La protection et la conservation des eaux souterraines relèvent d’une importance majeure pour le bon fonctionnement des écosystèmes qui en dépendent et parce qu'elles constituent une ressource pour l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine. Après le nitrate, les pesticides constituent le second facteur de dégradation de la qualité des eaux souterraines.

La qualité des eaux souterraines en ce qui concerne la présence de pesticides[1] a été estimée à l’aide de l’indice SEQ-ESO appliqué au regard de l'état patrimonial[2]. Cet indice est construit sur base d’un nombre restreint de pesticides, à savoir ceux dont le suivi est jugé le plus pertinent en Wallonie. Sur la période 2007 - 2017, 9 pesticides étaient pris en considération[3]. En 2018, les critères d’évaluation ont été adaptés et 9 pesticides supplémentaires ont été ajoutés[4].

Des pesticides en concentrations mesurables dans 70 % des sites de contrôle

Au cours de la période 2017 - 2020, les pesticides étaient présents en concentrations mesurables dans 61,7 % des sites de contrôle de la qualité des eaux souterraines sur base des 9 pesticides initialement considérés dans le système d'évaluation SEQ-ESO. Les teneurs mesurées étaient telles que la qualité des eaux a été qualifiée de moyenne à mauvaise dans 14,1 % des cas alors que dans 47,6 % des cas, elle a été qualifiée de bonne à très bonne[5]. Sur base de ces critères, une amélioration de la qualité des eaux souterraines est constatée, puisque sur la période 2007 - 2010, les pesticides étaient détectés dans 64,5 % des sites, dont 21,4 % avec une eau qualifiée de moyenne à mauvaise.

Sur la période 2017 - 2020, en ajoutant les 9 pesticides supplémentaires, dont certains ne sont analysés que depuis 2018 dans les eaux souterraines et se retrouvent en concentrations importantes, les pesticides étaient détectés dans 70,0 % des sites de contrôle et la qualité des eaux a été qualifiée de moyenne à mauvaise dans 28,2 % des cas et bonne à très bonne dans 41,8 % des cas.
 

Présence de pesticides* dans les eaux souterraines en Wallonie, par sites de contrôle

* Le terme "pesticides" est utilisé indifféremment pour désigner les substances actives, leurs métabolites, leurs produits de dégradation et leurs produits de réaction.

** L’état patrimonial exprime le degré de dégradation de l’eau par rapport à un état quasi naturel, sans référence à un usage quelconque.

*** Sur la période 2007 - 2017, 9 pesticides étaient considérés. En 2018, les critères d’évaluation ont été adaptés et 9 pesticides supplémentaires ont été ajoutés.


Certains pesticides interdits mais toujours présents

Parmi les 18 pesticides pris en compte pour l'évaluation de la qualité des eaux souterraines, 14 étaient responsables d'une qualité de l'eau moyenne, médiocre ou mauvaise au cours de la période 2017 - 2020. Ces pesticides étaient tous des herbicides ou des métabolites[6] d'herbicide, hormis un métabolite de fongicide (VIS-01). Parmi ceux-ci, 7 pesticides étaient autorisés et 7 étaient interdits.

Les pesticides les plus problématiques, retrouvés en concentrations parfois très importantes dans les eaux souterraines, étaient les suivants :

  • le desphénylchloridazon (MET-B), métabolite du chloridazon, un herbicide à usage agricole utilisé principalement en culture de betteraves dont l’usage est interdit depuis juillet 2021. C’est ce métabolite qui affectait le plus les eaux souterraines ;
  • la bentazone, un herbicide à usage majoritairement agricole, qui a fait l’objet d’une restriction d’usage sur maïs en janvier 2018, mais pouvait encore être utilisé en cultures de pois et de haricots ;
  • le métazachlore ESA, métabolite du métazachlore, herbicide à usage mixte (agricole et non agricole) utilisé principalement en culture de colza ;
  • le métolachlore ESA, métabolite du métolachlore, herbicide  à usage mixte utilisé notamment en culture de maïs ;
  • la déséthylatrazine, principal métabolite de l’atrazine, un herbicide à usage mixte dont l’utilisation était autorisée jusqu’en décembre 2006. La déséthylatrazine, et dans une moindre mesure l’atrazine, font toujours partie des substances détectées en concentrations élevées dans les eaux souterraines, en raison notamment de leur mobilité et de leur persistance dans les sols et les aquifères ;
  • le 2,6-dichlorobenzamide (BAM), métabolite du dichlobénil, un herbicide total à usage principalement non agricole dont l’utilisation était autorisée jusqu’en mars 2010.
     

Pesticides* responsables d'une qualité de l'eau moyenne, médiocre ou mauvaise (2017 - 2020)** en Wallonie

* Le terme "pesticides" est utilisé indifféremment pour désigner les substances actives, leurs métabolites, leurs produits de dégradation et leurs produits de réaction.

** Évaluation de l’état patrimonial des eaux souterraines via l’indice SEQ-ESO, sur base des 18 pesticides dont le suivi est jugé le plus pertinent en Wallonie. L’isoproturon, le 2,4-dichlorophénoxyacétate (2,4-D), le 2-méthyl, 4-chlorophénoxyacétate (MCPA) et le métribuzin n’étaient soit pas détectés, soit détectés mais avec une eau qualifiée de bonne à très bonne.

*** Le desphénylchloridazon (MET-B) est un métabolite du chloridazon, un herbicide dont l'usage est interdit depuis juillet 2021.

**** Le chlorothalonil SA (VIS-01) est un métabolite du chlorothalonil, un fongicide dont l'usage est interdit depuis mai 2020.


Une contamination de plus d'un tiers des masses d'eau souterraine

Au cours de la période 2017 - 2020, sur base des 18 pesticides considérés dans le système d'évaluation SEQ-ESO, 12 masses d'eau souterraine (parmi les 34 que compte la Wallonie) présentaient une eau de qualité moyenne à mauvaise[7]. Ces masses d'eau, ainsi que 3 autres masses d'eau[8] présentant une eau de bonne qualité sur la période 2017 - 2020, étaient considérées comme "à risque"[9]. Il faut noter que les masses d'eau souterraine situées dans l'est et le sud de la Wallonie étaient relativement bien préservées, probablement parce qu’elles sont exposées à une pression phytosanitaire beaucoup plus faible (moins de surfaces cultivées et densité de population moins importante).
 

Impact des pesticides* sur la qualité des eaux souterraines en Wallonie

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* 18 pesticides considérés. Le terme "pesticides" est utilisé indifféremment pour désigner les substances actives, leurs métabolites, leurs produits de dégradation et leurs produits de réaction.

** L’état patrimonial exprime le degré de dégradation de l’eau par rapport à un état quasi naturel, sans référence à un usage quelconque.

*** Les masses d'eau à risque sont celles qui risquent de ne pas atteindre l'objectif de bon état requis par la directive-cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE q à l’horizon 2027, en raison soit de concentrations en pesticides élevées, soit d'une tendance à la hausse des concentrations en pesticides : E061 Sables du Thanétien des Flandres, E032 Craies de la vallée de la Deûle, E034 Sables du Thanétien de Rumes-Brunehaut, E013 Calcaires de Péruwelz-Ath-Soignies, E030 Craies du bassin de la Haine, M022 Calcaires et Grès dévoniens du bassin de la Sambre, M052 Sables bruxelliens des bassins Haine et Sambre, E051 Sables du Bruxellien, M012 Calcaires du bassin de la Meuse bord Sud, M011 Calcaires du bassin de la Meuse bord Nord, M021 Calcaires et Grès du Condroz, M041 Sables et Craies du bassin de la Mehaigne, E053 Sables du Landénien (Est), M040 Crétacé du bassin du Geer et M023 Calcaires et Grès de la Calestienne et de la Famenne


Une problématique prise en charge mais non résolue

Divers instruments ont été mis en place pour prévenir ou limiter l’introduction de pesticides dans les eaux souterraines. Parmi ceux-ci figure le Programme wallon de réduction des pesticides 2018 - 2022 (PWRP II) q, qui comprend des mesures telles que la mise en place du "zéro phyto" par les gestionnaires d’espaces publics au 01/06/2019 et la protection accrue des captages d’eau destinée à la consommation humaine. Un nouveau PWRP couvrant la période 2023 - 2027 (PWRP III) est en cours d’élaboration. Le projet de Programme wallon de réduction des pesticides q a été soumis à enquête publique au printemps 2022. Le PWRP devrait intégrer les objectifs de la "Stratégie de la ferme à la table" (Farm to Fork Strategyq et de la Stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 q, élaborées dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe q. Il s'agit de réduire de 50 % d'ici 2030 l'utilisation et les risques des pesticides chimiques et l'utilisation des pesticides les plus dangereux[10] par rapport à la moyenne de la période 2015 - 2017[11].

À l'avenir, la liste des substances à analyser devrait évoluer en raison de la révision en cours par la Commission européenne de la directive 2006/118/CE q, et notamment ses annexes I et II relatives aux normes de qualité et aux valeurs seuils pour les polluants des eaux souterraines.

Vu la mise sur le marché régulière de nouvelles substances actives et le temps de transfert (sol-nappe) de certains pesticides au sein des masses d’eau souterraine, la prévention et la surveillance restent des enjeux importants dans les années à venir.


[1] Le terme "pesticides" est utilisé indifféremment pour désigner les substances actives, leurs métabolites, leurs produits de dégradation et leurs produits de réaction.

[2] L’état patrimonial exprime le degré de dégradation de l’eau par rapport à un état quasi naturel, sans référence à un usage quelconque.

[3] Atrazine, déséthylatrazine, simazine, diuron, isoproturon, chlortoluron, bromacile, bentazone et 2,6-dichlorobenzamide (BAM).

[4] Desphénylchloridazon (MET-B), chlorothalonil SA (VIS-01), métazachlore ESA (BH479-8), métolachlore ESA (CGA354743), métribuzin, terbuthylazine, déisopropylatrazine, 2,4-dichlorophénoxyacétate (2,4 D), 2-méthyl,4-chlorophénoxyacétate (MCPA) q.

[5] Le seuil pour une eau de bonne qualité correspond à 50 % de la norme ou de la valeur seuil définie à l'annexe XIV du Code de l'eau : 0,1 µg/l pour chaque pesticide considéré dans le système SEQ-ESO excepté pour le 2,6-dichlorobenzamide et le métazachlore ESA (0,5 µg/l), le métolachlore ESA et le chlorothalonil SA (1 µg/l), ainsi que le desphénylchloridazon (4,5 µg/l).

[6] Par métabolites, on entend ici indifféremment les métabolites sensu stricto, les produits de dégradation et de réaction des substances actives.

[7] Eau de qualité moyenne pour 4 masses d’eau : E030 Craies du bassin de la Haine, E053 Sables du Landénien (Est), M023 Calcaires et Grès de la Calestienne et de la Famenne, M041 Sables et Craies du bassin de la Mehaigne; eau de qualité médiocre pour 1 masse d’eau : M021 Calcaires et Grès du Condroz et eau de qualité mauvaise pour 7 masses d’eau : E032 Craies de la vallée de la Deûle, E034 Sables du Thanétien de Rumes-Brunehaut, E051 Sables du Bruxellien, E061 Sable du Thanétien des Flandres, M011 Calcaires du bassin de la Meuse bord Nord, M040 Crétacé du bassin du Geer et M052 Sables bruxelliens des bassins Haine et Sambre

[8] E013 Calcaires de Péruwelz-Ath-Soignies, M012 Calcaires du bassin de la Meuse bord Sud et M022 Calcaires et Grès dévoniens du bassin de la Sambre

[9] Les masses d'eau à risque sont celles qui risquent de ne pas atteindre l'objectif de bon état requis par la directive-cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE q à l’horizon 2027, en raison soit de concentrations en pesticides élevées, soit d'une tendance à la hausse des concentrations en pesticides.

[10] Substances classées comme mutagènes, cancérogènes, toxiques pour la reproduction ou ayant des effets perturbateurs endocriniens néfastes pour l'homme ou les organismes non ciblés, ou identifiées comme substances "candidates à la substitution" q

[11] Pour plus d’informations, consulter la page internet de la Commission européenne dédiée aux objectifs de la Stratégie "De la ferme à la table" en ce qui concerne les pesticides q

Évaluation

5a4da134-a57d-4077-a363-753afb428664 Etat défavorable et évaluation de la tendance non réalisable

Défavorable
  • Référentiel : La qualité des eaux souterraines en ce qui concerne la présence de pesticides est estimée à l’aide du système d’évaluation SEQ-ESO (SPW ARNE - DEE, 2022(a)) au regard de l’état patrimonial*. Depuis 2018, 18 pesticides sont pris en considération.
  • Sur la période 2017 - 2020, 28,2 % des sites de contrôle de la qualité patrimoniale des eaux souterraines présentaient une eau dont la qualité était qualifiée de moyenne à mauvaise

* L'état patrimonial exprime le degré de dégradation par rapport à un état quasi naturel, sans référence à un usage quelconque.

Évaluation non réalisable

En raison de l'augmentation en 2018 du nombre de pesticides pris en considération dans le système d'évaluation SEQ-ESO, l'évaluation de la tendance n'est pas réalisable.

À noter qu’en considérant les 9 pesticides du SEQ-ESO initial le pourcentage de sites de contrôle affichant une qualité patrimoniale de l'eau moyenne à mauvaise du point de vue des concentrations en pesticides est passé de 21,4 % à 14,1 % entre la période 2007 - 2010 et la période 2017 - 2020.