La Wallonie a été l’une des premières régions au monde à s’industrialiser à la fin du 19ème siècle. Longtemps résumé aux fleurons de l’industrie lourde (sidérurgie, verrerie…), le secteur est aujourd’hui très diversifié, tant au niveau de la taille des entreprises que des activités qu’elles exercent : scierie familiale, PME active dans l’aéronautique, grande entreprise du secteur chimique ou agroalimentaire… Vecteurs d’emplois et créateurs de richesse, les industries sont sources de pressions environnementales, dont la nature et l’intensité varient selon le type d’activités. Elles peuvent s’exercer tant en "entrée" (consommation d’énergie, d’eau, de matières, en sol…) qu’en cours de processus ou en "sortie" (émissions dans l’air, rejets dans l’eau, génération de déchets…). Par ailleurs, la dangerosité de certains composants utilisés nécessite de maitriser au maximum le risque d’accident (incendie, déversement accidentel, explosion…). Pour ces différentes raisons le secteur industriel fait l’objet d’une attention particulière de la part des autorités depuis de nombreuses années. Les législateurs européens, belges et wallons ont imposé une série de mesures qui ont poussé les entreprises à s’adapter
L’industrie wallonne, un secteur diversifié
En 2019, l’industrie extractive et manufacturière wallonne représentait 10 % de l’emploi et 15 % du produit intérieur brut (PIB) en Wallonie. Au-delà de ces deux indicateurs, l’industrie contribue indirectement à créer de l’emploi et de la richesse dans les autres secteurs dont celui du tertiaire en externalisant une partie de ses activités (comptables, juridiques…) et en alimentant la chaine de distribution (logistique, activités commerciales…). Le secteur wallon de l’industrie comptait 5 384 sites en 2019 dont la grande majorité occupaient 50 salariés ou moins. Au niveau belge, 91 % des entreprises sont dans ce cas. La densité des activités industrielles est plus forte le long du sillon Haine-Sambre-Meuse, à proximité des noyaux d’habitat (agglomérations de Tournai, Mons, Charleroi et Liège).
En 2019, la principale branche industrielle en ce qui concerne la création de richesse était l’industrie pharmaceutique et chimique (37 % du PIB de l’ensemble du secteur de l’industrie) suivie par l’industrie agroalimentaire (13 %). Les grandes entreprises de l’industrie lourde (sidérurgie, industrie du ciment, du verre…) ont longtemps structuré le paysage économique et social wallon. Les secteurs d’activités auxquels elles sont rattachées restent très présents en Wallonie puisque le secteur du métal (sidérurgie, façonnage du métal…) représentait, en 2019, 12 % du PIB industriel, et le secteur de la fabrication de produits minéraux (béton, ciment, verre, chaux…), 11 %. Les secteurs de la fabrication de matériel de transport (6 %) et du travail du bois et du papier (4 %) sont également bien implantés en Wallonie. Ces 6 secteurs rassemblaient environ 85 % du PIB industriel wallon. Les 15 % restant comprenaient les autres secteurs de l’industrie manufacturière (fabrication de machines, d’équipements électriques, industrie textile…) ainsi que l’industrie extractive (carrières : 1,3 % du PIB industriel). À noter que les secteurs de la construction, de l’énergie, de l’eau et de la gestion des déchets, qui ne font pas partie de l’industrie extractive et manufacturière, ne sont pas traités ici.
Les pressions environnementales liées à l’industrie
Consommation énergétique en baisse, énergies alternatives en hausse
Avec 40 TWh d’énergie consommée, l’industrie représentait environ un tiers de la consommation finale énergétique[1] en Wallonie en 2018. Historiquement énergivore, le secteur de l’industrie a vu sa consommation d’énergie baisser fortement dans les années 2000 (- 42 % entre 2000 et 2018). Dans le même temps, l’industrie créait de plus en plus de valeur : alors qu’il fallait en moyenne 6,6 kWh d’énergie pour produire 1 euro de valeur ajoutée en 2000, il n’en fallait plus que 3,0 en 2018. La réduction progressive de l’activité puis la fermeture de sites dans le secteur sidérurgique explique en grande partie la baisse des consommations. Des efforts ont cependant été réalisés par l’ensemble de l’industrie, à la fois pour répondre à des impulsions publiques, avec notamment le système des accords de branche (abordé plus loin), mais également pour réduire les coûts de production des entreprises, la baisse des consommations d’énergie étant un enjeu de compétitivité économique.
En 2018, les principales sources d’énergie utilisées à des fins énergétiques par l’industrie étaient le gaz naturel (34 %) et l’électricité (25 %), alors que, encore en 2000, le charbon (y compris lignite et gaz dérivés) était la première source d’énergie utilisée, avec 35 % des consommations. À la suite notamment des fermetures des hauts-fourneaux, cette source d’énergie ne représentait plus que 11 % des consommations en 2018, une part qui reste cependant significative compte tenu des plus fortes pressions environnementales liées à l’utilisation de ce combustible, en particulier en termes d’émissions de gaz à effet de serre par unité d’énergie consommée. Une autre évolution notable est le recours de plus en plus fréquent à des sources d’énergie alternatives (chaleur issue de la cogénération, énergie issue de sources renouvelables, incinération de déchets), qui représentaient 25 % de la consommation finale énergétique de l’industrie en 2018, contre 11 % en 2000. Les installations de cogénération sont particulièrement adaptées pour les processus industriels puisqu’elles permettent de générer par combustion de l’électricité ou de la force motrice (pour faire tourner les machines, les pompes…) tout en valorisant la chaleur dégagée lors de cette combustion (pour provoquer des réactions chimiques, sécher des produits…). L’industrie wallonne comptait 61 installations de cogénération en 2018, qui étaient à l’origine de 85 % de la production d’électricité et de 95 % de la production de chaleur issues de la cogénération en Wallonie.
Les tendances positives enregistrées tant au niveau des consommations d’énergie que de l’utilisation de sources d’énergie alternatives devront se poursuivre afin de rencontrer les objectifs énergétiques wallons, dont celui de la neutralité carbone[2] à l’horizon 2050. Pour y parvenir, le Plan air climat énergie à l’horizon 2030, actuellement en cours d’élaboration, promouvra entre autres la chaleur renouvelable (solaire thermique, pompe à chaleur, biomasse) et le recours plus fréquent à l’électricité, dont l’impact positif sur le climat et l’environnement dépend toutefois des sources d’énergie employées pour sa production. Par ailleurs, une troisième génération d’accords de branche est prévue à partir de 2023. Les accords de branche, mis en place depuis le début des années 2000, sont des partenariats conclus entre le Gouvernement wallon et différents secteurs industriels. Chacune des parties s’y retrouve : les entreprises, qui rejoignent les accords de manière volontaire, disposent d’avantages financiers et administratifs tandis que les autorités publiques obtiennent de leur part, via ce système, un engagement sur l’atteinte d’objectifs en matière d’efficacité énergétique et de baisse des émissions de CO2. En 2019, les accords de branche concernaient plus de 231 entreprises représentant environ 95 % de la consommation d’énergie de l’industrie wallonne.
Des émissions atmosphériques importantes mais en baisse
Comme les autres activités humaines, les activités industrielles génèrent des émissions de gaz à effet de serre, responsables des changements climatiques, et des émissions de polluants atmosphériques, susceptibles d'impacter directement ou indirectement la qualité de l’air et in fine l’environnement et la santé humaine. Les émissions de l’industrie proviennent de processus de combustion (chaudières, fours, moteurs…) ainsi que de certains procédés de production (fabrication d’engrais, cuisson de matières calcaires en cimenterie, production de chaux, production d’ammoniac et d’acide nitrique...). En 2019, l’industrie était responsable de 30 % des émissions wallonnes de gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O), de 43 % des émissions d’éléments traces métalliques (zinc, plomb, chrome…), de 35 % des émissions de particules (PM10), de 23 % des émissions de précurseurs d’ozone (NOx, composés organiques volatils), et de 20 % des émissions de substances acidifiantes (NOx, SOx). Même si la part de l’industrie dans le total des émissions wallonnes restait importante en 2019, il faut souligner que l’ensemble de ces émissions a diminué de manière significative depuis 2000, de - 56 % pour les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à - 87 % pour les émissions d’éléments traces métalliques. De ce fait, l’industrie a joué un rôle important dans la réduction globale des émissions atmosphériques en Wallonie, compensant parfois les moins bons résultats enregistrés dans d’autres domaines d’activités (les émissions de gaz à effet de serre dans les transports en particulier). Plusieurs facteurs expliquent cette évolution favorable :
- des changements dans la structure du tissu industriel wallon ont entrainé une diminution d’activités dans des secteurs énergivores (dont l’industrie sidérurgique). Cette dynamique a été accélérée par la crise de 2008 qui a précipité la diminution de la production et/ou la fermeture de certains outils, notamment les hauts-fourneaux à Ougrée et Marcinelle. Il est toutefois à noter que les délocalisations d’entreprises, même si elles améliorent le bilan environnemental wallon, déplacent les pressions sur l’environnement à l’étranger et peuvent même les aggraver globalement (normes environnementales moindres à l’étranger, émissions accrues en raison de transports plus longs…) ;
- des investissements réalisés par les industries ont permis d’améliorer leur efficacité énergétique et/ ou de diminuer les émissions de polluants atmosphériques : utilisation de combustibles moins émetteurs, réduction des émissions en sortie (lavage des fumées, traitement catalytique...) ;
- des normes plus strictes portant sur les combustibles utilisés ont été fixées: désulfuration du fioul lourd et du gasoil, mise sur le marché de produits à faible teneur en composés organiques volatils...
Une partie des émissions industrielles étant issues de processus de combustion, les mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique ou à utiliser des sources d’énergie alternatives impactent directement le niveau des émissions du secteur. Le système des accords de branche, évoqué plus haut, vise ce double objectif de meilleure efficacité énergétique et de moindres émissions. En outre, de nombreuses industries sont soumises au marché du carbone européen (qui rassemble les industries et installations qui émettent le plus de CO2), entré dans sa quatrième phase en 2021. Ce système garantit une baisse des émissions cumulées des entreprises concernées en fixant au niveau européen un plafond d’émissions global qui diminue progressivement au cours du temps. Des quotas d’émissions sont alloués aux entreprises, qui peuvent se les échanger contre rémunération en fonction de leur capacité à réduire leurs émissions mais sans modifier le plafond global fixé. D’autres outils législatifs existent, dont certains concernent plus spécifiquement la qualité de l’air. Le permis d’environnement (abordé plus loin) intègre ainsi des normes d’émissions de polluants atmosphériques à respecter.
Sol : un impact principalement historique
La part du territoire wallon utilisé par des sites industriels est inférieure à 1 % (environ 16 000 hectares). Près de la moitié est située dans les provinces du Hainaut et de Liège. L’industrie extractive (carrières p. ex.) utilise à elle seule plus de 5 000 hectares en Wallonie. Comme toute construction de bâtiment ou d’infrastructure, le développement de nouveaux sites industriels participe à l’artificialisation du territoire wallon, toutefois sans commune mesure avec l’expansion des terrains résidentiels. La réhabilitation de friches industrielles, à nouveau promue par le Gouvernement dans le Plan de relance de la Wallonie, est toutefois une solution permettant d’accueillir de nouvelles activités tout en évitant une consommation supplémentaire en sol.
À côté de la consommation en sol, les activités menées par les industries peuvent dégrader les sols, avec comme conséquence des impacts environnementaux et sanitaires mais également économiques, puisque la présence de pollution complique la réutilisation de terrains pour d’autres activités. Début 2021, la superficie des sites où était (ou avait été) exercée au moins une activité de nature industrielle potentiellement polluante pour les sols et les eaux souterraines était estimée à 6 157 hectares[3]. Les enjeux liés à la pollution du sol sont actuellement pris en compte par les entreprises à travers l’application du décret "Sols" et le permis d’environnement. Afin de contrôler l’état des sols, le Service public de Wallonie (SPW) identifie les parcelles sur lesquelles ont eu lieu ou ont lieu des activités susceptibles d’entrainer une pollution du sol et/oudes eaux souterraines. Il peut s'agir d'activités historiques (cockerie, charbonnage, dépotoir p. ex.) ou non (stockage et utilisation d’hydrocarbures, de solvants, de déchets, industrie chimique, industrie agroalimentaire p. ex.). Ces parcelles font l’objet d’un suivi spécifique pour contrôler la présence ou l’absence de pollution du sol à différents moments de vie de l’entreprise avec, le cas échéant, l’obligation de réaliser un assainissement pour restaurer le sol, en application du principe du pollueur-payeur. Ce mécanisme implique des investissements préventifs de la part des entreprises : étanchéisation du sol, mise en place de zones de rétention, placement de caniveaux pour reprise de débordements accidentels… Cette politique de protection des sols, progressivement développée depuis la fin des années '90, explique que les nouvelles pollutions des sols sont rares. Dans la plupart des cas, les sols pollués sont l’héritage de pratiques du passé qui n'étaient pas suffisamment encadrées par la législation. Dans ces situations, l’application du principe du pollueur-payeur est souvent irréalisable, car non seulement il est difficile d’identifier clairement le pollueur mais, de plus, celui-ci peut entre-temps avoir cessé son activité. La gestion de ces terrains repose alors sur des financements publics.
À côté de ces pollutions locales, l’industrie impacte également la qualité des sols à travers ses émissions dans l'air, en particulier celles de poussières dites "sédimentables", qui se déposent sur les sols à quelques centaines de mètres de leur lieu d’émission. Ces poussières contiennent notamment des éléments traces métalliques (zinc, plomb, chrome…) qui peuvent s’accumuler dans les sols récepteurs. Ces pollutions diffuses, dont les retombées sont suivies par un réseau de mesures spécifique, sont en baisse depuis le début des années 2000. Les sols ont toutefois gardé des traces des émissions historiques, ce qui explique en partie les concentrations parfois élevées en polluants trouvées sur des sites n’ayant pas accueilli d’activités industrielles par le passé.
Des rejets dans les eaux de plus en plus contrôlés
Les industries implantées en Wallonie ont utilisé environ 198 millions de m³ d’eau en 2018. Cette consommation représentait 11 % du total des volumes prélevés en Wallonie[4]. Les volumes utilisés par l’industrie ont considérablement diminué entre 2008 et 2018 (- 49 %), une baisse des consommations qui s’est observée dans tous les secteurs, en particulier dans celui du métal (- 84 %). L’eau est utilisée par le secteur industriel pour de nombreux usages : elle peut être utilisée directement en tant que matière première (production de boisson, fabrication de certains produits chimiques…), comme agent de solubilisation ou de dispersion, comme moyen de refroidissement, de condensation et de production de la vapeur ou encore à des fins de nettoyage. Ces usages (qui conditionnent la qualité requise de l’eau), tout comme la facilité d’accès ou le coût, influencent le choix des sources d’approvisionnement en eau de l’industrie. L’eau utilisée par le secteur de l’industrie a pour origines principales les eaux de surface (46 % : rivières, canaux…) et les eaux souterraines (29 %). Viennent ensuite l’eau de pluie (17 %) et l’eau de distribution (7 %).
La composition des eaux usées industrielles dépend des activités des entreprises. En plus des matières organiques et de divers contaminants que l’on peut aussi retrouver dans les eaux usées domestiques, elles peuvent contenir des substances spécifiques aux activités du secteur (éléments traces métalliques et autres substances toxiques…). Elles peuvent par ailleurs être rejetées à des températures supérieures à celles du milieu récepteur lorsqu’elles sont utilisées à des fins de refroidissement. Les eaux usées industrielles font l’objet d’un suivi via le permis d’environnement, qui impose aux entreprises de renseigner notamment leurs points de rejets, les débits ou encore les activités qui en sont à l’origine. Les rejets de certains polluants (dont l’azote, le phosphore, les matières organiques, les éléments traces métalliques et les matières en suspension) font en outre l’objet d’un suivi via la taxe sur les eaux usées industrielles, qui concerne plus de 1 200 entreprises en Wallonie. La majorité des charges polluantes (au moins 70 %) est rejetée dans les eaux de surface (rivières, canaux…), après traitement éventuel sur le site de l’entreprise (station d’épuration industrielle) afin de respecter les normes reprises au permis d’environnement. Les eaux usées industrielles peuvent également rejoindre le réseau d’égouts publics et sont alors traitées par les stations d’épuration collectives. Dans ce cas, les coûts d’assainissement sont réglés via un contrat entre l’organisme d’assainissement et l’entreprise, alors dispensée de la taxe.
Les charges polluantes des eaux usées industrielles ont évolué de façon contrastée entre 2007 et 2017. Alors que les rejets d’éléments traces métalliques (zinc, chrome...) et de matières organiques ont baissé respectivement de 47 % et de 32 % entre 2007 et 2017, les rejets en phosphore ont augmenté ces dernières années pour atteindre, en 2017, un niveau supérieur de 28 % à celui de 2007. Les rejets en matières en suspension et en azote montrent quant à eux des évolutions moins tranchées, avec des rejets fluctuants autour du niveau de 2007, parfois à la hausse (début des années 2010, 2017), parfois à la baisse (entre 2013 et 2016 notamment). Les évolutions favorables sont essentiellement la conséquence de normes de plus en plus strictes qui ont encouragé les industriels à faire des investissements (mise en circuit fermé des eaux, installation de stations d’épurations…) ou à modifier leurs procédés.
L’impact des pollutions industrielles sur les masses d’eau dépend du contexte dans lequel elles s’exercent : pressions supplémentaires issues d’autres acteurs, vulnérabilité de la masse d’eau… Pour les masses d’eau de surface, une manière d’approcher l’incidence des pressions est de mesurer le nombre de masses d’eau déclassées, c'est-à-dire dont l’état a été évalué comme insuffisamment bon du point de vue de la législation en vigueur. L’industrie était identifiée comme principale responsable du déclassement de 8 masses d’eau de surface (sur 352) en 2016, mais ses rejets de polluants participaient, en conjonction avec ceux des autres secteurs (agriculture, ménages), au déclassement de nombreuses autres masses d’eau de surface, principalement situées au nord du sillon Sambre-et-Meuse et en particulier dans le district de l’Escaut.
En ce qui concerne les masses d’eau souterraine, la responsabilité de l’industrie est plus difficile à déterminer car les pollutions sont diffuses et en grande partie historiques. En effet, les rejets directs en eau souterraine étant interdits, les pollutions détectées sont généralement le fait d’accidents, de défauts d’étanchéité des installations ou d’activités antérieures. Les estimations réalisées dans le cadre de l’élaboration des troisièmes Plans de gestion des districts hydrographiques (PGDH) concluent que 2 masses d’eau souterraine (sur 34) ont été déclassées pour des paramètres qui indiquent une pollution qui pourrait être d’origine industrielle, historique ou collective[5].
Menace d’accidents : des mesures de prévention et une surveillance active
Certaines activités industrielles sont susceptibles d’être à l’origine ou d’accroître le risque d’un accident majeur dont les conséquences pourraient être néfastes pour l’environnement et/ou la santé humaine. Ces installations, soumises à une surveillance rigoureuse, font l’objet d’une législation spécifique au niveau européen, à savoir les directives dites "Seveso"[6], qui mettent notamment l’accent sur les mesures de prévention, la diffusion d’informations auprès du public et la gestion en cas d’accident (plan d’urgence notamment). La Wallonie compte un peu plus d’une centaine de sites "Seveso", principalement répartis le long du sillon Haine-Sambre-Meuse.
Un gisement de déchets largement valorisé
Selon des données compilées dans le cadre du Plan wallon des déchets-ressources[7], les déchets de l’industrie représenteraient environ un tiers du gisement total de déchets wallons, ce qui placerait le secteur derrière celui de la construction (environ 40 %) en termes de gisement généré. En 2018, le secteur industriel a généré un gisement de 6 millions de tonnes de déchets. Découlant directement de la production et donc de l’activité économique, le gisement a connu une baisse importante en 2009 (crise économique) et affiche depuis lors une tendance orientée à la hausse, tout en restant inférieur aux niveaux atteints au début des années 2000 (globalement baisse de 11 % entre 2000 et 2018).
En 2018, les deux principaux flux de déchets industriels en termes de tonnage étaient organiques : les déchets de bois (32 % : sciures, copeaux, plaquettes de bois) et les déchets végétaux (30 % : épluchures et rebuts de pommes de terre et de légumes, pulpes surpressées ou radicelles). Ces deux flux étaient par ailleurs en croissance importante entre 2008 et 2018, en lien avec l’augmentation des volumes de production dans les industries qui les génèrent (secteur du travail du bois et du papier et secteur de l’agroalimentaire). Un autre flux de déchets notable était celui des résidus d’opérations thermiques (résidus formés lors de la fusion ou de l’élaboration du métal à haute température, cendres volantes, sables de fonderie…). Longtemps principal flux de déchets industriels en Wallonie, il ne représentait plus que 9 % en 2018 suite à la perte de volume de production dans l’industrie lourde en général et sidérurgique en particulier. Ces trois flux de déchets, même s’ils représentaient plus de 70 % du tonnage de déchets générés en 2018, ne sont pas nécessairement les plus fréquemment rencontrés au sein des entreprises. Si des déchets de bois sont générés par l’ensemble des secteurs industriels, il n’en est pas de même pour les résidus d’opération thermique ou les déchets végétaux, qui sont des déchets plus spécifiques. D’autres flux de déchets sont rencontrés fréquemment sans pour autant représenter des tonnages aussi importants à l’échelle de l’industrie : déchets chimiques, papiers et cartons, plastiques, métaux, huiles usées…
Les déchets industriels générés rejoignent des filières de gestion parfois très spécialisées. Or, en ce qui concerne les impacts environnementaux, tous les modes de gestion ne se valent pas. L’utilisation de déchets en tant que matières ("valorisation de matières", y compris recyclage et réutilisation) est préférable à l’incinération des déchets avec récupération d’énergie ("valorisation énergétique"), elle-même préférable à l’élimination (essentiellement mise en centre d’enfouissement technique). La valorisation de matières concernait 51 % des déchets industriels wallons gérés en 2018[8] : déchets végétaux valorisés en nourriture pour le bétail, résidus d’opérations thermiques utilisés par les cimentiers ou en génie civil… La valorisation énergétique concernait 39 % du gisement de déchets industriels gérés en 2018, surtout des déchets de bois. Le reste du gisement était éliminé (8 %), principalement en centre d’enfouissement technique (résidus non dangereux de la production de produits chimiques et cendres), ou stockés temporairement (2 %).
À noter qu’une partie des déchets industriels (environ 6 % des déchets générés en 2018) sont considérés comme dangereux. La nature même de ces déchets fait qu’ils sont proportionnellement moins valorisés. Ils nécessitent la mise en œuvre de modes de traitement souvent plus coûteux ainsi que des précautions au niveau de la manipulation et de la transformation de ces matières.
Les améliorations enregistrées et à venir dans la génération et la gestion des déchets industriels sont à la fois liées au respect de nouvelles contraintes, dont l’interdiction de mise en décharge de certains flux, mais également à de nouvelles opportunités, dont les statuts de "sous-produit" et de "end of waste" (ou "sortie du statut de déchet"). Ces statuts, mis en application en Wallonie en 2019, permettent d’une part de considérer, sous certaines conditions, des substances ou objets issus d’un processus de production comme des sous-produits et non comme des déchets et, d’autre part, de déterminer quand des déchets valorisés peuvent ne plus être considérés comme tels. La gestion performante des déchets est devenue, depuis plusieurs années, un enjeu économique pour les entreprises et, plus globalement, est vue comme un levier de création de valeur pour la Wallonie à travers notamment l’application de la logique d’économie circulaire, promue dans le cadre du Plan wallon des déchets-ressources, de la Stratégie de déploiement de l’économie circulaire et du Plan de relance de la Wallonie.
Des outils pour règlementer, influencer et encourager
De nombreux outils de gestion fixent des balises et accompagnent les industries dans les matières environnementales en Wallonie. On peut les distinguer selon leur nature : règlementaires (normes, autorisations…), économiques (taxes, subsides…) et de sensibilisation.
Le permis d’environnement est l’outil règlementaire central en matière de gestion environnementale des activités (notamment) industrielles en Wallonie. Il couvre la plupart des pressions sur l’environnement et la santé : émissions de polluants atmosphériques et rejets d’eaux usées, bruit, odeurs, déchets… Le permis d’environnement autorise l’exploitation d’établissements susceptibles d’avoir des incidences environnementales ou sanitaires tout en précisant les conditions qu’ils doivent remplir. Celles-ci sont adaptées en fonction des activités de l’entreprise et de son contexte, ce qui permet de minimiser les impacts locaux et de participer à l’atteinte d’objectifs spécifiques sur la qualité des milieux : masses d’eau, air ambiant… Le permis d’environnement intègre des dispositions prévues dans plusieurs directives européennes, dont les directives "Seveso" relatives à la prévention des accidents majeurs, déjà évoquées, ou la directive "IED" (Industrial emissions directive) relative aux émissions industrielles. Cette directive a pour objectif de minimiser et de prévenir l’impact potentiel sur l’environnement des activités industrielles potentiellement les plus polluantes. Elle vise une gestion intégrée, c’est-à-dire la prise en compte simultanée des différentes pressions environnementales (pollution de l’air, de l’eau, des sols, génération de déchets…), plutôt qu’une approche séparée pouvant conduire à des transferts de pollution d’un compartiment de l’environnement à l’autre. La directive "IED" prévoit en outre la prise en compte des performances des meilleures techniques disponibles au sein de chaque secteur pour fixer notamment les valeurs limites d’émissions.
À côté des outils règlementaires, des outils économiques permettent d’influencer le comportement des entreprises. En Belgique, les compétences fiscales sont partagées entre les différents niveaux de pouvoir. La Wallonie est notamment compétente pour les taxes visant l’utilisation des ressources et les pollutions (prélèvements en eau, déversement des eaux usées industrielles, génération de déchets non ménagers p. ex.). Plusieurs aides (primes, subventions, exonérations fiscales) sont également destinées à favoriser la protection de l’environnement ou l’utilisation durable de l’énergie.
Finalement, des outils de sensibilisation et des systèmes d’actions volontaires permettent de fixer un cadre aux industries qui désirent aller plus loin dans la prise en compte de l’environnement dans leurs activités. De nombreux projets, variables tant en termes de contraintes que d’objectifs ou encore d’investissements attendus, coexistent en Wallonie dont :
- les accords de branche, évoqués plus haut
- la certification ISO 14 001 ou l’enregistrement EMAS, qui sont des systèmes de management environnemental internationaux, ayant pour objectif une amélioration continue des performances environnementales
- des projets collaboratifs, comme le Life in quarries pour le secteur extractif ou le Réseau nature (Natagora), qui visent une meilleure prise en compte de la biodiversité par les industries.
À côté de ces projets, la Wallonie soutient des actions de sensibilisation et d’accompagnement dans les démarches à caractère environnemental réalisées par plusieurs organismes dont le public cible dépasse d’ailleurs le secteur de l’industrie : cellules environnement de l’Union wallonne des entreprises et de la Confédération construction wallonne, Union des classes moyennes…
Un chemin encore long pour atteindre une industrie pleinement durable
Depuis une vingtaine d’années, la plupart des pressions environnementales d’origine industrielle sont en baisse en Wallonie, alors que dans le même temps la création de richesse du secteur est globalement en progression. Ces découplages sont le résultat d’investissements, de progrès technologiques et de changements de comportements, encouragés par des normes de plus en plus strictes mais également par des actions de sensibilisation. Ils sont aussi la conséquence d’évolutions dans le tissu industriel wallon, avec des fermetures d’industries ou des restructurations dans des filières intensives en utilisation de ressources et génératrices d’émissions atmosphériques.
Malgré les évolutions favorables, les défis sont encore nombreux pour parvenir à une industrie wallonne durable, compatible avec l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 et en phase avec la logique d’économie circulaire, où la croissance économique est dissociée de l’utilisation des ressources. Le secteur de l’industrie continuera à jouer un rôle central dans cette transition, à la fois en poursuivant l’atténuation de ses pressions directes (émissions, rejets…), mais aussi en tant que vecteur d’innovation. Placé en amont de la consommation, il devra en atténuer les impacts environnementaux (analyse du cycle de vie, écodesign, réduction des emballages, réparabilité des produits…), le tout en devant répondre à de nouveaux défis économiques et sociaux : numérisation, nouveaux modes de consommation, demande accrue de transparence…
[1] Hors consommation d’énergie à usage "non énergétique", c'est-à-dire hors consommation d’énergie en tant que matières premières dans les procédés : produits pétroliers utilisés pour produire du bitume, gaz naturel nécessaire à la fabrication des engrais azotés… En 2018, cette consommation s’élevait à 4 TWh.
[2] La neutralité carbone implique une baisse radicale des émissions anthropiques de gaz à effet de serre et la compensation des émissions résiduelles par des absorptions notamment en développant des solutions de stockage.
[3] Même si la majorité des activités de nature industrielle ont lieu dans le secteur de l’industrie, certaines sont signalées par des établissements d’autres secteurs (activités de service, ateliers techniques dans des écoles…). Il s’agit donc de la fourchette haute de l’estimation.
[4] C’est le secteur de la production d’électricité, qui ne fait pas partie du secteur de l’industrie extractive et manufacturière, qui consomme le plus d’eau en Wallonie (1 213 millions de m³ en 2018) afin de refroidir les centrales électriques thermiques, l’eau prélevée étant en très grande partie restituée aux cours d’eau.
[5] Ménages et services liés à la population au sens large (collecte et assainissement des eaux usées, transports, urbanisation, espaces verts…).
[6] Directives qui tiennent leur appellation de la "catastrophe de Seveso", accident survenu en 1976 dans une usine chimique située près de la ville de Seveso, dans le nord de l’Italie, ayant eu pour conséquences des émissions de polluants atmosphériques, dont la "dioxine de Seveso".
[7] Données provenant de différentes études et enquêtes portant sur les années 2012 et 2013. Hors terres excavées
[8] Les données relatives à la gestion des déchets sont basées sur les déclarations d’un échantillon non représentatif de l’industrie wallonne ("Enquête intégrée environnement"). À noter qu’une partie du gisement de déchets industriels est gérée en dehors de la Wallonie, principalement en Flandre (environ 19 % selon la même enquête) et les pays limitrophes (environ 8 %).
Sources
BFP, IBSA, IWEPS, SVR (modèle HERMREG) ; BNB ; SPW - AwAC ; SPW Énergie - DEBD ; SPW Environnement - DEE ; SPW Environnement - DSD ; SPW, UCLouvain, ULB, ISSeP (projet WALOUS) ; Statbel (SPF Économie - DG Statistique)
Remerciements
Wouter ACHTEN (ULB - IGEAT) ; Claire CHALON (SPW Environnement - DSD) ; Nathalie FEREMANS (SPW Environnement - DEE) ; Esther GOIDTS (SPW Environnement - DSD) ; André GUNS (SPW - AwAC) ; Cécile NEVEN (UWE) ; Hugues NOLLEVAUX (SPW Énergie - DEBD) ; Marianne PETITJEAN (SPW Environnement - DPA) ; Céline RENTIER (SPW Environnement - DEE) ; Olivier TROMME (SPW Environnement - DEE)