La composition de l’avifaune est continuellement remodelée sous l’influence de multiples facteurs dont le plus déterminant est l’altération des habitats. Les populations d’oiseaux communs font l’objet de suivis annuels en Wallonie : elles sont en diminution sur le long terme, en concordance avec la tendance observée au niveau européen.

Surveillance paneuropéenne

Du fait de leur position élevée dans les chaînes alimentaires, de leur grande variété d’exigences écologiques et d’un temps de réaction rapide face aux changements environnementaux, les oiseaux constituent un bon indicateur de l’état de la biodiversité et du fonctionnement des écosystèmes. C’est pourquoi la plupart des pays européens ont mis en place des programmes de suivi des populations des espèces d’oiseaux nicheurs les plus répandues, qui s’intègrent dans un système de surveillance continental q. La Wallonie y est associée : des relevés annuels par point d’écoute sont effectués pour les espèces dites communes de l’avifaune wallonne, soit 81 espèces. Ces espèces représentent 50 % du nombre total d’espèces nicheuses indigènes en Wallonie[1] ; cependant, étant les plus abondantes, elles représentent en termes d'effectifs 98 % de l’avifaune wallonne. Sur base de ces relevés, un indice relatif d’abondance des populations est calculé pour chaque espèce et une tendance des effectifs à long terme peut être estimée[2].

Chute de près de 40 % des effectifs en 31 ans

Les populations d'oiseaux communs toutes espèces confondues sont en déclin continu depuis 1990. Entre 1990 et 2021, elles ont perdu en moyenne 38 % de leurs effectifs, soit une érosion de 1,6 % par an. Sur les 81 espèces considérées, 45 espèces (56 %) montraient une tendance en diminution, 21 (26 %) présentaient une tendance stable, et 15 (19 %) étaient en augmentation.

C'est dans les milieux agricoles que l'avifaune présente la diminution la plus flagrante. Les espèces associées aux milieux agricoles ont perdu en moyenne plus de la moitié de leurs effectifs (- 59 %), au rythme moyen de 2,9 % par an. Ce déclin concerne autant les espèces liées aux grandes cultures que les espèces associées aux prairies. Sur les 17 espèces associées aux milieux agricoles suivies, 11 montrent une tendance à la diminution (bruant proyer, tourterelle des bois, vanneau huppé ou pipit farlouse p. ex.), 2 sont stables (corbeau freux et bergeronnette printanière) et 4 sont en augmentation (tarier pâtre, pie-grièche écorcheur, faucon crécerelle et fauvette grisette).

Les effectifs des 22 espèces associées aux milieux forestiers montrent une diminution globale de 29 % entre 1990 et 2021, au rythme moyen de 1,1 % par an. Sur l'ensemble des espèces forestières, 13 sont en diminution (pouillot siffleur, roitelet huppé ou pipit des arbres p. ex.), 7 sont stables (pic noir, rougequeue à front blanc ou bouvreuil pivoine p. ex.) et 2 montrent une tendance à l'augmentation (pic mar et grimpereau des bois).

Les effectifs des autres espèces (espèces ni strictement associées aux milieux forestiers, ni strictement associées aux milieux agricoles) ont un peu plus fluctué sur la période, mais montrent tout de même une diminution globale de 33 %.

Tous groupes confondus, les espèces ayant subi le déclin le plus alarmant sont le bruant proyer (espèce des milieux agricoles), l’hypolaïs ictérine (espèce ni strictement associée aux milieux agricoles, ni strictement associée au milieux forestiers) et la tourterelle des bois (espèce des milieux agricoles) : leurs populations ont diminué respectivement de 99,5 %, 97,5 % et 97,2 % en 31 ans.

À l’échelle européenne[3], une tendance à la diminution se dessine également (en particulier pour les espèces agricoles) mais son amplitude est moindre : les populations des 168 espèces communes considérées ont diminué de 14 % entre 1990 et 2019. Parmi celles-ci, les 39 espèces des milieux agricoles ont perdu 36 % de leurs effectifs.
 

Évolution des effectifs des populations des 81 espèces d’oiseaux communs* en Wallonie

n = nombre d’espèces

* Il s'agit des espèces communes de l'avifaune wallonne, soit 81 espèces, qui représentent 50 % du nombre d'espèces nicheuses en Wallonie mais 98 % de l'avifaune wallonne en termes d'effectifs. 

** Espèces ni strictement associées aux milieux forestiers, ni strictement associées aux milieux agricoles

*** UE-27 moins Malte, mais avec le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège

Tendances des populations des 81 espèces d'oiseaux communs* en Wallonie, par types de milieux (1990 - 2021)

n = nombre d'espèces

* Il s'agit des espèces communes de l'avifaune wallonne, soit 81 espèces, qui représentent 50 % du nombre d'espèces nicheuses en Wallonie mais 98 % de l'avifaune wallonne en termes d'effectifs.

** Espèces ni strictement associées aux milieux forestiers, ni strictement associées aux milieux agricoles


Impacts des activités agricoles et sylvicoles sur l'avifaune

Lorsqu’elles sont pratiquées de façon intensive, l’agriculture et la sylviculture produisent divers impacts négatifs sur l’avifaune en raison de la transformation des milieux concernés. Globalement, c'est la simplification des milieux qui est préjudiciable. Pour les milieux agricoles, les facteurs pénalisants sont :

  • la réduction de la disponibilité en ressources alimentaires (grains, insectes, micromammifères…) en raison de la réduction des adventices annuelles, du développement de couverts hivernaux dépourvus de plantes montées en graines, de la conversion des prairies permanentes q en diverses cultures moins riches en ressources ou de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques q ;
  • la réduction de la disponibilité en sites de nidification liée à l'augmentation de la taille des parcelles et à la perte des éléments structurants du paysage (haies, bosquets) ;
  • une mortalité directe liée à l'augmentation de la fréquence de fauche des prairies pour la production de fourrage et à la rapidité du travail de récolte, problématiques en particulier pour les espèces nichant au sol (bruant proyer, vanneau huppé ou alouette des champs).

En forêt, la simplification des milieux est causée par la diminution du nombre d'essences et du nombre de strates de végétation, par la perte de gros arbres et d'arbres morts…

Optimiser et généraliser les pratiques et aménagements favorables

Diverses mesures ont été prises pour réduire l’impact environnemental des activités agricoles : instauration de la conditionnalité des aides agricoles[4] et notamment des dispositions relatives au "verdissement"[5] de la politique agricole commune (PAC), instauration des mesures surfaciques du Programme wallon de développement rural (PwDR) 2014 - 2020[6] telles que le soutien à l’agriculture biologique[7], les paiements au titre de Natura 2000[8] et les paiements pour mise en œuvre de méthodes agro-environnementales et climatiques (MAEC)[9].

L’application des MAEC montre des effets d’atténuation des impacts négatifs au niveau local(b). Pour obtenir des effets mesurables à l'échelle régionale et améliorer l'efficacité globale des MAEC, il est nécessaire(c) :

  • d'assurer une proportion plus importante de superficies agricoles sous MAEC (ou laissées à la nature) et une meilleure répartition de celles-ci dans le paysage agricole ;
  • d'adapter certaines MAEC actuelles aux exigences écologiques des espèces agricoles les plus menacées, ou de développer des MAEC complémentaires ciblant ces espèces afin d'en soutenir davantage la conservation. Des études analysent depuis plusieurs années l'intérêt de diverses MAEC[10] pour une série d'espèces[11] et proposent des pistes d'adaptation[12].

À noter que l'implication des agriculteurs reste tributaire notamment de la disponibilité des aides qui leur sont accordées, de l’attractivité de ces rémunérations, de la facilité de mise en œuvre et de la clarté des modalités de contrôle.

PAC post 2020 : renforcement des moyens

La PAC post 2020, d'application dès 2023, prévoit des mesures renforcées qui doivent intégrer notamment les objectifs de la Stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 q. Dans ce cadre, les paiements liés à la mise en œuvre de MAEC seront prolongés et légèrement bonifiés. En outre, la mise en place des "éco-régimes" permettra une augmentation des montants alloués pour la plupart des éléments ou surfaces favorables à la biodiversité, en particulier dans les zones d'intérêt biologique.
 


[1] Ensemble des espèces d'oiseaux qui se reproduisent sur le territoire wallon, ne comprenant donc pas les espèces hivernantes (harle bièvre p. ex.) ou les espèces de passage en migration (grue cendrée p. ex.)

[2] Il est à noter que d’autres types d'inventaires ornithologiques, plus intensifs et ponctuels, sont organisés en Wallonie pour la réalisation d’atlas(a), pour le suivi d’espèces rares (merle à plastron, faucon pèlerin ou tétras lyre p. ex.) ou coloniales (grand cormoran ou hirondelle de rivage p. ex.), ou pour l’évaluation de l’état de conservation des espèces d'oiseaux q et des habitats d'intérêt communautaire q.

[3] UE-27 moins Malte, mais avec le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège

[4] Mécanisme conditionnant l’octroi des aides financières directes de la Politique agricole commune (PAC) au respect d’exigences réglementaires en matière de gestion et de normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres q. Pour plus d’informations, consulter la page internet dédiée à la conditionnalité sur le portail de l’agriculture wallonne q

[5] Dispositions visant à renforcer l’intégration de l’environnement au mécanisme de la conditionnalité : octroi d’un paiement vert conditionné par le maintien d'un certain ratio de prairies permanentes existantes, la diversification des cultures et la mise en place de surfaces d’intérêt écologique sur 5 % des terres arables de l’exploitation. À noter que les normes de ce paiement vert devraient être intégrées dans la conditionnalité applicable partout pour tous dans la PAC post 2020. Pour plus d’informations, consulter la page internet dédiée aux paiements directs sur le portail de l’agriculture wallonne q

[6] Pour plus d’informations sur le PwDR 2014 - 2020 q, consulter la page internet qui y est dédiée q

[7] Mode de production sans recours aux produits chimiques de synthèse ni aux organismes génétiquement modifiés, faisant l’objet de règles de production notamment définies dans le règlement (UE) 2018/848 q q

[8] Pour les parcelles agricoles reprises en site Natura 2000, certains actes (labour, drainage, apport d'engrais et pesticides…) sont soumis à notification, à autorisation ou sont interdits (hors dérogations). Un régime de compensation financière est prévu. Pour plus d’informations, consulter le document consacré aux indemnités Natura 2000 du portail de l’agriculture wallonne q ainsi que le site internet de Natagriwal q

[9] Aménagements et pratiques volontaires visant la conservation et l’amélioration de l’environnement en zone agricole, au-delà de ce qu'impose la législation q. Pour plus d’informations, consulter le document consacré aux MAEC du portail de l’agriculture wallonne q ainsi que le site internet de Natagriwal q

[10] Bandes aménagées (MC8), parcelles aménagées (MC7), prairies de haute valeur biologique (MC4) ou céréales sur pied en hiver (variante de MB6)

[11] Bruant proyer, tarier des prés, râle des genêts ou tourterelle des bois p. ex.

[12] P. ex. retard de la fauche des prairies pour épargner les nichées, gestion des haies pour les conserver basses et denses ou positionnement de bandes aménagées le long des haies pour faciliter le nourrissage des nichées par les adultes et au sein des plaines pour recréer des effets de bordure. Voir un exemple d'adaptation de MAEC ciblant le Râle des genêts(d)

Évaluation

5eca67f2-bea7-4caf-a786-9adacf0abd20 Etat défavorable et tendance à la détérioration

Défavorable
  • Référentiel : Stratégie de la biodiversité pour 2020 q - objectif de garantir le maintien des populations des espèces d’oiseaux à un niveau adéquat
  • Sur la période 1990 - 2021, les populations d’oiseaux communs étaient en diminution pour 45 des 81 espèces suivies (soit 56 %).
En détérioration

Sur la période 1990 - 2021, les populations wallonnes des 81 espèces d’oiseaux communs considérées ont perdu en moyenne 38 % de leurs effectifs.