Depuis le début des années ‘80, des phénomènes de dépérissement sont observés dans les forêts européennes, particulièrement en Europe centrale. L’Observatoire wallon de la santé des forêts (OWSF) participe au suivi de l’évolution des risques biotiques et abiotiques ainsi que des problèmes sanitaires en forêts. Différents dispositifs ont été mis en place pour la collecte de données phytosanitaires et phénologiques.

Depuis 1985, le programme de surveillance ICP Forests fournit un bilan des effets de la pollution de l’air sur les forêts européennes basé notamment sur les paramètres de défoliation (perte en feuilles et aiguilles) et de décoloration (altération de la couleur des feuilles et aiguilles) q. La Wallonie y participe depuis 1989 via un inventaire phytosanitaire annuel q. Le réseau suivi dans le cadre de cet inventaire est cependant en extinction étant donné la perte progressive de placettes (unités d'échantillonnage) en raison de l'exploitation ou de chablis[1]. Un suivi parallèle est réalisé depuis 2010 par l’OWSF q en collaboration avec l'Université catholique de Louvain, sur 45 placettes sélectionnées parmi celles de l'Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie (IPRFW) q [2]. Un exercice d'intercalibration des résultats des deux réseaux est en cours depuis 2018 et devrait permettre de disposer d'un jeu de données unique. Seuls les résultats de l'Observatoire wallon de la santé des forêts sont analysés ici. Pour avoir une vue exhaustive des données relatives à l'état de santé des forêts, voir la fiche d'indicateurs construite à partir des données de l'Inventaire phytosanitaire q.

Suivi de l’état sanitaire des houppiers

Dans les placettes inventoriées, une amélioration de l'état sanitaire des houppiers est constatée. Entre 2011 et 2017 :

  • le pourcentage de résineux anormalement défoliés[3] est passé de 82 % à 58 % ;
  • le pourcentage de feuillus anormalement défoliés est passé de 79 % à 40 % ;

  • le pourcentage moyen de défoliation a montré une relative stabilité autour de 40 % pour l'épicéa et le hêtre ;

  • le pourcentage moyen de défoliation a diminué pour les chênes sessile et pédonculé, passant respectivement de 34 % à 14 % et de 41 % à 30 %, malgré un pic en 2012 dû à des attaques de chenilles défoliatrices.

Entre 2013 et 2017, le pourcentage d’arbres inventoriés anormalement décolorés[4] est resté inférieur à 10 %, à l'exception d'une hausse en 2014 probablement liée aux fructifications abondantes pour l'épicéa et le hêtre et à des attaques de mineuses (insectes dont la larve creuse une galerie en se nourrissant du contenu interne de la feuille) sur le hêtre.

Effet cumulatif de facteurs naturels et anthropiques

Les principaux facteurs influençant l'état sanitaire des forêts sont :

  • les épisodes climatiques extrêmes (chaleur, sécheresse ou excès d'eau, gel et vent) (mois de juin et juillet anormalement chauds et secs en 2010 p. ex.) ; 
  • le développement d'insectes ravageurs (scolytes et chenilles défoliatrices p. ex.) et d'organismes pathogènes (champignons à l'origine de l'oïdium p. ex.) (action conjointe de chenilles défoliatrices et de l'oïdium sur les chênes en 2012 p. ex.) ;
  • l’intensité de fructification (celle-ci consomme une grande partie des ressources de l’arbre) (fructification importante du hêtre en 2014 p. ex.) ;
  • la pollution atmosphérique (ozone q et polluants acidifiants et eutrophisants q) ; 
  • la pauvreté naturelle en nutriments de nombreux sols ;
  • l'inadéquation des essences plantées par rapport aux conditions de la station forestière[5].

Surveillance des ravageurs, pathogènes et maladies

À travers différents réseaux de veille et d'alerte, l’OWSF suit le développement de ravageurs et pathogènes tels que l’ips typographe (scolyte creusant des galeries et pouvant introduire des champignons sous l'écorce) ou le champignon Hymenoscyphus fraxineus (à l'origine de la chalarose du frêne[6]) et surveille l'établissement d'organismes comme la processionnaire du chêne (chenille défoliatrice) ou les longicornes du genre Monochamus (vecteurs du nématode du pin)[7]. Pour certains ravageurs, la législation prévoit que des mesures soient prises. Ainsi par exemple, les résineux envahis par les scolytes doivent être signalés et abattus q

Suivi de la phénologie

Diverses études ont montré des phénomènes de glissement phénologique ces dernières années dans les forêts d’Europe de l’ouest et centrale(a) qui peuvent être mis en relation avec les modifications du climat. L’OWSF a mis au point en 2011 un réseau de suivi de la phénologie[8] pour les principales essences sur 22 placettes de l’IPRFW. Les phénomènes de débourrement[9] et de sénescence[10] du feuillage y sont observés de manière hebdomadaire, au printemps et à l'automne. Les données récoltées en Wallonie apportent déjà des indications sur les variations interannuelles, sans toutefois permettre d’établir une tendance. Le débourrement semble p. ex. avoir été hâtif pour la majorité des essences en 2014, en concordance avec une avant-saison[11] particulièrement chaude. À l’inverse, l’avant-saison froide de 2013 avait entraîné pour toutes les essences un débourrement tardif. En 2015 et 2016, le début du débourrement se situait pour la grande majorité des essences dans des valeurs normales. Les fluctuations de longueurs de période de végétation sont beaucoup plus difficiles à interpréter car les phénomènes automnaux (jaunissement et chute des feuilles) sont influencés par d’autres facteurs et évènements ponctuels[12].

Pratiques sylvicoles favorables

Au-delà de la lutte contre la pollution atmosphérique q, l'application de certaines mesures de gestion sylvicole adaptées devrait permettre d’atténuer les phénomènes de dépérissement :

  • Le Code forestier q impose, pour toute régénération artificielle, le choix d'essences en adéquation avec les conditions de la station forestière[5] ; 
  • En complément à la circulaire n° 2619 du 22/09/1997 relative aux aménagements dans les bois soumis au régime forestier q, le document "Normes de gestion pour favoriser la biodiversité dans les bois soumis au régime forestier" de 2010 q encourage le recours à la régénération naturelle q, l'utilisation d'écotypes locaux, la promotion de peuplements mélangés et irréguliers q plus résistants aux stress climatiques et biologiques ou le maintien des rémanents forestiers (résidus d'exploitation) afin d’éviter l’appauvrissement des sols.

 


[1] Un chablis est un arbre (ou un ensemble d'arbres) cassé(s) ou déraciné(s), en particulier du fait de l'action du vent. Par extension, le chablis désigne également le dommage causé au peuplement.

[2] Ceci permet une mise en perspective avec les données récoltées dans le cadre de l’IPRFW. Les observations sont complétées par des analyses pédologiques et des recherches plus spécifiques.

[3] Arbres ayant perdu plus de 25 % du feuillage

[4] Arbres dont plus de 25 % des feuilles sont décolorées

[5] Pour chacun des types de stations forestières répertoriés en Wallonie, le choix des essences à planter peut être optimalisé en tenant compte de leur adéquation avec les conditions locales (nature du sol, exposition, niveau hydrique...), sur base du fichier écologique des essences et du guide de boisement, fusionnés en un même outil cartographique q.

[6] Un exercice d'échantillonnage systématique a débuté en 2018 au sein des frênaies wallonnes afin de quantifier l'impact de la maladie à l'échelle du territoire.

[7] Ces espèces n'ont jusqu'à présent fait l'objet que de quelques observations isolées en Wallonie.

[8] Étude des phénomènes périodiques dans le monde vivant en relation avec les variations saisonnières du climat

[9] Développement des bourgeons marquant la fin de la période de dormance hivernale

[10] Processus débutant par l’apparition de la coloration automnale du feuillage et aboutissant à la chute des feuilles. La période de végétation s’étend du début de la période de débourrement à la fin de la période de sénescence.

[11] Premier quadrimestre

[12] Vents ou maladies foliaires

Défoliation des peuplements forestiers en Wallonie, pourcentage d'arbres inventoriés défoliés à plus de 25 % (réseau de l’Observatoire wallon de la santé des forêts)

Défoliation des principales essences forestières en Wallonie, pourcentage moyen de défoliation (réseau de l’Observatoire wallon de la santé des forêts)

Décoloration des peuplements forestiers en Wallonie, pourcentage d'arbres inventoriés décolorés à plus de 25 % (réseau de l'Observatoire wallon de la santé des forêts)

Dates de début de débourrement* et de fin de sénescence** pour les principales essences forestières en Wallonie (réseau de l'Observatoire wallon de la santé des forêts)

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* 10 % des arbres inventoriés présentant un débourrement de 20 %

** 90 % des arbres inventoriés présentant une sénescence de 20 %

 

Évaluation

c276b32f-0e48-4d19-8936-2f69ee3759f5 Évaluation de l'état non réalisable et évaluation de la tendance non réalisable

Évaluation non réalisable
  • Référentiel : (i) règlement (CE) n° 1737/2006 q - un arbre est considéré comme anormalement défolié si la défoliation dépasse 25 % de perte en feuilles/aiguilles (déficit foliaire moyen à important, de 26 % à 99 % ; 100 % correspondant à un arbre mort), (ii) décret du 15/07/2008 relatif au Code forestier (Art. 1) q - principe du maintien de la santé et de la vitalité des écosystèmes forestiers
  • En 2017, 40 % des feuillus et 58 % des résineux inventoriés (réseau de l'Observatoire wallon de la santé des forêts) étaient défoliés à plus de 25 % et présentaient donc une défoliation anormale. L'évaluation de l'état n'est cependant pas réalisable tant que les résultats des deux réseaux ne sont pas intercalibrés. Voir la fiche d'indicateurs relative à l'État de santé des forêts (réseau de l'Inventaire phytosanitaire) q
Évaluation non réalisable

Le pourcentage d'arbres inventoriés (réseau de l'Observatoire wallon de la santé des forêts) anormalement défoliés a montré une diminution globale entre 2011 et 2017 tant pour les feuillus que pour les résineux : pour les feuillus, il est passé de 74 % à 40 % et pour les résineux, de 79 % à 58 %. Ces résultats sont en contradiction avec ceux issus du réseau de l'Inventaire phytosanitaire. L'évaluation de la tendance n'est donc pas réalisable tant que les résultats des deux réseaux ne sont pas intercalibrés. Voir la fiche d'indicateurs relative à l'État de santé des forêts (réseau de l'Inventaire phytosanitaire) q