La protection des eaux contre la pollution par le nitrate d’origine agricole est réglementée par la directive "Nitrate" 91/676/CEE q. Celle-ci est mise en œuvre en Wallonie au moyen du Programme de gestion durable de l’azote en agriculture (PGDA), entré en vigueur fin 2002 et dont le 3ème programme d’actions était en vigueur jusqu'au 14/04/2023 (PGDA III).

Les principales mesures du programme

Les mesures du PGDA III q visaient principalement :

  • le respect d’un équilibre du bilan d’azote organique (Norg) à l’échelle de l'exploitation agricole : chaque exploitation doit disposer de superficies de cultures et de prairies suffisantes pour épandre, sans risque pour les eaux souterraines, le Norg disponible sur une année q ; cet équilibre est vérifié par le taux de liaison au sol (LS) ;
  • la désignation de zones vulnérables (ZV), dont les sols sont susceptibles d’alimenter en azote des masses d'eau déjà impactées, au sein desquelles des mesures particulières sont exigées : en particulier le calcul d’un LS ZV sur base d’une norme d’épandage plus stricte et le contrôle de l’azote potentiellement lessivable (APL) ;
  • l’établissement de règles concernant l’épandage des fertilisants azotés organiques et minéraux (périodes, conditions d'épandage) et la couverture des sols nus (CIPAN[1]) ;
  • l’établissement de conditions à respecter pour la destruction des prairies permanentes ;
  • l’établissement de contrats d’épandage en cas de transferts de Norg entre exploitations et de contrats de pâturage pour comptabiliser les apports d'animaux extérieurs à l'exploitation ;
  • l'établissement de règles de stockage des effluents d'élevage, tant en infrastructures qu'au champ ;
  • l’organisation de contrôles et la mise en place d’une structure d’encadrement (PROTECT’eau q).

Près de 60 % de la superficie agricole utilisée se trouve en zones vulnérables

La désignation de ZV se fonde sur la présence dans les eaux de surface q et souterraines q de nitrate en concentration trop élevée (> 50 mg/l) et/ou sur un risque que la situation se dégrade. Les ZV comprennent le nord du sillon Sambre-et-Meuse, le Pays de Herve, le Sud Namurois et une grande partie du Condroz, soit près de 60 % de la superficie agricole utilisée.

Taux de liaison au sol respecté pour 98 % des exploitations

Le LS correspond au rapport entre les quantités de Norg disponibles sur une année au sein d’une exploitation[2] et les quantités de Norg qu'il peut épandre (capacités d’épandage autorisées). Le mode de calcul de ces capacités d'épandage détermine d’une part un LS global, calculé pour toutes les exploitations wallonnes, et d’autre part un LS ZV, calculé pour les exploitations dont au moins une parcelle se trouve en zones vulnérables[3]. L’un comme l’autre ne peuvent dépasser la valeur de 1. En 2022, ce critère était respecté pour 98 % des exploitations wallonnes[4]. À l’échelle communale, la proportion d’exploitations ne respectant pas ce critère atteignait au maximum 22 %. Toutefois, dans près des deux-tiers des communes (65 %), toutes les exploitations étaient conformes. Les communes qui présentaient les valeurs moyennes de LS[5] les plus élevées (> 0,6), c'est-à-dire dont les exploitations exerçaient en moyenne une pression plus forte, étaient presque toutes situées en zones vulnérables. Entre 2018 et 2022, 6 % des exploitations ont vu leur LS (le plus élevé entre le LS global et le LS ZV) passer sous le seuil de 0,5.

Taux de liaison au sol (LS)* des exploitations agricoles en Wallonie

* Valeurs hors exploitations marginales (moins de 90 kg d'azote organique produit et importé) et hors exploitations hors sol (LS infini).

 

Taux de liaison au sol (LS)* des exploitations agricoles en Wallonie. Moyenne par communes (2022)

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* Valeur la plus élevée entre le LS global et le LS ZV, hors exploitations marginales (moins de 90 kg d'azote organique produit et importé) et hors exploitations hors sol (LS infini). La taille des exploitations n'est pas considérée dans le calcul de la moyenne.


Azote potentiellement lessivable (APL) : près de 80 % des exploitations conformes

Au sein des zones vulnérables, des mesures de l’APL (kg N-NO3-/ha présent dans le sol en fin de saison agricole, entre le 15/10 et le 30/11) sont réalisées chaque année dans 5 % des exploitations (environ 600 exploitations) choisies aléatoirement, ainsi que dans les exploitations en programme d'observation[6]. Les exploitations sont déclarées conformes si (i) au moins deux des trois parcelles contrôlées présentent des valeurs d'APL inférieures aux limites de tolérance[7] et (ii) aucune des trois parcelles échantillonnées ne présente un dépassement de la limite de tolérance de plus de 100 % et de plus de 100 kg N-NO3-/ha. Sur la période 2014 - 2022, le taux de conformité des exploitations était compris entre 77 et 88 % selon les années. En moyenne sur la période, les taux de conformité des parcelles sous pommes de terre étaient les plus faibles (63 %), tandis que ceux des parcelles sous prairies étaient les plus élevés (97 %). Ces dernières années, la sécheresse a entrainé une hausse de l'APL pour toutes les classes de culture du fait notamment de la baisse des prélèvements de N-NO3- par les plantes. Le grand nombre de recours acceptés (36 en 2022) en a limité les répercussions sur les taux de conformité. Du point de vue environnemental, cette évolution rend encore plus nécessaire le respect strict des dispositions du PGDA, l'état de certaines masses d'eau souterraines du point de vue des concentrations en nitrate restant problématique q.

Conformité des mesures d'azote potentiellement lessivable (APL) dans les sols agricoles situés en zones vulnérables en Wallonie. Taux de conformité des exploitations contrôlées

n = nombre d'exploitations contrôlées (contrôles aléatoires et contrôles des programmes d'observation).

 

Conformité des mesures d'azote potentiellement lessivable (APL) dans les sols agricoles situés en zones vulnérables en Wallonie. Taux de conformité des parcelles contrôlées, par classes de culture

n = nombre de parcelles contrôlées, variable selon les années.


Infrastructures de stockage : 98 % des exploitations conformes

Depuis le 01/01/2016, tout éleveur wallon[8] doit avoir introduit auprès du Service public de Wallonie (SPW ARNE) une demande d’attestation de conformité des infrastructures de stockage des effluents d’élevage (ACISEE). L'ACISEE, renouvelable tous les 5 ans, est délivrée après contrôle du respect des exigences du PGDA lors d'une visite de l'exploitation. Le contrôle porte en particulier sur l'étanchéité et la capacité des infrastructures de stockage compte tenu du nombre d'animaux détenus. Ce contrôle a lieu dans un délai de 5 ans après l'introduction de la demande d'ACISEE. En juin 2023, 7 808 exploitations agricoles étaient concernées par ces dispositions du PGDA. Le taux de conformité s'élevait à 98 %. Parmi les 2 % non conformes, près des deux tiers l'étaient pour des motifs non structurels (fissure à colmater, déversoir d'orage mal réglé…).

Prochaine évaluation en 2027

Quelques améliorations ont été apportées au PGDA entre ses versions III (2014) q et IV (2023) q afin de répondre aux remarques de la Commission européenne : baisse des durées de stockage des fumiers sur surfaces perméables, révision des conditions d'épandage sur terrains en pente en tenant compte du risque de transfert latéral de nitrate, obligation de tenir un registre de fertilisation… Des propositions de modifications plus profondes (p. ex. révision du calcul du LS, prise en compte d'un APL moyen à l’échelle de la rotation ou de l'exploitation, adoption d’un APL maximal autorisé…), appelées par certains acteurs, pourraient être examinées ultérieurement. L'évaluation du PGDA IV, éventuellement suivie de sa révision, devrait avoir lieu en 2027 conformément à la directive "Nitrate" q (évaluation quadriennale).
 


[1] "Culture intermédiaire piège à nitrate" (moutarde, phacélie, avoine, ray-grass, seigle… en mélange ou non avec des légumineuses) permettant d'absorber le nitrate présent dans le sol et d'éviter les pertes par lixiviation durant l'automne/hiver.

[2] Production interne + importations - exportations d'effluents d'élevage. En cas de production excédentaire d’effluents par rapport aux capacités d'épandage autorisées, le PGDA prévoit en effet la possibilité de transferts entre exploitations (contrats d'épandage), de façon à rétablir l’équilibre. Ce type d’échanges permet aussi de mieux valoriser globalement les ressources en Norg. Le LS global et le LS ZV intègrent ces transferts (importations, exportations).

[3] Pour le calcul du LS global (pour chacune des exploitations wallonnes), les quantités autorisées de Norg épandables sont obtenues en multipliant les superficies (ha) de cultures et de prairies de l'exploitation par les normes d’épandage de 115 kg Norg/ha et 230 kg Norg/ha respectivement. Pour le calcul du LS ZV (pour les exploitations dont au moins une parcelle se trouve en zones vulnérables), une norme moyenne (cultures et prairies) de 170 kg Norg/ha est utilisée pour la(les) parcelle(s) située(s) en zones vulnérables, les autres normes restant d'application pour les éventuelles parcelles situées hors zones vulnérables.

[4] Hors exploitations marginales (moins de 90 kg d'azote organique produit et importé) et hors exploitations hors sol (LS infini).

[5] Moyenne par communes des LS (le plus élevé entre le LS global et le LS ZV) des exploitations situées sur le territoire communal. La taille des exploitations n'a pas pu être prise en compte dans ce calcul. Elle devrait l'être pour une meilleure estimation des pressions.

[6] Toute exploitation non conforme est soumise à un programme d'observation au cours duquel des contrôles sont effectués chaque année, jusqu'à conformité durant 2 années consécutives. Les statistiques présentées ici portent sur les résultats des contrôles aléatoires et des contrôles des programmes d'observation.

[7] Les limites de tolérance sont établies chaque année pour 8 classes de cultures et pour les prairies, sur base de mesures d'APL effectuées dans près de 300 parcelles d'une cinquantaine d'exploitations agricoles de référence encadrées par Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège) et ELIA (UCLouvain), membres scientifiques de PROTECT’eau q. Ces exploitations mettent en œuvre les bonnes pratiques agricoles nécessaires à la protection des eaux contre la pollution par le nitrate à partir de sources agricoles, telles que définies par le PGDA.

[8] Exploitations produisant plus de 500 kg d'azote par an.

Évaluation

c83f934c-34dd-4797-8711-4b1ac21836d1 Etat légèrement défavorable et tendance globalement stable

Légèrement défavorable
  • Référentiel : directive "Nitrate" 91/676/CEE q et obligations du Programme de gestion durable de l’azote en agriculture (PGDA III) q
  • Parmi les indicateurs suivis, deux témoignent d'une situation favorable : 98 % des exploitations agricoles étaient conformes pour le taux de liaison au sol (LS) en 2022 et pour les infrastructures de stockage des effluents d'élevage en 2023. Par contre, la situation est légèrement défavorable concernant l'azote potentiellement lessivable (APL) : 83 % des exploitations situées en zones vulnérables étaient conformes en 2022, témoignant d'une marge de progrès possible. Ce dernier indicateur prévaut dans l'évaluation globale parce qu'il occupe une place particulière en tant qu'indicateur de résultat portant sur les sols situés en zones vulnérables.
Globalement stable

Le taux de conformité des exploitations agricoles pour le taux de liaison au sol est passé de 94 % à 98 % entre 2008 et 2018 et s'est stabilisé jusque 2022 à cette valeur. Pour les infrastructures de stockage, le taux de conformité est passé de 95 % en 2018 à 98 % en 2023. Pour l'azote potentiellement lessivable, la situation est restée globalement stable sur la période 2014 - 2022, avec des taux de conformité compris entre 77 et 88 %.