La fragmentation longitudinale des cours d’eau est due à la présence d’obstacles, artificiels ou non, qui entravent le libre parcours des communautés animales et végétales, en particulier celui des poissons migrateurs. Elle a des conséquences sur la distribution des habitats naturels au sein de l’écosystème de rivière et des milieux rivulaires associés, ce qui en modifie la capacité écologique.

Trois types de continuité

La qualité hydromorphologique q d’un cours d’eau est notamment déterminée par sa continuité. La continuité verticale implique la pérennité des transferts entre le cours d’eau et la nappe souterraine, transferts qui peuvent être réduits par le bétonnage du fond ou l’accumulation de dépôts de matière organique et de sédiments q ; la continuité latérale implique un équilibre dynamique entre la rivière et les habitats alluviaux et peut être affectée par la présence d’obstacles longitudinaux (digue, enrochement…) ; la continuité longitudinale implique un transfert non perturbé des sédiments et un libre parcours des communautés animales et végétales (amont vers aval et inversement) et peut être perturbée par la présence d’obstacles transversaux (barrage, canalisation souterraine...). La fréquence de ces obstacles et le degré de sévérité des effets que ceux-ci engendrent sur le milieu permettent d’évaluer la fragmentation longitudinale des cours d’eau.

57 % des obstacles sont importants à infranchissables

En Wallonie, un inventaire des obstacles à la libre circulation des poissons est organisé depuis 1997. Il définit le niveau de franchissabilité des obstacles et établit un plan de priorité pour leur levée ou leur aménagement, en fonction de la qualité piscicole en amont et des opportunités de mise en oeuvre[1]. En novembre 2016, 4 789 obstacles avaient été inventoriés. Parmi ceux-ci, 15 % étaient considérés comme infranchissables, 18 % comme majeurs et 24 % comme importants, et 2 % (116 obstacles) avaient été levés ou aménagés. Les aménagements les plus nombreux ont été mis en oeuvre dans les sous-bassins de la Meuse amont, de l’Ourthe, de la Meuse aval et de la Moselle.

Réintroduction du saumon dans le bassin de la Meuse

Suite à l’observation de truites de mer dans un affluent de la Meuse, le projet “Saumon Meuse” a été lancé fin des années ’80[2] dans le but de réintroduire le saumon atlantique[3] dans le bassin mosan. Des œufs de saumon originaires des rivières d’Écosse, d’Irlande et de France ont été importés et mis en élevage dans deux salmonicultures wallonnes. Depuis 1988, des saumons juvéniles sont relâchés chaque année dans plusieurs rivières et leurs affluents. Parallèlement, une série de barrages ont été équipés de passes à poissons. Les premières remontées de saumons adultes vers les lieux de frayère ont été observées début 2000. En 2015, 70 saumons adultes ont été capturés[4]. Les analyses génétiques ont montré que ces saumons étaient quasiment tous issus des repeuplements intervenus deux ou trois ans plus tôt. À noter qu’au-delà de la levée des obstacles physiques, le retour des poissons migrateurs et, plus globalement, l’état de la faune piscicole de nos rivières, dépendent également de la qualité de l’eau[5] et de l’état de conservation des habitats aquatiques q.

 


[1] Idéalement, les obstacles sont levés de l’aval vers l’amont mais l’aménagement dépend aussi d’initiatives locales (contrats de rivière q ou projets LIFE q p. ex.).

[2] SPW (Service de la pêche), ULg et UNamur (http://www.saumon-meuse.be ; Malbrouck et al., 2007(a))

[3] La truite de mer et le saumon ont un cycle de vie comparable. Initialement commun dans le bassin de la Meuse, le saumon a régressé dès 1885 en  raison notamment de la construction de barrages et de la pollution pour disparaître complètement vers 1940.

[4] Les saumons sont capturés à Angleur, Lixhe et Roermond (Pays-Bas) pour reproduction en pisciculture (ils n’ont donc pour l’instant pas l’occasion de migrer davantage en amont).

[5] Voir les indicateurs relatifs à la qualité de l’eau : État des masses d’eau q ; État biologique des masses d’eau de surface q ; Charges polluantes déversées dans les cours d’eau q ; Eutrophisation des cours d’eau q ; Teneurs en matières azotées dans les cours d'eau q ; Teneurs en polluants organiques dans les cours d’eau q ; Micropolluants dans les eaux de surface q

Obstacles à la libre circulation des poissons inventoriés sur les cours d’eau en Wallonie (novembre 2016)

* Barrage arasé, amas de pierres emporté par le courant...

** La catégorie “Autres” reprend d’une part les obstacles pour lesquels le degré de franchissabilité n’a pu être évalué (passage souterrain inexplorable, terrain privé inaccessible...) (n = 317) et d’autre part les obstacles considérés comme des points ”terminus“ au-delà desquels le milieu n’est plus favorable aux poissons (cours d’eau temporaire, passage souterrain sur une très longue distance, cours d’eau trop pollué ou trop artificialisé...) (n = 388).

Repeuplement de saumons juvéniles et recensement de saumons adultes en Wallonie

* Les saumons sont appelés “tacons” pendant leur 1re ou 2e année de vie en eau douce.
** Les saumons sont appelés “smolts” au cours de leur adaptation morphologique, physiologique et comportementale à la vie en milieu marin (smoltification).

Obstacles à la libre circulation des poissons inventoriés sur les cours d’eau

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* Barrage arasé, amas de pierres emporté par le courant...

** La catégorie “Autres” reprend d’une part les obstacles pour lesquels la difficulté de franchissabilité n’a pu être évaluée (passage souterrain inexplorable, terrain privé inaccessible...) et d’autre part les obstacles considérés comme des points “terminus” au-delà desquels le milieu n’est plus favorable aux poissons (cours d’eau temporaire, passage souterrain sur une très longue distance, cours d’eau trop pollué ou trop artificialisé...).

Pas d'évaluation Pas d'évaluation

Cet indicateur ne fait pas l'objet d'une évaluation car il s’agit soit d’un indicateur de contexte, soit d’un indicateur à portée limitée dans le temps (études ponctuelles) ou dans l’espace (échelle sub-régionale).