclaration d'Ostrava q) et l'UE (Stratégie de l'Union européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques q). Le projet PARC 2021 - 2027 (Partenariat européen pour l'évaluation des risques liés aux substances chimiques q), auquel participent 28 pays dont la Belgique, devrait contribuer à soutenir la stratégie européenne, notamment par la poursuite de travaux en matière de biomonitoring[1].

Une première phase consacrée aux nouveau-nés, aux adolescents et aux moins de 40 ans

Le programme BMH-Wal est la concrétisation d'une des actions du Plan wallon environnement - santé 2019 - 2023, dit Plan ENVIeS q. La première phase de ce programme[2], menée en 2019 - 2020, visait les nouveau-nés (sang de cordon ombilical), les adolescents de 12 à 19 ans (urine, sang) et les adultes de 20 à 39 ans (urine, sang). La population participante comptait 828 personnes (284 nouveau-nés, 283 adolescents et 261 adultes) issues des 5 provinces de Wallonie. Parmi les substances recherchées dans l'urine et/ou le sang se trouvaient des métaux (plomb, cadmium, mercure, arsenic, chrome, sélénium, zinc et cuivre), des insecticides (pyréthrinoïdes, organophosphorés, organochlorés), un herbicide (glyphosate et métabolite AMPA), des plastifiants perturbateurs endocriniens (bisphénols), des métabolites d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), et des polychlorobiphényles (PCB). Certaines de ces substances sont interdites mais restent présentes dans l'environnement en raison de leur stabilité et de leur faible biodégradabilité (PCB et organochlorés p. ex.).

Des niveaux d'imprégnation globalement comparables à ceux d'autres pays européens

Cette première phase a permis d'établir des valeurs de référence[3] pour une trentaine de substances. Elle a montré que les niveaux d’imprégnation mesurés en Wallonie sont globalement du même ordre de grandeur que ceux retrouvés dans d’autres pays européens. Ils se caractérisent notamment par la présence importante de métaux (plomb, mercure, cadmium, arsenic) et de pesticides au sein de l'échantillon.

De nouvelles classes d'âge et de nouvelles substances pour les phases ultérieures

Pour la phase 2 (2020 - 2022), de nouvelles classes d’âge sont investiguées (enfants de 3 à 5 ans et de 6 à 11 ans) pour les mêmes substances que celles étudiées en phase 1. La phase 2 comprend également :

  • l'analyse de substances complémentaires dans les échantillons de la phase 1 conservés en biobanque ;
  • l'analyse statistique des nombreuses données collectées auprès des participants (auto-questionnaires) en vue de rechercher notamment l’influence de facteurs socioéconomiques, du type d’environnement (urbain, agricole, rural) ou des comportements individuels.
     

Programme BMH-Wal - Phase 1 : principales conclusions par familles de substances

Plomb

 

  • Le plomb a été retrouvé chez 100 % des participants, en concentrations supérieures chez les hommes par rapport aux femmes, chez les adultes par rapport aux adolescents et chez les adolescents par rapport aux nouveau-nés.
  • Les concentrations étaient supérieures en cas de tabagisme et de consommation d'alcool.
  • Selon l'OMS, il n'existe pas de seuil sous lequel le plomb n'aurait pas d'effets nocifs sur la santé. Les seuils de risque sanitaire définis par d'autres institutions* étaient dépassés pour 12,4 % des nouveau-nés, 2,5 % des adolescents et 9,7 % des adultes.
  • Les concentrations étaient plus faibles que celles rapportées dans des études européennes antérieures, suggérant une diminution au cours du temps.
Autres métaux toxiques

 

  • Le mercure, le cadmium et l'arsenic ont été retrouvés chez 96 %, 88 % et 99 % des adolescents et adultes ; pour les nouveau-nés**, le mercure était présent chez 94 %, le cadmium chez 0 %.
  • Les concentrations étaient augmentées par certains facteurs : présence d’amalgames dentaires pour le mercure, consommation récente de produits de la mer pour le mercure et l'arsenic, tabagisme pour le cadmium.
  • Des dépassements de seuils de risque sanitaire ont été observés pour moins de 2,8 % des adolescents et 0,8 % des adultes dans le cas du cadmium et moins de 1,2 % des addolescents et adultes dans le cas du mercure.
Pesticides

 

  • Au moins un métabolite d’insecticide organophosphoré et un métabolite d'insecticide pyréthrinoïde ont été retrouvés chez 93 % des adolescents et des adultes.
  • L’herbicide glyphosate (interdit en usage privé depuis le 01/06/2017) était présent chez 23 % des adolescents et adultes.
  • Pour la grande majorité des pesticides, les concentrations mesurées chez les adolescents étaient significativement supérieures à celles mesurées chez les adultes.
  • Trois insecticides organochlorés interdits depuis 1979 q ont été retrouvés chez 20 % (hexachlorobenzène), 7 % (métabolite du DDT) et 3 % (hexachlorohexane) des adolescents et adultes.
Bisphénols

 

  • Le BPA était le bisphénol retrouvé en plus grandes concentrations.
  • Des concentrations en BPA plus élevées ont été mesurées dans l’urine des adolescents par rapport aux adultes, et chez les hommes par rapport aux femmes.
  • Les concentrations en BPA étaient nettement inférieures à celles rapportées dans des études antérieures (2007 - 2017), conséquence probable des restrictions d'utilisation (UE, États-Unis) ; les concentrations mesurées en autres bisphénols étaient inférieures à celles rapportées dans la littérature.
HAP

 

  • ​​​​​​​Des métabolites de HAP ont été retrouvés chez 14 % à 96,5 % des adolescents et adultes selon le métabolite.
  • Les concentrations étaient supérieures en cas de tabagisme et chez les hommes.
  • Les résultats étaient proches ou légèrement inférieurs à ceux rapportés pour d'autres pays.
PCB

 

  • ​​​​​​​Sur quatre PCB recherchés, deux étaient présents chez 69 % des adolescents et des adultes mais chez moins de 5 % des nouveau-nés (PCB-153 et -180), les deux autres étant pas ou peu rencontrés (PCB-118 et -138).
  • Les PCB étaient rencontrés plus souvent et en plus fortes concentrations chez les adultes.
  • La comparaison à des études plus anciennes (2008 - 2011 ; Belgique, Suède, Espagne) indiquait une baisse des niveaux d'imprégnation.

 

* Nouveau-nés : valeur de référence relative au risque de déficit intellectuel chez l'enfant (plombémie de 12 µg/l)(a) ; Adolescents et adultes : valeur de vigilance pour la gestion de la plombémie en France (25 µg/L)(b)

** Pas de mesure de l'arsenic chez les nouveau-nés (mesure dans l'urine seulement)


[1] De 2017 à 2021, le projet européen HBM4EU q auquel ont participé 28 pays a été consacré au biomonitoring humain, notamment en vue de réduire le fossé entre le monde scientifique et les décideurs politiques afin de contribuer au développement de politiques de protection de la santé. 

[2] Programme réalisé par un consortium scientifique composé de l’Institut scientifique de service public (ISSeP), du Centre hospitalier universitaire de Liège (CHU-Liège), de l’Université catholique de Louvain (UCLouvain), des Cliniques universitaires Saint-Luc (CUSL) et de Sciensano

[3] Percentile 95 des concentrations mesurées dans les échantillons d'urine ou de sang

Pas d'évaluation Pas d'évaluation

Cet indicateur ne fait pas l'objet d'une évaluation car il s’agit soit d’un indicateur de contexte, soit d’un indicateur à portée limitée dans le temps (études ponctuelles) ou dans l’espace (échelle sub-régionale).