Les produits phytopharmaceutiques (PPP) sont utilisés essentiellement pour protéger les végétaux contre les organismes nuisibles, pour réguler leur croissance et pour lutter contre les végétaux indésirables. L’exposition à ces substances et à leurs résidus peut présenter des risques pour la santé humaine et l’environnement. La directive 2009/128/CE q impose des plans d’action nationaux[1] en vue de réduire ces risques et d’encourager notamment l’introduction de méthodes de substitution.

Des usages majoritairement professionnels

En 2020, la quantité totale de substances actives (s.a.) de PPP vendues en Belgique s’élevait à 5 518 t. Les parts liées aux utilisateurs professionnels[2] et non professionnels (particuliers) q représentaient respectivement 97,4 % (5 374 t) et 2,6 % (144 t).

Les quantités totales de s.a. de PPP vendues en Belgique ont diminué entre 1995 et 2010, passant de 10 512 t à 5 141 t. Différents facteurs peuvent expliquer cette diminution : la substitution de s.a. appliquées à une dose à l’hectare élevée par des s.a. de nouvelle génération efficaces à de plus faibles doses, les restrictions/interdictions d’usage de s.a. dont les doses autorisées étaient élevées[3], l’application plus raisonnée des PPP par les agriculteurs, le développement d’outils d’aide à la décision (réseaux d’observations et d’avertissements[4]), la croissance des superficies dédiées à l’agriculture biologique q… À ces facteurs s'ajoute une utilisation moindre de PPP en 2010 en raison de conditions climatiques clémentes. Entre 2010 et 2011, les quantités totales de s.a. vendues ont augmenté pour atteindre 6 201 t (+ 20,6 %). Elles se sont ensuite globalement stabilisées jusqu’en 2020, avec cependant des valeurs plus élevées (7 036 t en 2014) ou moins élevées (5 518 t en 2020) en fonction des conditions météorologiques plus ou moins favorables au développement de certaines maladies[5].

La part des quantités vendues aux utilisateurs non professionnels s’est fortement réduite au cours du temps : de 30 % en 1995 et en 2005, elle a oscillé entre 2,2 % et 4,1 % pour la période 2010 - 2020, à l’exception de l’année 2018 où elle s’élevait à 6,0 %. La baisse importante est principalement due au retrait du marché du chlorate de soude en 2009 et à la diminution des ventes de sulfate de fer[6]. L’augmentation de la part des quantités de s.a. vendues aux utilisateurs non professionnels en 2018 s’explique principalement par la hausse des ventes d’herbicides, défanants et agents antimousse, suite à la substitution du glyphosate, interdit[7], par l’acide pélargonique et l’acide acétique[8].

Ventes de produits phytopharmaceutiques en Belgique, par types d’utilisateurs

* Agriculteurs, entrepreneurs de parcs et jardins, gestionnaires des infrastructures ferroviaires, gestionnaires des espaces publics...

** Particuliers.


Fongicides et herbicides en tête des ventes chez les utilisateurs professionnels

À l’échelle de la Belgique, le groupe des fongicides et des bactéricides correspondait en 2020 aux ventes les plus élevées de s.a. chez les utilisateurs professionnels (40,8 %, soit 2 193 t)[9]. Le mancozèbe, destiné principalement à lutter contre le mildiou en culture de pommes de terre, était le fongicide le plus vendu (901 t), suivi par le soufre (289 t) et le captane (203 t). Le groupe des herbicides, défanants et agents antimousse représentait quant à lui 33,4 % des ventes attribuables aux utilisateurs professionnels (soit 1 794 t), les herbicides les plus vendus étant le glyphosate (415 t) et le prosulfocarbe (236 t).

Sur la période 1995 - 2020, les fongicides et bactéricides et les herbicides, défanants et agents antimousse constituaient les groupes de substances actives les plus vendus (en moyenne, 78,1 % des quantités vendues).

Ventes de produits phytopharmaceutiques en Belgique aux utilisateurs professionnels*, par grands groupes de substances actives

* Agriculteurs, entrepreneurs de parcs et jardins, gestionnaires des infrastructures ferroviaires, gestionnaires des espaces publics...


En 2020, chez les utilisateurs non professionnels, les ventes de s.a. les plus élevées concernaient le groupe des herbicides, défanants et agents antimousse (89,4 %, soit 129 t). Parmi ceux-ci, l’acide pélargonique était l’herbicide le plus vendu (76 t), suivi par le sulfate de fer (29 t) et l’acide acétique (23 t).

Les pommes de terre nécessitent plus de PPP que les autres cultures

En Wallonie[10], parmi les principales grandes cultures, les pommes de terre de conservation présentaient en 2020 la dose d’utilisation la plus élevée (15,3 kg de s.a./ha). Elles étaient suivies des betteraves sucrières (5,4 kg/ha) et du froment d'hiver (2,3 kg/ha). Les prairies permanentes se caractérisaient par la dose d'utilisation la plus faible (0,03 kg/ha)[11]. Entre 2004 et 2020, à l’exception des pommes de terre, les doses utilisées présentaient une tendance relativement stable. Les pics observés en cultures de pommes de terre peuvent être reliés aux conditions climatiques favorables au développement du mildiou.

Quantités de substances actives de produits phytopharmaceutiques appliquées par hectare sur les principales cultures en Wallonie*

* Extrapolation à l'échelle de la Wallonie à partir des données du réseau d'information comptable agricole du SPW ARNE - DEMNA pour 15 cultures. 


Pour compléler l'analyse de ces données, il convient de tenir compte des superficies dévolues à ces cultures en Wallonie q. En 2020, les prairies permanentes se démarquaient de toutes les autres cultures par l’importance des superficies qu’elles occupaient (252 265 ha en agriculture conventionnelle) et par des quantités totales de s.a. utilisées assez réduites (7 907 kg). Le froment d'hiver représentait la 2ème culture la plus importante en termes de superficie (118 396 ha) et de quantités totales de s.a. utilisées (275 143 kg). Quant aux pommes de terre de conservation, elles  occupaient une superficie approximativement trois fois plus faible que celle du froment d’hiver (42 547 ha) mais se caractérisaient par les quantités totales de s.a. utilisées les plus élevées (652 070 kg).

Relation entre la quantité totale de substances actives de produits phytopharmaceutiques appliquées sur les principales cultures* et leur superficie en Wallonie (2020)

* Extrapolation à l'échelle de la Wallonie à partir des données du réseau d'information comptable agricole du SPW ARNE - DEMNA pour 15 cultures.


Des doses d’utilisation plus élevées dans le nord de la Wallonie

Les utilisations agricoles de PPP ne sont pas homogènes sur le territoire wallon. En 2020, la Région limoneuse, la Région sablo-limoneuse et le Condroz présentaient les doses moyennes d’utilisation les plus élevées, avec 3,6 kg de s.a./ha, 2,8 kg/ha et 2,0 kg/ha respectivement. Les régions agricoles avec les doses moyennes d’utilisation les plus faibles étaient la Haute Ardenne (0,1 kg/ha), l’Ardenne (0,2 kg/ha), la Région herbagère (0,3 kg/ha) et la Région jurassique (0,3 kg/ha). Ces différences s’expliquent par le type de productions végétales présentes dans chaque région agricole q :  le nord de la Wallonie (Région sablo-limoneuse, Région limoneuse et Condroz) est dominé par des grandes cultures (céréales, betteraves, pommes de terre, maïs…), alors que le sud et l’est sont principalement occupés par des prairies permanentes.

Quantité moyenne de substances actives de produits phytopharmaceutiques appliquée par hectare sur les terrains agricoles en Wallonie*, par régions agricoles (2020)

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* Extrapolation à l'échelle de la Wallonie à partir des données du réseau d'information comptable agricole du SPW ARNE - DEMNA pour 17 cultures.

** Terrains non dédiés aux 17 cultures ayant fait l’objet d’une extrapolation à l’échelle de la Wallonie, terrains artificialisés, terrains boisés...


Des mesures pour tenter de réduire l'utilisation des PPP

Diverses mesures visant à réduire l’utilisation des PPP ont été prises en Wallonie suite à la mise en œuvre du 1er et du 2ème Programme wallon de réduction des pesticides (PWRP 2013 - 2017 q et PWRP 2018 - 2022 q) : l’interdiction d’utiliser des PPP dans les espaces fréquentés par des groupes vulnérables (crèches, écoles, hôpitaux...) (depuis le 01/06/2018), l’interdiction d’utiliser des PPP dans les espaces publics (depuis le 01/06/2019), le respect d’une zone tampon de 6 m le long des eaux de surface (depuis le 01/09/2014)…

Le 3ème PWRP (PWRP 2023 - 2027) q a été adopté par le Gouvernement wallon le 20/10/2022. Ce programme maintient certaines mesures des PWRP précédents et en propose d’autres (favoriser l’investissement pour l’achat d’équipements permettant de réduire l’utilisation des PPP et encourager les achats groupés de tels équipements p. ex.). Il reprend les objectifs fixés dans la Stratégie européenne "De la ferme à la table" (Farm to Fork Strategy)[12] : une réduction de 50 % de l’utilisation et des risques des PPP chimiques ainsi que de l’utilisation des PPP les plus dangereux d’ici 2030 par rapport à la moyenne de la période 2015 - 2017[13].

 


[1] En Belgique, le plan d’action national (Nationaal actie plan d’action national, NAPAN) comprend un plan d’action fédéral et un plan d’action pour chaque Région. Le Programme wallon de réduction des pesticides (PWRP) représente le plan d’action wallon.

[2] Agriculteurs, entrepreneurs de parcs et jardins, gestionnaires des infrastructures ferroviaires, gestionnaires des espaces publics...

[3] Par exemple : chlorate de soude, bromure de méthyle, bentazone, simazine, diuron, dichlobénil…

[4] Pour une culture donnée et un organisme nuisible donné, avis diffusé aux agriculteurs concernant la nécessité de réaliser ou non un traitement phytosanitaire sur base des observations faites à la parcelle et des conditions météorologiques.

[5] En 2014, les températures ont été plus élevées que la normale et les précipitations particulièrement importantes en juillet et en août. Ces conditions ont eu pour effet l’apparition de maladies lors de l’été 2014 : mildiou, oïdium et rouille en betteraves, rouille jaune et septoriose en céréales et mildiou en pommes de terre. En 2020, année plus sèche, les traitements antifongiques ont été moindres que pour les autres années dans certaines cultures.

[6] La diminution des ventes de sulfate de fer s’explique par une utilisation croissante d’antimousses à base d’EDTA (éthylènediaminetétraacétate) disodique et de sulfate de fer en remplacement de produits composés uniquement de sulfate de fer, la dose efficace d’un produit avec EDTA disodique étant nettement plus faible que celle d’un produit n’en contenant pas.

[7] La Belgique a interdit la vente et l’utilisation par des utilisateurs non professionnels d’herbicides totaux (glyphosate p. ex.) ou sélectifs, à l’exception des PPP à faible risque et des PPP contenant comme s.a. des micro-organismes, des extraits de plantes et des substances naturelles (AR du 16/09/2018 q). Cette interdiction est d'application depuis le 06/10/2018. Pour plus d’informations, voir le site internet de Phytoweb q.

[8] En 2018, une forte augmentation des ventes d’acide pélargonique (24 t en 2017 versus 174 t en 2018) et d’acide acétique (2 t en 2017 versus 16 t en 2018) était observée. Cette hausse s’explique par plusieurs facteurs, dont notamment le retrait du glyphosate pour les utilisateurs non professionnels q, la substitution de produits commerciaux contenant du glyphosate par des produits commerciaux de dénomination identique mais contenant de l’acide pélargonique ou de l’acide acétique, et des concentrations élevées en acide pélargonique et en acide acétique dans les produits commerciaux mis sur le marché.

[9] En 2020, les quantités vendues de bactéricides étaient nulles. Il s’agissait exclusivement de fongicides.

[10] Extrapolation à l’échelle de la Wallonie à partir des données du réseau d’information comptable agricole du SPW ARNE - DEMNA.

[11] Dose se rapportant aux prairies permanentes wallonnes gérées en agriculture conventionnelle.

[12] La Stratégie "De la ferme à la table" q a été élaborée par la Commission européenne en 2020 q. Le cadre législatif permettant sa mise en œuvre est en cours d’élaboration.

[13] Pour plus d’informations, consulter la page internet de la Commission européenne dédiée aux objectifs de la Stratégie "De la ferme à la table" en ce qui concerne les pesticides q.

Évaluation

096817a9-0556-4bbf-941a-0a4b14e8bf54 Évaluation de l'état non réalisable et tendance globalement stable

Évaluation non réalisable

Pas de référentiel.

Le Programme wallon de réduction des pesticides (PWRP) 2018 - 2022 q ne contenait pas d’objectifs chiffrés concernant les quantités de substances actives (s.a.) de produits phytopharmaceutiques (PPP) vendues et/ou utilisées.

Les objectifs de la Stratégie "De la ferme à la table" (Farm to Fork Strategy q) sont fixés à l’horizon 2030 (réduction de 50 % de l’utilisation et des risques des PPP chimiques ainsi que de l’utilisation des PPP les plus dangereux d’ici 2030 par rapport à la moyenne de la période 2015 - 2017). Ils doivent par ailleurs encore être inscrits dans la législation européenne.

Globalement stable

Les quantités de s.a. de PPP utilisées sur les principales cultures wallonnes (15 cultures considérées, représentant en moyenne 89 % de la SAU sur la période 2004 - 2020) sont restées relativement stables entre 2004 et 2020 (elles oscillaient entre 1 176 t de s.a. et 1 565 t de s.a. selon les années).

À noter qu'en toute rigueur, l'évaluation de la tendance devrait tenir compte des quantités totales de s.a. de PPP utilisées par le secteur agricole wallon toutes cultures confondues, ainsi que des quantités utilisées par les autres types d'utilisateurs en Wallonie.

Il faut remarquer qu’une diminution des quantités utilisées ne signifierait pas pour autant une diminution des risques liés à l’utilisation des PPP, le risque étant fonction de nombreux facteurs dont la toxicité des s.a.