Déplacées en dehors de leur aire de distribution naturelle, des espèces ont été et continuent d'être introduites en Wallonie, volontairement[1] ou accidentellement[2], via les échanges commerciaux et la circulation internationale. Une partie de ces espèces exotiques se révèlent envahissantes, n'étant plus régulées par leurs prédateurs naturels ou par les pathogènes de leur région d'origine. Elles peuvent occasionner des dommages d’ordre environnemental, socioéconomique ou sanitaire.

Plus de 1 800 espèces exotiques détectées en Wallonie 

Fin 2020, plus de 3 000 espèces exotiques avaient été recensées en Belgique : 2 300 espèces végétales et 740 espèces animales. En Wallonie, plus de 1 800 espèces exotiques avaient été détectées : 1 600 espèces végétales et 220 espèces animales. Que ce soit pour la Belgique ou pour la Wallonie, 1/3 des espèces végétales et 2/3 des espèces animales sont considérées comme établies[3][4]. Une partie des espèces établies se dispersent dans l’environnement et se révèlent envahissantes.

Une pression croissante sur tous les types de milieux

De façon générale, les milieux perturbés, pollués ou transformés par l’action de l’homme sont davantage colonisés par les espèces exotiques envahissantes (EEE), mais celles-ci exercent aussi une pression sur de nombreux habitats semi-naturels (en particulier les milieux aquatiques et rivulaires), dégradant leur état de conservation. Plus de 900 espèces exotiques (envahissantes ou non et établies ou non) seraient présentes dans les sites du réseau Natura 2000 en Wallonie[4]. Il est établi que les EEE constituent une menace modérée à élevée pour 45 % des habitats d’intérêt communautaire en Wallonie q ; le niveau de menace sur les espèces d’intérêt communautaire q n’a pas encore été estimé.

Approche coordonnée au niveau européen

En vigueur depuis le 01/01/2015, le règlement (UE) n° 1143/2014 q a pour objectif d’apporter une réponse coordonnée de la part de l’ensemble des États membres à la problématique des invasions biologiques. Les trois axes du règlement sont :

  • la prévention de l’introduction intentionnelle (interdiction de détention, d’élevage, de vente et de transport d’EEE) ou accidentelle (contrôle des principales voies d’entrée[5] en partenariat avec les secteurs d’activités liés) des EEE ;
  • la détection précoce de nouvelles EEE[6] et leur éradication rapide ;
  • la lutte contre les populations d’EEE largement répandues.

Allongement de la liste des EEE préoccupantes pour l'Union européenne

La Commission européenne établit, sur base d’analyses de risques, la liste des EEE jugées préoccupantes pour l’UE et qui entrent dans le champ d'application du règlement. Cette liste est mise à jour régulièrement[7]. À la liste initiale de 37 EEE en 2016 q, ont été ajoutées 12 EEE en 2017 q, 17 EEE en 2019 q, puis 22 EEE en 2022 q portant ainsi la liste à 88 espèces[8].

Vingt-neuf EEE préoccupantes pour l'UE établies en Wallonie…

Parmi les 88 EEE concernées par le règlement (UE) n° 1143/2014 q, 29 sont établies en Wallonie (à titre de comparaison, la Flandre en compte 32 et le Grand-Duché de Luxembourg 17). Sur ces 29 espèces, 15 sont déjà largement répandues en Wallonie (avec, dans le haut du classement et par ordre décroissant, l’ouette d’Égypte, la balsamine de l’Himalaya, le raton laveur, la berce du Caucase, le rat musqué, le frelon asiatique et l’écrevisse signal) ; 14 ne sont pas encore largement répandues[9]. Parmi les 59 espèces du règlement non encore établies en Wallonie, 24 seraient capables de s'établir dans les conditions climatiques actuelles (6 d'entre elles sont déjà établies dans les régions voisines[10]) et 16 pourraient s'établir dans les conditions climatiques futures ; 19 sont incapables de s'établir quelles que soient les conditions climatiques.

État d'implantation en Wallonie des 88 espèces exotiques envahissantes jugées préoccupantes pour l'Union européenne* (2000 - 2022)

* Règlement (UE) n° 1143/2014 q

** Une espèce est considérée comme établie (ou naturalisée) sur un territoire lorsqu'elle forme des populations persistantes dans les habitats naturels en l'absence d'intervention humaine.


…quasiment toutes en progression

Entre les périodes 2000 - 2014 et 2015 - 2022, la majorité des 29 EEE préoccupantes pour l’UE établies en Wallonie ont montré une progression de leur aire de distribution :

  • 4 espèces (muntjac de Chine, frelon asiatique, ragondin et crabe chinois) ont montré une progression forte, la part de nouveaux carrés IFBL[11] occupés au cours de la période 2015 - 2022 par rapport au nombre total de carrés IFBL occupés sur l'entièreté de la période 2000 - 2022 étant supérieure à 66 %. Il s'agit pour la plupart d'espèces établies depuis peu en Wallonie (après 2000) ;
  • 12 espèces ont montré une progression modérée (raton laveur, écrevisse de Louisiane, rat musqué ou tortue de Floride p. ex.), avec une augmentation comprise entre 33 et 66 % du nombre de carrés IFBL occupés. Il s'agit majoritairement d'espèces établies en Wallonie entre 1980 et 2000 ;
  • 7 espèces ont montré une progression faible (berce du Caucase ou ouette d'Égypte p. ex.), avec une augmentation de moins de 33 % du nombre de carrés IFBL occupés. Il s'agit majoritairement d'espèces d'introduction plus ancienne (avant 1980) qui commencent probablement à saturer l'environnement et/ou qui sont soumises à de fortes mesures de lutte en Wallonie ;
  • Pour 6 espèces, la progression est incertaine, le nombre trop faible de carrés occupés ne permettant pas de tirer des conclusions (asclépiade de Syrie ou tamia de Sibérie p. ex.). Parmi ces espèces, on retrouve aussi la grenouille taureau dont les populations se seraient éteintes en Wallonie suite au comblement des plans d’eau colonisés et pour d'autres raisons mal identifiées.

Progression de l'aire de distribution des 29 espèces exotiques envahissantes jugées préoccupantes pour l'Union européenne* établies** en Wallonie, entre les périodes 2000 - 2014 et 2015 - 2022

* Règlement (UE) n° 1143/2014 q

** Une espèce est considérée comme établie (ou naturalisée) sur un territoire lorsqu'elle forme des populations persistantes dans les habitats naturels en l'absence d'intervention humaine.

 

Progression de l'aire de distribution des 29 espèces exotiques envahissantes jugées préoccupantes pour l'Union européenne* établies** en Wallonie, entre les périodes 2000 - 2014 et 2015 - 2022 (par espèces)

* Règlement (UE) n° 1143/2014 q

** Une espèce est considérée comme établie (ou naturalisée) sur un territoire lorsqu'elle forme des populations persistantes dans les habitats naturels en l'absence d'intervention humaine.

*** n = nombre total de carrés IFBL occupés à l'issue de la deuxième période

**** Les populations de la grenouille taureau en Wallonie se sont probablement éteintes suite au comblement des plans d'eau colonisés et pour d'autres raisons mal identifiées.

***** Le maillage IFBL est un quadrillage cartographique de 1 km² utilisé pour référencer la localisation d'une observation.


Beaucoup d’espèces à progression forte ou modérée se dispersent très activement dans l’environnement et colonisent donc d'elles-mêmes facilement de nouveaux territoires (frelon asiatique, ragondin, crabe chinois et raton laveur p. ex.). Pour d'autres toutefois (muntjac de Chine, élodée à feuilles alternes, faux-arum, myriophylle du Brésil, écrevisse de Louisiane et tortue de Floride p. ex.), la progression de l'aire de distribution résulte davantage de la multiplication du nombre d’événements d’introduction par l’homme dans les milieux naturels.

Des mesures à amplifier pour stopper les dynamiques d'invasion

En vertu du règlement (UE) n° 1143/2014 q, les États membres sont tenus de mettre en place des mesures efficaces de gestion des EEE préoccupantes pour l’UE établies sur leur territoire afin d'en prévenir la propagation. Le choix de l’objectif de gestion (éradication précoce ou confinement et atténuation des populations) relève de la responsabilité de l’État membre.

Ces dernières années, des mesures de destruction ont été mises en place en Wallonie, ciblant par exemple la berce du Caucase, les renouées asiatiques, les plantes aquatiques, le frelon asiatique et le rat musqué, avec de très bons résultats enregistrés localement. Au vu de la progression de nombreuses espèces, ces mesures doivent être amplifiées et étendues pour obtenir des résultats à plus large échelle et pour un plus grand nombre d'espèces. Des plans de lutte sont actuellement en préparation pour assurer la gestion coordonnée d’un nombre d’EEE beaucoup plus important, tenter de ralentir leur progression et d’infléchir fortement leur dynamique d’invasion à l’échelle de tout le territoire wallon.

 


[1] Introduction d'espèces notamment pour l'horticulture (renouée du Japon, berce du Caucase ou balsamine de l'Himalaya p. ex.), l'aquariophilie et l'aquaculture (hydrocotyle fausse-renoncule ou écrevisses nord-américaines p. ex.), la production de fourrure (chien viverrin ou rat musqué p. ex.), la chasse (daim p. ex.) ou en animaleries (écureuils exotiques p. ex.)

[2] Contamination de lots de semences par des graines de plantes exotiques (ambroisie à feuille d'armoise p. ex.), déplacement d'espèces attachées à la coque des navires, contenues dans leurs eaux de ballast ou dans les marchandises (moule zébrée, crabe chinois ou moustique tigre p. ex.)…

[3] Une espèce est considérée comme établie (ou naturalisée) sur un territoire lorsqu'elle forme des populations persistantes dans les habitats naturels en l'absence d'intervention humaine.

[4] Situation pour la Belgique et la Wallonie, selon les résultats du projet TrIAS (Tracking Invasive Alien Speciesq.

[5] Transport de terres contaminées par des graines ou rhizomes de plantes exotiques, opération de rempoissonnement, navigation…

[6] La détection précoce dans un État membre d'une EEE préoccupante pour l'Union européenne doit être notifiée sans retard à la Commission européenne et renseignée aux autres États membres.

[7] L'ajout à la liste de nouvelles EEE se fait sur proposition d'un État membre ou de la Commission européenne. À noter que certaines espèces déjà très répandues en Europe ne seront probablement jamais listées en raison des coûts trop importants que leur gestion représenterait à l'échelle d'un territoire entier (renouée du Japon p. ex. qui occupe déjà la totalité de son aire de distribution potentielle en Europe).

[8] Près de 90 % de ces espèces ont fait l’objet d’introduction délibérée en Europe (animaux de compagnie, aquaculture, aquariophilie, horticulture, pêche…).

[9] Voir le portail de la biodiversité en Wallonie pour consulter les fiches d'identification et cartes de distribution des EEE préoccupantes pour l'UE et encoder ses observations q

[10] Cabomba de Caroline, célastre asiatique, écrevisse marbrée, écrevisse à pinces bleues, ibis sacré et écureuil de Pallas

[11] Le maillage IFBL est un quadrillage cartographique de 1 km² utilisé pour référencer la localisation d'une observation.

Évaluation

5eca67f2-bea7-4caf-a786-9adacf0abd20 Etat défavorable et tendance à la détérioration

Défavorable
  • Référentiel : (i) Règlement (UE) n° 1143/2014 q - objectif de prévenir et gérer l'introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes, (ii) Stratégie de la biodiversité pour 2020 q - objectif d’endiguer ou éradiquer les principales espèces exotiques envahissantes d’ici 2020
  • Sur les 88 espèces préoccupantes pour l'UE listées dans le règlement (UE) n° 1143/2014 q, 29 (soit 33 %) étaient établies en Wallonie sur la période 2000 - 2022.
En détérioration

Entre les périodes 2000 - 2014 et 2015 - 2022, 23 des 29 EEE préoccupantes pour l’UE établies en Wallonie (soit 79 %) ont montré une progression certaine de leur aire de distribution.